Initiative contre la spéculation sur les denrées alimentaires : Parce que la Suisse est ce qu'elle est...


L'initiative de la Jeunesse Socialiste contre la spéculation sur les denrées alimentaires, soutenue par toute la gauche, ainsi que par des organisations agricoles, syndicales (comme l'USS), environnementales, d'entraide et de solidarité internationale, exige que les denrées alimentaires soient exclues des opérations spéculatives effectuées en Suisse (mais elle autorise le recours à des instruments financiers par des producteurs ou des négociants cherchant à se prémunir des aléas du marché), et que la Suisse s'engage à lutter contre la spéculation alimentaire au niveau mondial. Une exigence prétentieuse ? La Suisse n'est pas n'importe quel pays, dans le jeu financier international : elle est, dans le commerce des matières premières alimentaires, une plate-forme importante, et le lieu d'installation d'acteurs importants de ce commerce. C'est précisément parce que la Suisse est ce qu'elle est que l'initiative socialiste y est importante...

On ne joue pas avec la nourriture !

Souvenez-vous : en 2007 et 2008 avait éclaté une crise alimentaire, qui avait révélé (ne serait-ce que par des émeutes de la faim) l'impact de la spéculation sur les prix de nombreuses denrées de base, ce qui en avait fait augmenter les prix -non pas ceux payés aux petits producteurs, mais ceux exigés pour leur consommation. Le prix du blé avait doublé du Sénégal, quadruplé en Somalie. En temps "normaux", une grande partie de la population mondiale parvient tout juste à assumer le coût de sa propre nourriture -alors, lorsque les prix augmentent, cette population là se retrouve incapable d'y faire face. Et la FAO estime que cent millions de personnes ont rejoint la masse des affamés à cause de la seule crise de 2007-1008Or les prix des denrées alimentaires n'avaient pas augmenté parce que la demande avait augmenté (elle augmente de manière importante depuis un quart de siècle, mais l'offre augmente également, et plus massivement encore), ils avaient augmenté parce que des investisseurs avaient choisi de compenser leurs pertes sur certains marchés en spéculant à la hausse sur celui-là. Résultat, selon la Banque Mondiale, la CNUCED et de l'Institut international sur les politiques alimentaires, les deux tiers de la hausse des prix alimentaires durant cette crise -et les crises semblables : selon le Programme alimentaire mondial, les prix des denrées alimentaires de base ont doublé entre 2002 et 2012- étaient dus à la spéculation.

Et puis, que l'initiative de la JS soit acceptée ou refusée, "ce n'est qu'un début, continuons le combat : Une autre initiative concernant l'alimentation, et proposant elle aussi un changement radical de politique dans ce domaine, est en passe d'aboutir : celle d'Uniterre. Elle se concentre sur la production, la d istribution et la consommation alimentaires en Suisse, en privilégiant les droits humains sur la recherche du profit, la production locale, à haute qualité, à l'importation et à la production industrielle. Elle demande que soit conclue une convention collective de travail pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs agricoles du pays, et propose une taxation des produits importés ne respectant pas les normes intérieures. Bref, elle remet en cause à la fois le libre-échange des produits alimentaires (et donc, elle aussi, comme l'initiative de la JS, la spéculation sur ces produits) et la production industrielle "nationale".

Les opposants à l'initiative de la JS, comme d'habitude lorsqu'ils sont confrontés à des propositions du type de celle faite par l'initiative contre la spéculation sur les denrées alimentaires, peignent le diable, ses servants et tous les enfers sur la muraille en cas d'acceptation du texte de la JS.  Pourtant, le fonds de compensation AVS ou le Crédit Suisse ont su renoncer à placer des fonds sur le marché concerné par l 'initiative. C'est donc possible. Et mieux que possible. Il ne convient plus que généraliser ce renoncement. Et de dire, dans la constitution, ce que naguère on disait aux enfants (le dit-on encore, dans nos sociétés de grande bouffe ?)  on ne joue pas avec la nourriture !

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