Elections fédérales : Faire mentir les sondages !


Avec quelques nuances, les derniers sondages pré-électoraux convergent : le parlement suisse, qui n'est déjà pas franchement de gauche, risque fort de l'être encore moins après les élections fédérales. "Risque fort" ne signifie cependant pas que le risque sera la réalité, mais seulement qu'il faut en tenir compte : les sondages ne sont pas des promesses de vote, mais seulement des indications de l'état d'esprit, de l'humeur, de l'électorat au moment où on le sonde. Ils ne prédisent rien, mais signale une tendance possible, ou probable : en l'occurrence, une progression de l'UDC et du PLR plus forte que la régression du PDC, des Verts libéraux et du PBD, et une progression du PS insuffisante à compenser le recul des Verts et la stagnation de la "gauche de la gauche". Bref, une droite qui progresse (sur le centre) et une gauche qui stagne. Et seule une mobilisation de l'électorat de gauche peut faire démentir ces sondages. La participation au vote, si on croit non plus les sondages mais les chiffres officiels à six jours de la clôture du scrutin, n'est pas fameuse : cela aussi peut s'inverser, car s'abstenir, c'est laisser les autres décider : même si la démocratie ne se réduit pas à des votes, il arrive que le "piège à cons" ne soit pas l'élection mais l'abstention...

Abstenez-vous : vous aurez mérité ce qui vous tombera sur la gueule

Trois sondage pré-électoraux qui concordent ne font pas une vérité, mais tout de même une tendance probable -qui peut s'inverser : il y a quatre ans, le score de l'UDC avait été largement inférieur à ce qu'on pouvait attendre sur le foi des sondages. A dix jours des élections de cette année, l'institut Gfs, l'institut Sotono et la "Bourse électorale" donnent l'UDC entre 27,6 et 29 %, le PS entre 18,4 et 20,3 %, le PLR entre 15,8 et 17,1 %, le PDC entre 11,3 et 11,5 %, et tous les autres partis en dessous de 10 % et en recul par rapport aux élections de 2011. La place que chaque parti occupe dans le classement des forces politiques suisses ne changerait pas : l'UDC en tête, le PS en deuxième position, le PLR en troisième, le PDC en quatrième, les Verts en cinquième, et suivent les Verts libéraux et le PBD- Ce qui changerait, c'est le rapport des forces entre une droite (extrême-droite comprise) progressant (en additionnant UDC, PLR et quelques astéroïdes locaux genre MCG) suffisamment pour disposer d'une majorité absolue des sièges, un "centre" (pour autant qu'on admette la validité de ce concept) n'en rassemblant que moins du quart et une gauche dans sa "fourchette" historique : La gauche, en Suisse, pèse aux élections fédérales entre un quart et un tiers des suffrages et obtient entre un quart et un tiers des sièges, depuis un siècle. Un quart quand elle est crapoteuse, un tiers quand elle est fringante. Elle a donc besoin d'alliances, au parlement. Et ces alliances, elle ne peut les trouver qu'au "centre", sauf cas particuliers d'alliances "contre nature", se traduisant par des votes identiques pour des raisons diamétralement opposées (sur l'armée, par exemple)... Or si la "droite de droite" (l'UDC et un PLR droitisé) dispose de la majorité absolue des sièges parlementaires, par définition même une alliance de la gauche et du centre reste minoritaire.

Est-ce au PS (de qui d'autre peut-on l'espérer ?) de compenser le recul du centre, en plus de celui des Verts et de la faiblesse de la "gauche de la gauche", pour éviter qu'un glissement à droite du parlement se traduise par une régression sociale et politique, par plus de police et moins de solidarité, par le maintien des centrales nucléaires et le mépris du droit d'asile ? Car les enjeux d'un rapport parlementaire gauche-droite, même "arbitré" par le centre, sont là, et ils sont considérables. Même s'ils sont recouvert par le tintamarre xénophobe sur les réfugiés. Comment respecter le droit d'asile ? Comment mettre en oeuvre, ou comment éviter de mettre en oeuvre, l'initiative udéciste sur l'"immigration de masse" (L'Europe ? "tout le monde a glissé le sujet sous le tapis" observe Andreas Auer...) ? Comment réformer le système de protection sociale sans le dégrader ni dégrader ses prestations ? Comment assurer les ressources des collectivités publiques (des communes à la Confédération en passant par les cantons) et mettre fin à la distribution des cadeaux fiscaux aux hauts revenus, aux grosses fortunes et aux grandes entreprises ? Comment effectuer le "tournant énergétique" ? Comment renforcer, puis étendre, les libertés individuelles et les droits collectifs ? Sur tout ces enjeux, la confrontation est inévitable entre la gauche et la droite (voire au sein de l'une et de l'autre), entre les projets de gauche et les projets de droite.

Vous est-il indifférent que l'on restaure le vieux système discriminatoire des "contingents" et d'une nouvelle version du statut de saisonnier ? Vous est-il indifférent que la Suisse respecte ou non sa propre signature au bas des textes internationaux garantissant le droit d'asile ? Vous est-il indifférent que les aides sociales soient de plus en plus suspicieusement et pingrement accordées  ? Que l'âge de la retraite, d'abord de la retraite des femmes, puis de celle de tout le monde, soit repoussé étape après étape jusqu'à correspondre à l'espérance moyenne de vie, de telle manière que la moitié au moins des cotisants cassent leur pipe ou leur cigarette électronique avant de toucher l'AVS ? vous est-il indifférent qu'un taux "unique" d'imposition des entreprises fasse perdre des centaines de millions de francs de ressources aux caisses publiques ? Vous est-il indifférent que des centrales nucléaires obsolètes et dangereuses continuent à fonctionner alors qu'elles devraient être arrêtées et démantelées ? Et le retour de la police fouineuse, vous vous en foutez aussi ?
Alors abstenez-vous : vous aurez mérité ce qui vous tombera sur la gueule -et ceux qui l'y auront fait tomber auront bien mérité de vous.
Sinon, vous savez ce que vous avez encore cinq jours pour faire : voter...
Ce qui n'empêche aucune forme de lutte, mais s'y ajoute, comme un outil à un autre.
Ou une arme (pacifique) à une autre.

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