La droite municipale genevoise consent à faire son boulot budgétaire :


   

 Hosannah ! Alleluia ! Deo Gratias ! Les zélus et zélues de la droite municipale genevoise semblent prêts à faire leur boulot d'élues et d'élus, et même, qui l'eût cru, leur boulot d'élues et d'élus de droite : étudier le projet de budget de la Ville, en débattre, l'amender, voter pour ou contre -bref, le travail basique demandé aux membres du parlement municipal... C'était le moment : on a déjà perdu deux mois à ne rien pouvoir étudier, ni amender, ni modifier du budget de la Ville de Genève, parce qu'une majorité de bric, de broc et de branques du Conseil Municipal avait refusé en septembre de faire son boulot, et réussi à nous empêcher de faire le nôtre -mais sans pouvoir empêcher le Conseil administratif de faire le sien : élaborer un projet de budget, et le soumettre au Conseil Municipal, charge à lui de l'étudier, de l'amender, de le modifier. Et de le voter avec le contenu qu'il lui aura donné. Evidemment, pour donner un contenu à un budget, il faut avoir quelque chose qui ressemble à un programme politique, et pas seulement le mantra que la droite municipale ânonne depuis qu'elle est majoritaire au Conseil Municipal : "faut réduire la voilure et changer de paradigme pour aller de l'avant"...


La politique, on sait en faire aussi hors des salles de séances, des pas-perdus et des buvettes...

Le 7 septembre, la majorité (de droite et d'extrême-droite) du Conseil Municipal de la Ville de Genève refusait d'entrer en matière sur le projet de budget présenté par la majorité (de gauche) du Conseil administratif. Le 11 novembre, le Conseil administratif, unanime (ce qui signifie que le PDC Barazzone le soutient), a présenté un nouveau projet de budget, fort ressemblant au précédent, à une recette extraordinaire (due à une rémunération accrue des actions de la Ville dans les Services Industriels) et onze postes supplémentaire de pompiers près. Ce budget est équilibré -un peu mieux, même : avec 1,153 milliard de revenus prévus et des recettes fiscales stables (si on en croit les prévisions cantonales) et 1,145 milliard de dépenses prévues (elles n'augmentent que de 3 millions de francs), soit un excédent de 8,2 millions. L'enveloppe accordée aux investissements reste modeste (130 millions de francs, autofinancés pour plus des trois quarts), les mécanismes salariaux sont maintenus, les prestations à la population améliorées. Les priorités du projet de budget, c'est-à-dire celles du Conseil administratif, restent la création de 305 places de crèche de plus, avec comme objectif la satisfaction de la "quasi-totalité des besoins" d'ici 2018, celle d'un fonds de soutien à la création de 300 places d'apprentissage et celle d'un fonds pour soutenir les projets municipaux, associatifs ou de PME visant à apporter une solution nouvelle aux enjeux contemporains". A quoi s'ajoute, conformément à la volonté du Conseil Municipal lui-même, le renforcement des effectifs du Service d'Incendie et de Secours.
Ainsi, la Ville peut affronter une situation économique incertaine sans couper dans les prestations mais au contraire en les assurant et en les améliorant, sans péjorer le service public, sans faire payer à la population le prix des cadeaux fiscaux accordés ou en passe de l'être aux hauts revenus, aux grosses fortunes et aux entreprises. On ne résistera pas au plaisir un de poser ici la question qui nous brûle les lèvres : pourquoi le canton est-il, incapable de faire ce que la commune peut faire (et que la droite cantonale et municipale ne supporte pas qu'elle soit capable de faire) ?

Le Conseil Municipal décidera le 26 novembre d'entrer ou non en matière sur le projet de budget que lui présente le Conseil administratif. Si l'entrée en matière est votée, le projet sera renvoyé à la seule (faute de temps) commission des Finances, dont le rapport sera transmis à la plénière, qui devrait voter (ou non) le budget le 12 décembre, en amendant (ou non) le projet de l'exécutif. Si l'entrée en matière est refusée, ou si aucun budget est voté, la Ville entrera dans le système des "douzièmes provisionnels" -une sorte d'ersatz de budget mensuel, basé essentiellement sur le dernier budget voté (ça tombe bien, c'était le budget proposé par le Conseil administratif). La droite n'aurait ainsi refusé un budget annuel de gauche que pour se retrouver avec un budget mensuel basé sur un autre budget annuel de gauche... Amusant, non ? Instructif, en tout cas.

La droite municipale s'est donc résignée à faire son boulot et les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Le Conseil administratif exprime l'espoir d'un "dialogue serein et constructif" avec le Conseil municipal sur son projet de budget. Si rien ne le garantit, rien ne s'y oppose : Le PDC fait la moue, mais plus la guerre : il reproche à l'exécutif municipal (où siège l'un des siens) de ne pas avoir réévalué, c'est-à-dire réduit, les prestations. Reproche évidemment fondé, puisque le projet du Conseil administratif entend améliorer les prestations que le PDC veut réduire, comme si ce n'était pas précisément à l'aune de ses prestations à la population qu'une Municipalité peut se juger... Le "parti de la famille" annonce même vouloir s'attaquer au "coût des places de crèches"  mais comment ? en réduisant le personnel ? en péjorant ses conditions de travail et les conditions d'accueil des enfants ? Plus à droite mais pas plus adroit, le PLR, toujours confit dans ses rognes post-électorales, annonce qu'il pourrait proposer la plus stupide des mesures d'économies : des coupes linéaires. On n'attendait pas mieux de lui. Et le MCG, qui veut s'attaquer aux moyens dont disposent les services municipaux pour fonctionner correctement, se plaint de n'avoir que deux semaines (si le Conseil Municipal tient le calendrier proposé, qui prévoit un vote le 12 décembre en plénière) au lieu de trois mois pour "travailler le budget". Mais la faute à qui ? Qui sont les taborniaux qui, entre deux prédications apocalyptiques, ont refusé de faire le premier pas de ce travail : entrer en matière sur un projet de budget pour pouvoir, précisément, le "travailler". Le Conseil administratif, lui, a fait son travail -et son travail n'est pas de faire celui du Conseil Municipal : il est de présenter un budget équilibré et de le présenter dans les formes et les procédures requises par la loi. Si la droite veut. comme elle annonce vouloir le faire, couper dans les subventions, supprimer des prestations, supprimer des postes, effectuer des amputations linéaires, c'est à elle de le proposer et, si elle y arrive, de les imposer -après quoi la gauche mobilisera dans la rue (et ailleurs) les victimes de ces décisions pour la faire reculer ou, au pire, pour que le même parlement qui aura taillé à la hache ou râclé au rabot dans le budget rétablisse ce qu'il aura supprimé.
La politique, on sait en faire aussi, quand on le veut et qu'on s'en donne les moyens, hors des salles de séances, des pas-perdus et des buvettes...


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