La DEDD déforeste

Budget de la Ville de Genève : C'est reparti comme en  2011 (avec un référendum en prime)

On a reçu notre ordre de marche : "Le Conseil municipal est convoqué en séances extraordinaires pour samedi 12 décembre 2015 à 8 h., 10h. 13h30, 16h15 et 20 heures et lundi 14 décembre 2015 à 17h et 20h30 et mardi 15 décembre 2015 à 0h, 2h. 4h., 6h. et 8h". Et tout ça pour voter (ou non) le budget 2016 de la Ville de Genève, à partir du rapport de la commission des finances chargée d'examiner le projet du Conseil administratif. A supposer que la commission des finances soit capable de produire un rapport que l'on puisse examiner. Il paraît que c'est le "grand moment" annuel du Conseil municipal. Expérience faite, c'est surtout le plus chiant. Mais on s'y résignerait, si c'était pour qu'au bout du compte la Ville ait un budget équilibré (voire, en l’occurrence, bénéficiaire) qui maintienne à la fois ses prestations à la population et les droits des quelques milliers de ses employés. Or la DEDD (la droite élargie, distendue et dilatée), qui avait entamé l'exercice budgétaire par refuser de s'y livrer, ne s'y est finalement résolue qu'en proposant des coupes n'importe où, sur n'importe quelle ligne, n'importe quelle subvention, n'importe quelle allocation. L'important, c'est de couper. De déforester, à la tronçonneuse. Pour donner un signe. Un signe de quoi ? De son existence, pardi... Elle nous avait déjà fait le coup en 2011, elle nous le refait cette année.  En 2011, elle avait reculé face à la mobilisation des victimes potentielles de son exercice de déforestation culturelle et sociale. Même exercice, même réponse. Mais sans doute avec un référendum en prime. Histoire de donner tout de même la parole aux victimes du massacre à la tronçonneuse.




Déforester, ratiboiser. Pour dire qu'on est là. Pour faire semblant de servir à quelque chose.



Calibrer les dépenses aux besoins, ou les calibrer aux moyens déjà disponibles ? Dans un débat budgétaire, la réponse à cette question va identifier une politique de gauche ou une politique de droite : la première veut répondre aux besoins, l'autre veut se contraindre aux moyens. De préférence après les avoir réduits. Pour équilibrer son budget (celui proposé par le Conseil administratif étant, précisément équilibré) et financer son fonctionnement et ses actions, la Ville de Genève dispose de 1,132 milliard de francs de revenus, assurés à 75 % par les impôts et à 14 % par les revenus de ses biens -mais deux réformes financières, voulues par la droite, qui s'appuie déjà sur elles pour tenter de réduire les engagements et les prestations municipale, menacent à terme (dans les quatre ans au plus tôt, ce qui ne justifie aucune précipitation dans le maniement de la tronçonneuse budgétaire) les ressources de la Ville : la réforme de l'imposition des entreprises et la suppression de la taxe professionnelle. Une troisième réforme, celle de la péréquation intercommunale, pourrait atténuer la menace, mais sans compenser les pertes provoquées par les deux autres réformes.

Le critère des besoins est le seul sur lequel puisse se fonder un programme politique municipal, la commune n'ayant ni compétence ni prétention législative, mais ne se légitimant précisément que par sa capacité à répondre aux besoins de sa population (et, quand elle est comme Genève, une ville-centre, aux besoins de la population de sa région)  : on parle donc des besoins des 200'000 habitants de la Ville elle-même, d'abord, ceux de la population qui bénéficie des prestations de la Ville, ensuite. C'est à la satisfaction de ces besoins que s'attaque, en Ville comme dans le reste du canton, la droite genevoise. Sans même, en Ville, le prétexte d'une crise financière : les comptes de la commune sont bénéficiaires, le budget proposé par l'exécutif est bénéficiaire, la dette est maîtrisées, les investissements sont plafonnés. Et comment s'y attaque-t-elle, la droite municipale, à ce budget et à la satisfaction de ces besoins ? Par la plus stupide des méthode : la réduction linéaire. Avec des exceptions, certes, mais qui sont encore plus stupides que la méthode elle-même... Elle propose donc de réduire, linéairement (et transversalement, puisque cela va toucher tous les départements) de 2,5 % la ligne qui finance les fournitures y compris la fourniture d'énergie, nécessaires au fonctionnement des services publics. Elle propose aussi de réduire, toujours linéairement (et toujours transversalement), de 2 %, les subventions. En mettant sur le même pied, amputé, les grandes institutions (sauf le Grand Théâtre, curieusement préservé du rabot) et la culture émergente -mais avec le privilège accordé à celle-ci d'être particulièrement frappée, puisque particulièrement précaire, matériellement, et frappée même triplement, puisque les coupes projetées par la droite municipale s'ajouteraient aux coupes décidées par la droite cantonale, et que pour couronner le tout, et plomber encore un peu plus la création indépendante, la droite  municipale propose de sabrer 10 % des "fonds généraux" culturels, qui soutiennent spécifiquement les lieux et acteurs culturels émergents. Tout cela se fait, évidemment, sans l'ombre d'un fantôme de ligne politique : on rabote à l'aveugle, on coupe à la mécanique (mais on préserve le sport, vieux fétiche de la droite). On gèle le pourvoi aux postes vacants, on prive le fonds chômage de 650'000 francs et le soutien aux projets de développement durable de 75'000 francs. Pour le plaisir. Ou par réflexe, on ne sait. Bref, on déforeste, on ratiboise. Pour dire qu'on est là. Pour faire semblant de servir à quelque chose. Pour faire ce que les chefs cantonaux dont on n'est finalement que les sous-traitants ont dit qu'il fallait faire

Que fait, pour exister, ou du moins en donner l'impression, un camp politique sans projet, sans programme et sans cohérence (vous pourrez le vérifier en l'entendant dès samedi) ? Il fait ce que fait la droite municipale genevoise : il vibrionne, la tronçonneuse à la main, pour tailler dans les propositions des autres. On aurait donc tort de s'en étonner, et tort même de s'en offusquer -après tout, que pourrait-elle faire d'autre ? La droite agglutinée fera passer ses coupes budgétaires, nous lancerons un référendum pour rétablir ce qu'elle aura coupé. Ainsi le débat budgétaire descendra là où il devra se faire, la rue, l'urne, les lieux de travail -parce qu'enfin, derrière les subventions, les lignes budgétaires, il y a, figurez-vous, chères et chers collègues de la droite agglutinée, des femmes et des hommes qui travaillent... les uns créent, d'autres représentent les créations qui auront pu naître grâce au soutien de la Ville, d'autres encore se mettent au service de la population.

Ceux-là aussi, au moment d'un vote populaire, auront le pouvoir de décider du budget de la Ville. Ceux là aussi, et pas seulement celles et ceux qui semblent ne pouvoir soigner leurs frustrations politiques qu'en réduisant les moyens dont dispose la collectivité dont elles et ils sont les élus, de faire son travail -non à leur service, mais à celui, d'abord, des 200'000 habitants de la commune.

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