Succession d'Eveline Widmer-Schlumpf au Conseil fédéral : On s'en tamponne (un peu) !


Autant vous le dire  : savoir lequel sera élu des trois candidats de l'UDC à la succession d'Eveline Widmer-Schlumpf, le Romand, l'Alémanique (qui a adhéré à l'UDC parce qu'"en Suisse centrale, le PDC a tendance à glisser à gauche") ou le Tessinois (pas membre de l'UDC mais de la Lega), on s'en tamponne le botte-cul. Comme de savoir où ira gésir Ueli Maurer. Et on s'en tamponnerait aussi de savoir quel département l'éduciste nouveau prendra (les Finances, l'Armée, la Justice et la police, l'Intérieur), si d'aucun-e-s ne caressaient pas l'idée sadique, du point de vue de la défense du droit d'asile, de lui confier la tutelle de la politique d'asile. Ce droit à l'indifférence (relative) que nous prônons, c'est l'avantage que nous offre le système de démocratie "semi-directe" (et donc "semi-parlementaire") : le Conseil fédéral a l'initiative (partielle) des lois et des choix politiques, pas leur maîtrise. Et si le parlement a glissé à droite, avec une majorité UDC-PLR au Conseil national, ce glissement est moins calamiteux qu'on pouvait le craindre, avec une majorité PS-PDC au Conseil des Etats... et des majorités populaires et cantonales que l'on peut construire, surtout s'agissant de la politique sociale, contre des décisions parlementaires.

Le bon candidat UDC ? un PDC sous étiquette UDC...


Faisons semblant d'adhérer au mantra de ces dernières semaines : "l'UDC a droit à un second siège au Conseil fédéral" -en fait, personne n'a "droit" à siéger au gouvernement, ou plutôt : tout le monde a droit à y présenter candidature, ce qui revient au même. Le gouvernement fédéral n'est pas élu à la proportionnelle mais à la majoritaire, et l'Assemblée fédérale fait ce qu'elle veut : elle a bien choisi une udéciste (eh oui, Eveline Widmer-Schlumpf a été élue en tant qu'UDC...) que ne présentait pas l'UDC pour la substituer à Christoph Blocher, alors que l'UDC venait, déjà, de gagner les élections fédérales... et elle a bien pendant un quart de siècle refusé d'élire un seul socialiste alors que "proportionnellement", les socialistes pouvaient revendiquer au moins un siège. De même n'a-t-elle jamais élu ni un-e candidate-e de l'Alliance des Indépendants au temps de la splendeur de ce parti de la Migros, ni un-e Vert-e lorsque les Verts cartonnaient aux élections.

Cela dit, tout indique que la semaine prochaine, le parlement fédéral (les deux chambres réunies, celle à majorité UDC-PLR et celle à majorité PS-PDC) n'osera pas contrarier le "premier parti de Suisse" et lui refuser un deuxième siège. En Suisse alémanique, en tout cas, la pression exercée pour un "retour à la normalité de la formule magique" est considérable -il est vrai que l'UDC y contrôle un quotidien (la Basler Zeitung) et un hebdomadaire (la Weltwoche) importants, et qu'au moins trois quotidiens importants de droite, le Blick, la NZZ et le Bund soutiennent sa revendication d'un deuxième siège au gouvernement fédéral, au nom d'un "retour à la normalité" de la "formule magique" et de la fermeture d'une parenthèse de "sous-représentation" de l'UDC au gouvernement fédéral -sans que nul ne semble s'émouvoir de la sur-représentation, en fonction des mêmes critères, du PLR, voire du PS. En effet,  une représentation arithmétique, proportionnelle, donnant un siège par tranche de 14 % des suffrages aux élections fédérales, donnerait deux sièges à l'UDC, mais condamnerait le deuxième siège PLR et menacerait le deuxième siège socialiste... tout en donnant un siège supplémentaire au "centre" (PDC, PBD, Verts libéraux) pour peu qu'il arrive à s'unir. Et comme il n'y arrive pas, que le PDC n'ose pas revendiquer un deuxième siège et que, soupire la vice-présidente du PS, Géraldine Savary,"on ne pas avoir de l'ambition à la place du PDC", la voie est libre pour l'UDC... mais "nous attendons des candidats (UDC au Conseil fédéral) qu'ils s'engagent à respecter les accords bilatéraux, la Convention européenne des droits de l'homme, qui est le coeur de l'Etat de droit, et la collégialité" (Christian Levrat, président du PS). Bon, faisons simple : en clair, le bon candidat UDC est un PDC étiquetté UDC -ou Lega : quand l''UDC tessinoise présente la candidature au Conseil fédéral d'un Conseiller d'Etat, Norman Gobbi,  c'est un élu de la Lega. Un peu comme si l'UDC genevoise présentait Mauro Poggia...

Exit donc Eveline Widmer-Schlumpf : elle va laisser un joli paquet de gros enjeux politiques à celui ou celle qui reprendra son ministère : le secret bancaire, la 3e réforme de l'imposition des entreprises, un programme d'économies budgétaires pour compenser le milliard et demi de pertes fiscales prévues comme conséquences de ladite réforme... Sur tous ces thèmes, et sur les autres dossiers "chauds" (l'assurance vieillesse, la politique d'asile, les votations populaires sur le "renvoi des criminels étrangers", l'interdiction de la burqa, le droit international...) la gauche a autre chose à dire et à faire que ce que la majorité du parlement (et du Conseil fédéral) dit et fait. Et en tout cas autre chose à faire et à dire que ce que l'UDC dit qu'il faut faire. Et autre chose à faire qu'élire au gouvernement quelqu'un, Romand, Tessinois ou Alémanique, dont on sait déjà qu'il défendra une politique à laquelle nous sommes fondamentalement opposés -voire allergiques.

Le président socialiste du Conseil d'Etat vaudois, Pierre-Yves Maillard, ira à Berne le 9 décembre pour soutenir la candidature de l'UDC Guy Parmelin au Conseil fédéral. Y'a des fois, comme celle-là, où la "formule magique" tient plutôt de la recette du bouillon de onze heures... Certains socialistes sont prêts à soutenir Parmelin en le considérant comme un "moindre mal", d'autres  leur rappellent qu'il a toujours soutenu la ligne officielle, ultra.-droitière, europhobe et xénophobe, de son parti, les Verts et la "gauche de la gauche" refusent par principe de soutenir un UDC et regrettent à haute voix que "le centre ait posé les plaques", pour reprendre l'expression d'Adèle Thorens. Quant à Guy Parmelin lui-même, il demande à la gauche de son canton de "faire abstraction de la politique" et de le soutenir, parce que "c'est la tradition" que tout le canton soutienne un candidat du canton. "Faire abstraction" de la politique dans une élection au gouvernement fédéral ? La recommandation est assez cocasse. Ou alors Parmelin confond le Conseil fédéral avec le comité de la chorale mixte de son bled. Ouais, ça doit être ça : on est à Clochemerle au XIXe siècle... Après tout, des socialistes et des PDC trouvent bien judicieux de proposer que l'UDC reprenne le ministère de Simonetta Sommaruga et assume la responsabilité de la politique d'asile puisqu'elle se prétend plus capable que les autres de "résoudre la question de l'asile". Sur le dos des réfugiés.
Et pour "résoudre la question des inégalités entre femmes et hommes", on fait appel à qui ? Au Conseil islamique de Suisse ?

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