Initiative UDC de soi-disant "mise en oeuvre" : A balayer (devant notre porte)


Selon un sondage effectué le 12 janvier, l'initiative de UDC, pour (soi-disant) la "mise en oeuvre" de son initiative précédente pour l'expulsion des "criminels étrangers",  recueillerait 51 % d'avis favorables au plan national, contre 42 % d'opposants, avec seulement encore 7 % d'indécis. Tout se jouera sur la mobilisation des dernières semaines, notamment au sein de l'électorat des partis de droite qui appellent au rejet de l'initiative, mais dont une forte proportion des électeurs (38 % de l'électorat PDC, 46 % de l'électorat PLR) avait, à la date du sondage, l'intention de voter pour le texte udéciste. Il restait même, selon le sondage du 12 janvier, 12 % des Verts et 7 % des socialistes à convaincre de suivre le mot d'ordre de leurs partis respectifs et à refuser ce que la coordination genevoise contre l'exclusion et la xénophobie résume fort justement comme étant un "texte inique, mensonger, inutile et dangereux". Qu'il nous reste un peu plus de trois semaines à faire balayer. Devant notre porte, par nos concitoyens.
Campagne de "Stop Exclusion" sur
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Le crime, le délit, la faute d'être étranger..


L'initiative de l'UDC "pour le renvoi effectif des criminels étrangers" ne parle évidemment que des "criminels" étrangers. Et que des délinquants "étrangers". Et elle parle de tous les étrangers, indistinctement. Parce qu'il n'y a que cela et qu'eux qui l'intéressent -on dira plutôt : qui l'obsèdent. Son initiative touche tous les étrangers, qu'ils se trouvent en Suisse pour la première fois où qu'ils y vivent depuis des décennies. Elle veut traiter de la même manière un père de famille établi en Suisse depuis 40 ans et un criminel de passage. C'est à la fois idiot, infect -et contraire au droit international (dont il est vrai que l'UDC se contrefout, sauf quand elle peut en faire usage), mais c'est même contraire aux principes fondamentaux du droit national : dans un Etat de Droit, on ne juge pas de la même manière quelqu'un est né dans cet Etat et y vit depuis toujours, et quelqu'un qui ne fait qu'y passer pour commettre un crime -il est vrai que l'Etat dont rêve l'UDC, et à la tête duquel elle se rêve, n'a rien d'un Etat de Droit, et tout d'un Etat d'arbitraire. De ce type d'arbitraire, porté par des dispositions mécaniques comme celle proposée par l'initiative  (l'expulsion automatique des "criminels" étrangers), c'est précisément le droit international, et les instances chargée de le faire respecter (la Cour européenne des Droits de l'Homme, par exemple), qui nous préserve.
Le droit international, et la jurisprudence de la CEDH, posent précisément les limites que l'UDC veut faire sauter : les décisions d'expulsions prises par un Etat, et qu'il a parfaitement, en principe, le droit de prendre, ne peuvent être prises que si elles ne portent pas atteinte à un droit protégé par la Convention. Elles doivent être proportionnée au but visé (expulser un "fraudeur" aux assurances sociales ne l'est pas), justifiées par un besoin social impérieux (expulser un étranger résidant avec sa famille en Suisse depuis des lustres n'en est pas un), avoir pris en compte la situation personnelle de l'expulsable et de ses proches (le mécanisme proposé par l'UDC ne les prend pas en compte, puisqu'il automatise l'expulsion), en particulier ceux de ses enfants, et la capacité d'appréciation de la Justice doit être sauvegardée (l'initiative udéciste la nie en bloc).
On rappellera utilement au passage que la Convention et la Cour européennes des Droits de l'Homme sont des institutions du Conseil de l'Europe (et non de l'Union Européenne), que la Suisse est membre du Conseil de l'Europe, que des juges suisses siègent à la CEDH et produisent la jurisprudence de celle-ci... et que la CEDH a plusieurs fois validé l'expulsion par la Suisse de criminels étrangers y résidant depuis longtemps...

La loi actuelle permet déjà de renvoyer dans leur pays d'origine les étrangers ayant commis des actes criminels. Et elle a durci, jusqu'à aller parfois plus loin dans la sévérité que la soi-disant initiative de "mise en oeuvre", les dispositions applicables aux criminels étrangers. Mais la loi fait la différence que ne fait pas le texte de l'UDC, entre un crime et un délit. Un viol et un vol d'usage. Un meurtre et une baffe. Or si l'initiative udéciste était acceptée, la constitution et le code pénal entreraient en contradiction sur plusieurs points -et comme la constitution est supérieure au code, celui-ci ne pourrait entrer en vigueur. Il faudrait alors, ironise le socialiste Roger Nordmann, "réviser la révision" du Code pénal. En attendant de devoir lancer, pour se sortir de l'impasse, une initiative de mise en oeuvre de l'initiative de mise en oeuvre de l'initiative initiale ?

L'initiative de l'UDC "viole la séparation des pouvoirs, bafoue le rôle de la Cour européenne des droits de l'Homme et réduit le juge à une machine automatique chargée d'appuyer sur un bouton à expulser", résume la Conseillère nationale Verte Lisa Mazzone. Et ce sont là ses moindre défauts -car tout, en fait, dans ce texte, tient dans son titre, où le mot "criminel" devient superfétatoire, "criminel étranger" n'étant plus qu'un pléonasme. : la faute qu'il s'agit de punir n'est pas celle pour laquelle le criminel ou le délinquant étranger aura été condamné, mais celle pour laquelle il devra être expulsé.
Sa faute, c'est d'être étranger.

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