La "Cité du Refuge" et ses miasmes...

Meeting électoral parlementaire de l'extrême-droite genevoise


A la demande d'une trentaine de députés cornaqués par le MCG, une session spéciale du Grand Conseil genevois est convoquée pour aujourd'hui, vendredi dès 17 heures, sur le thème (électoralement porteur pour les xénophobes -c'est en tout cas ce qu'ils espèrent) de la "crise des réfugiés" (et de leur accueil). Le but de l'exercice auquel va se livrer l'extrême-droite de Piogre (on n'ose pas dire "de la Cité du Refuge"...) est évidemment de se faire mousser, à quatre semaines des élections fédérales. La Coordination contre l'exclusion et la xénophobie invite à un rassemblement devant l'Hôtel-de-Ville dès 16 heures 30 pour manifester à la fois un refus de l'exploitation, de plus en plus ouvertement raciste, de l'exode des populations fuyant les guerres pour trouver un refuge en Europe, et une solidarité concrète avec celles et ceux qui, arrivant chez nous démunis, ont besoin, d'une aide matérielle des plus élémentaires : des chaussures et des habits (le "Vestiaire social" les collectera sur le lieu du rassemblement : n'hésitez pas à en apporter). La "Cité du refuge" sera dans la rue, devant le parlement où celle du refus du refuge exhalera ses miasmes.
 

... de Genève, la Convention, soit dit pour rappel, en passant...

Depuis des mois, les gouvernements européens en général, ceux de l'Union Européenne comme les autres (Suisses compris, donc) nous jouent la surprise, l'effarement, et pour certains même la stupeur, devant l'arrivée des réfugiés, comme si nul d'entre eux ne s'y attendait, comme si l'événement était imprévisible. Or fin 2014 déjà, le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (HCR) avait "tiré la sonnette d'alarme" en avertissant les Européens qu'ils allaient devoir faire face à un afflux de réfugiés, mais "les Etats européens n'ont tout simplement pas voulu entendre", témoigne dans "Le Temps" le directeur "Europe" du HCR, Vincent Cochetel. Pourquoi cette surdité volontaire ? Parce que "la plupart (des Etats européens) ne se sentent pas concernés, car ils n'étaient pas affectés" : ou bien les réfugiés passaient ailleurs, ou bien ils ne faisaient que les traverser. Quant à la Suisse, elle ne devrait recevoir qu'une trentaine de milliers de requérants pour toute l'année 2015.

Il va bien falloir qu'on admette cette évidence, que tant que les conflits qui provoquent les exils n'auront pas été réglés autrement que par le massacre de l'une des partie au conflit par une autre, des réfugiés continueront de venir en Europe. Il va bien falloir aussi que la Suisse admette cette autre évidence, corollaire de la première : que les Syriens ne sont pas des migrants mais des réfugiés, et qu'ils ont donc droit à un statut de réfugiés, et pas seulement à une admission provisoire accordée pour des raisons humanitaires. Il va bien falloir enfin admettre que la Suisse est soumise au droit international comme tout Etat de droit, à moins qu'elle ne choisisse pour modèle la Biélorussie ou la Corée du Nord.
Car le droit international est clair (et éclaire) : les réfugiés ont besoin d'une protection particulière, qui se traduit par un statut particulier, garanti par la Convention (de Genève, soit dit pour rappel, en passant...) de 1951. Ils ont besoin de cette protection car ils n'ont plus accès à celle de l'Etat dont ils sont ressortissants : les migrants peuvent toujours se rendre dans le consulat de leur pays, pour obtenir une aide ou des documents -les réfugiés, non.  On nous susurre que la Convention (de Genève...) sur les réfugiés est obsolète, qu'elle ne correspond plus à la situation actuelle, que les réfugiés dont elle parle et assure la protection ne sont pas les réfugiés d'aujourd'hui mais ceux de l'époque de la Convention sur les réfugiés.  Or cette Convention (de Genève) est devenue universelle, en 1967, sa validité et son application n'ont plus ni limite de temps, ni limite géographique : la Convention (de Genève) s'applique partout, tout le temps. Et c'est le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés qui est gardien de ce traité,
qui ne nie ni n'entrave nullement le droit d'un Etat de contrôler ses frontières. En revanche, elle impose à tout Etat signataire -dont la Suisse, évidemment- d'accueillir les réfugiés. Non de leur accorder le statut légal de réfugiés, mais de les accueillir pour vérifier s'ils correspondent aux conditions d'obtention de ce statut, ou d'un autre statut leur permettant d'être accueillis.

La Convention (de Genève) définit ce qu'est un réfugié et son statut légal, et pose le principe du non-refoulement : qui arrive ne doit pas être renvoyé sans que son cas ait été sérieusement étudié, et pendant tout le temps de cette étude, il doit être hébergé, soigné, nourri, et assisté dans ses démarches de requérant d'asile. Certes, la Convention (de Genève) a des lacunes : elle s'applique aux cas individuels, pas aux groupes. Elle ne dit rien des interceptions en haute mer, dans les eaux internationales, d'embarcations contenant des réfugiés. Toutefois, elle est complétée par d'autres textes internationaux, comme la directive européenne de 2001 sur la protection temporaire, statut moins stable que celui de l'asile, mais donnant tout de même droit à une protection pendant toute la période où cette protection est nécessaire (toute la durée d'une guerre, par exemple). L'Union Européenne a de plus créé en 2005 une "protection subsidiaire", accordée aux personnes fuyant, comme les Syriens, une situation de violence généralisée. Là encore, il s'agit d'un statut plus précaire que celui de l'asile, donnant moins de droit aux réfugiés, mais leur accordant la protection nécessaire, le temps nécessaire.

La distinction, chère notamment à Nicolas Sarkozy (fils de réfugié), entre migrants économiques et "vrais" réfugiés (politiques ou religieux) n'a aucun sens lorsqu'il s'agit de populations fuyant une guerre, comme en Syrie depuis cinq ans, ou une misère absolue. Ceux qui fuient la famine sont-ils des réfugiés "économiques" ? La majorité des "migrants" actuels fuient des régions en guerre et des persécutions. Ce sont donc des réfugiés au plein sens du terme et du droit international. Et il y a un droit au refuge -non celui que Quasimodo proclamait pour Esmeralda du haut des tours de Notre-Dame, mais celui que les Etats démocratiques ont accepté de faire leur, comme un bien commun. Le droit au refuge n'est pas un droit à l'asile ? Certes. Mais il est au moins le droit de ne pas être refoulé, le droit d'être entendu et de se soustraire à ce qu'on a fui.

Fallait-il une session extraordinaire du Parlement de la Cité du Refuge pour réexpliquer ce qu'est le droit au refuge ? Alors elle n'aura peut-être pas été totalement inutile. Et tant pis pour ceux qui l'ont convoquée -ce n'est pas à eux qu'on s'adresse : il n'est pires sourds (de Genève)...

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