Initiative UDC de "mise en oeuvre" de l'initiative UDC (ad libitum) : Un grand coup de latte s'impose (pédagogiquement)


       
Parlons d'un enjeu sérieux du vote de dimanche -et donc d'autre chose que du MAH (dont on parle cependant ailleurs) : parlons de l'initiative de l'UDC pour la mise en œuvre de l'initiative de l'UDC pour l'expulsion automatique des "criminels étrangers". Parlons surtout de la nécessité de convaincre les derniers hésitants et les dernières hésitantes à balancer un grand coup de latte dans le fondement des auteurs de ce texte. L'UDC a, depuis quelques années, pris l'habitude des succès sur des initiatives qui ne mériteraient que la poubelle. Les défaites en votation, elle a oublié le goût que cela avait -contrairement à nous, qui nous en repaissons avec la constance des héros romantiques. Repousser cette initiative absurde et vindicative aura ainsi une vertu pédagogique : réapprendre à ses auteurs le goût, doux-amer, de la défaite.


... la certitude méprisante que le peuple est assez stupide pour voter n'importe quoi...


L'initiative udéciste de "mise en œuvre" de l'initiative udéciste précédente a été lancée sans attendre la mise en œuvre proposée par le parlement, précisément en application de l'initiative victorieuse le 28 novembre 2010.  L'UDC ne cherchait pas à "mettre en œuvre" son initiative, elle cherchait seulement à faire un "coup" politique, en profitant du vent de xénophobie qui souffle sur la Suisse comme sur toute l'Europe. Elle n'a d'ailleurs même pas lancé de référendum contre la loi de mise en œuvre proposée par le parlement, et dont elle fait mine de croire qu'elle trahit son initiative, alors même qu'elle la concrétise de manière plus fidèle que sa soi-disant initiative de "mise en œuvre" : à titre d'exemple, on rappellera que la première initiative, celle acceptée, celle que l'UDC prétend "mettre en œuvre", laissait cinq ans au parlement pour être traduite en loi, délai respecté par le parlement, et qu'elle ne s'asseyait pas comme celle qui nous est soumise aujourd'hui sur les principes du droit et le primat du droit international. Bref, le parlement a fait son travail et a produit l'adaptation du Code pénal à la première initiative udéciste. L'acceptation de la seconde initiative rendrait cette adaptation impossible, alors même qu'elle contient un durcissement des dispositions répressives actuelles, au point d'être sur plusieurs points plus sévère que l'initiative de "mise en œuvre"...

Que l'initiative propose un renvoi des criminels étrangers ayant commis l'un des crimes les plus graves (meurtre ou assassinat, viol, brigandage, traite humaine, trafic de drogue, génocide) n'amène rien de nouveau à la pratique actuelle : ces criminels-là sont déjà expulsables, et le resteront dans la version du parlement. Mais l'initiative ajoute à ces crimes entraînant déjà une expulsion une liste de 14 délits parfois relativement mineurs (faux témoignage, lésions corporelles simples) qui actuellement ne l'entraînent pas automatiquement (quoique cela soit possible), et l'entraîneraient désormais en cas de récidive. Elle institue même, dans la constitution et non dans le code pénal, une nouvelle infraction d'"abus" en matière d'aide ou d'assurance sociales -une disposition qui frappe "quiconque", et pas seulement les étrangers, et qui n'implique même pas qu'on  ait réellement et volontairement tenté de tricher pour obtenir une prestation à laquelle on n'avait pas droit -comme l'illustrait Thierry Tanquerel la semaine dernière, la retraitée suisse de chez Suisse de souche qui avait omis de déclarer un revenu quand elle demandait à bénéficier de l'aide complémentaire serait concernée comme l'escroc rastaquouère à l'assurance -à se demander si les auteurs des initiatives udécistes lisent les textes qu'ils proposent avant de les balancer dans le processus politique... En revanche, l'initiative de "mise en oeuvre" "oublie" (volontairement ? Et pourquoi ?) de prévoir l'expulsion automatique, à la première condamnation, d'auteurs de crimes comme l'agression ou la contrainte sexuelle sur des enfants, alors que la loi concoctée par le parlement, et que l'UDC dénonce comme étant trop laxiste, la prévoit, elle, cette expulsion. Comme elle prévoit la possibilité d'une expulsion à vie, que l'initiative udéciste ne prévoit pas.

Disons en tout cas qu'il vaut infiniment mieux pour tout le monde que la dernière production udéciste finisse là où elle mérite de finir, ne serait-ce que pour nous éviter de devoir lancer une initiative de démise en œuvre, ou de mise en désœuvre, d'une initiative de "mise en œuvre" qui ne met en œuvre que la certitude méprisante de ses auteurs que le peuple auquel ils s'adressent est assez stupide pour voter n'importe quoi...

Fassent les urnes qu'ils soient démentis.

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