Police fouineuse, le retour ?


Un référendum indispensable, à faire aboutir...
      
La nouvelle loi fédérale sur le renseignement, qui prévoit de donner une base légale sensée encadrer l'activité, qui n'a actuellement aucune base légale, du service de renseignement de la Confédération (SRC), est donc combattue par un comité référendaire formé des Verts, de la Jeunesse socialiste (le PS, lui, est divisé, même si une majorité de ses parlementaires fédéraux a voté contre le texte), du Parti pirate, d'organisations de la "gauche de la gauche" (dont le Parti du Travail et, sauf erreur, solidaritéS) et d'organisations de défense des droits fondamentaux. Le référendum est ainsi lancé (et on vous invite à le signer...) contre un texte qui élargit considérablement les compétences du SRC, et porte en lui la menace d'un retour de la "police fouineuse" que l'"affaire des fiches" avait mise au jour, en révélant à 700'000 résidents suisses qu'ils étaient "fliqués". Il faut 50'000 signatures valables (de citoyennes et de citoyens suisses) pour que le référendum aboutisse et qu'au moins un débat soit lancé sur les limites à poser au contrôle policier de nos existences... Autant dire que l'aboutissement de ce référendum est indispensable, quoi qu'il puisse en être du résultat de la votation qu'il provoquera s'il aboutit...


Il y a plus dangereux, plus pervers que le sentiment d'insécurité : l'illusion de la sécurité...

C'est à la possibilité, sans garde-fous sérieux,  d'une "surveillance généralisée" de la vie privée des habitants de ce pays, qu'entend s'opposer le comité qui lance un référendum contre la nouvelle loi fédérale sur le renseignement, adoptée par 145 voix (la droite et le centre contre 41 (la majorité de la gauche) au Conseil National. "Nous sommes allés aussi loin que possible pour garantir les libertés individuelles face à une droite extrêmement déterminée", explique l'un des socialistes qui a finalement voté la loi contre laquelle le Jeunesse Socialiste lance (avec d'autres) un référendum. "Aussi loin que possible" ? Pas assez loin, cependant, même si la loi comble un vide juridique : toutes les propositions socialistes, vertes et vertes libérales renforçant les garanties données au respect des droits fondamentaux des personnes ont été repoussées par la droite et la droite de la droite...

Les services de renseignement de la Confédération (et les polices cantonales, voire municipales là où elles en ont les moyens) auraient ainsi la possibilité légale (on susurre qu'ils le faisaient déjà, mais en se passant d'une telle autorisation) de pénétrer dans la sphère privée des habitantes et habitants de ce pays, quel qu'ils soient,de les espionner, d'écouter et lire leurs communications, de pirater leurs ordinateurs et leurs smartphones, de poser des micros dans des lieux privés, sur de simples soupçons de commission possible d'un délit ou d'un crime éventuel (on appelle cela une "surveillance anticipée"...). Du coup, le Commissaire européen aux Droits de l'Homme (même pas un juge étranger...) évoque de "sérieuses menaces sur la vie privée".

Il y a plus dangereux, plus pervers que le sentiment d'insécurité : l'illusion de la sécurité. Aucun moyen, ni législatif, ni judiciaire, ni militaire, ni policier, ni technique, et les moyens techniques moins encore que les moyens humains (mais les moyens humains, cela signifie du personnel, qu'il faut payer, or on est toujours dans l'obsession des "économies" et du "personnal stop") ne garantit une absolue sécurité -même en écrasant absolument les libertés et les droits individuels. Les Etats policiers ne sont pas plus préservés que d'autres (s'il en est d'autres) des menaces brandies pour justifier le renforcement des possibilités données au service de renseignement fédéral : des attentats sont commis en Russie, en Chine, en Arabie Saoudite... Ces Etats ne sont pourtant pas en manque de polices politiques, de services de renseignements, d'espions et de barbouzes... Plus de moyens, plus de surveillance, n'empêche pas d'être la cible d'attaques terroristes : la menace djihadiste ayant été abondamment évoquée pour justifier le nouvelle loi, on se contentera de rappeler que les deux frères Kouachi, auteurs du massacre de "Charlie Hebdo", étaient sous la surveillance des services français... et de suggérer, avec le "Parti Pirate", que contre la Suisse, "une attaque terroriste est moins probable qu'une cyber-guerre économique".

Adapter les moyens disponibles aux nouvelles menaces (et le terrorisme n'en est pas une) n'est, précisément, qu'une adaptation -la question étant de savoir de quel prix il faut la payer. De celui d'intrusions généralisées dans la vie privée de personnes ayant le malheur d'appartenir à un milieu (social, politique, religieux, voire "ethnique") perçu à tort ou à raison comme celui de gens "potentiellement dangereux" ? On attend avec une impatience fébrile les hautes et vigoureuses protestations des politiciens qui n'ont que la défense de la vie privée à la bouche ou sous la plume quand il s'agit de défendre le secret bancaire.
Mais on risque d'attendre longtemps.

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