Répartition des compétences entre le canton et les communes : Où en est la "chasse aux doublons" ?


   

Comme l'on sait, la "chasse aux doublons", sport politique assez habituel de la droite genevoise, avait connu en 2013, avec l'élection d'un Conseil d'Etat plus à droite, et d'un Grand Conseil encore plus à droite, que les précédents, une vigoureuse inflexion rhétorique et procédurale, avec notamment la création d'un "comité de pilotage" (accessoire désormais indispensable à tout projet politique), formé paritairement par l'Association des communes genevoises et le Conseil d'Etat, et aidant ce dernier à accoucher d'un projet de loi (transmis au Grand Conseil en janvier de cette année) à la vaste ambition :
fonder la répartition des tâches entre le canton et les communes. On demandait à voir. Et on attend toujours le retour de la chasse aux "doublons".

Et Tartarin revint bredouille de la "chasse aux doublons".

Le président du Conseil d'Etat genevois, François Longchamp, était très inquiet, nous annonçait la "Tribune de Genève" du 5 janvier. Et quoi t'est-ce qui l'inquiètait, François Longchamp ? La nouvelle répartition des tâches. Et c'est là qu'on se marrait. Parce que la nouvelle répartition des tâches qui inquiètait Longchamp, c'était celle de la réforme territoriale française. Pas celle, entre le canton et les communes, qu'il fait semblant de proposer pour pouvoir l'imposer à Genève, contre les communes. Bref, s'inquiétait le Bailli, avec la nouvelle répartition française des tâches entre départements et régions, et l'agrandissement de la région Rhône-Alpes à quatre nouveaux départements auvergnats
éloignés de Genève, (la région "Auvergne" étant fusionnée avec Rhônes-Alpes)  "nous nous retrouvons à l'extrême périphérie est d'un territoire qui s'étend vers l'ouest", avec des départements qui n'en ont rien à secouer des problèmes de la "Grande Genève", mais qui ont de gros besoins et vers qui pourrait se diriger une partie des fonds rétrocédés par Genève à la France au titre de la "compensation financière" sur les impôts payés par les frontaliers. Et Longchamp aimerait bien que ces fonds restent utilisés par les communes françaises frontalières, dans l'intérêt de Genève, et pas par des culs-terreux auvergnats. Un peu comme quand la Ville de Genève (et les autres villes du canton) se bat pour garder les ressources et les compétences dont elle dispose actuellement, et sur lesquelles lorgne le canton. C'est ce qui est amusant, dans les processus de "répartition des tâches" : celui qui essaie de niquer les communes genevoises est en train de se faire niquer par la région française, et tient sur le maintien des compétences des départements français le discours inverse de celui qu'il tient sur les compétences des communes genevoises...

C'était promis : la nouvelle répartition des tâches publiques entre le canton et les communes devait se faire en respectant le principe selon lequel une tâche publique doit s'accomplir au niveau le plus proche possible du citoyen (quel autre "niveau peut y prétendre que la commune ?), et l'Etat n'assumer que les tâches dont il peut mieux s'acquitter que les communes. Ce beau principe de subsidiarité, qui s'il était respecté impliquerait que toutes les tâches publiques seraient municipalisées, sauf celles dont les communes sont incapables de s'acquitter, faisait déjà, au départ, fi de l'inégalité de moyens et de compétences dont disposent les petites communes, les villes en général, et celle de Genève en particulier). s'accompagnait de belles promesses : on tiendra compte allait vous concocter une répartition des tâches la "moins complexe possible", la plus claire et la "plus compréhensible pour le citoyen". Et la plus neutre possible, financièrement : les communes ne seraient pas financièrement siphonnées par le canton, le canton ne serait pas le financier des communes. Bref, tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes institutionnels possibles. Il faut bien avouer qu'on n'y croyait guère...

De deux choses l'une, rappelait Sandrine Salerno, en novembre dernier, alors que le Conseil Municipal de la Ville de Genève s'exprimait sur les propositions (mais étaient-ce encore des propositions, ou déjà des décisions enrobées de quelques précautions ?) du Conseil d'Etat sur la répartition des tâches entre canton et communes : "cette réforme, soit on prend le temps pour la réaliser, soit elle ne se fera pas". Et du temps, canton et communes en ont : la législation d'application de la disposition constitutionnelle a jusqu'en juin 2018 pour être adoptée. C'est un délai suffisant pour travailler sur le fond, par politiques publiques. Parce qu'il s'agit bien de savoir ce qu'on veut faire, avant de déterminer qui va le faire; de déterminer quelle politique on veut mener,  avant de choisir qui va la mener...
Par exemple  : réfléchir en termes de politiques publiques, se poser la question de savoir qui les mène, qui fait quoi, avec qui. Par exemple,
et au hasard : quelle politique culturelle, menée par qui ? La Ville, les communes, le canton, ensemble ou séparément ?
Des questions qu'on se pose depuis longtemps, auxquelles la loi sur la culture prétendait donner des réponses, et qu'il va peut-être falloir se poser à nouveau, mais en d'autres termes, dès lors que le projet culturel le plus ambitieux et, à Genève, le plus novateur de ces cinquante dernières années -celui de la "Nouvelle Comédie", est menacé d'un refus par le Grand Conseil de la part cantonale de son financement, ce qui condamnerait la Ville, soit à devoir tout payer elle-même, soit à renoncer à un projet auquel, comme les milieux culturels, elle tient (et a raison de tenir).
Pour le coup, en effet, il n'y aurait plus de "doublons" à chasser sur ce projet : ou bien le canton en serait absent, ou bien le projet serait enterré...
Une sorte de nettoyage par le vide, en somme : là où l'un des deux partenaires refuse d'assumer les compétences qu'il revendique, il ne saurait évidemment y avoir de conflit de compétences, le canton ayant renoncé à assumer les siennes -tout en continuant à les revendiquer.
Et Tartarin revint bredouille de la "chasse aux doublons".

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