L'autoroute lacustre, Graal de la droite genevoise


Sauvez la Dame du Lac !

    Le Grand Conseil, qui sur cet enjeu s'apparente à une Chambre Introuvable, a évidemment, toute la droite coagulée faisant bloc bétonné, approuvé l'initiative de l'Entente pour une traversée routière du lac -sans préciser si elle devait se faire en pont ou en tunnel, ni combien elle coûtera, et à qui, ni comment elle serait financée, ni même, comme l'a relevé Pierre Vanek, si elle avait elle-même l'illusion que ce projet pourra se réaliser un jour -du moins avant l'assèchement complet du lac dans quelques centaines de milliers d'années. On n'est plus, il est vrai, dans un débat politique (mais y fûmes-nous jamais ?) sur un projet réalisable, mais dans une pantomime, un exercice de postures et de gesticulations dans une parodie de quête du Graal. Mais plutôt que l'aide de Merlin, pour sauver la Dame du Lac c'est sur la reprise du discours même de la droite genevoise sur la nécessité de "faire des économies" qu'il faut compter. Parce que son  Graal, à la droite genevoise, coûterait la peau des fesses, et la graisse qu'il y a dessous, à un canton qui passe son temps à expliquer qu'il faut se serrer la ceinture, réduire la voilure et faire preuve de modestie financière... Seulement lorsqu'il s'agit de prestations sociales et culturelles, et des droits sociaux et salariaux de la fonction publique ?


Des gens pour qui Excalibur est seulement une marque de bagnole

L'initiative de l'Entente (en fait, du PLR) en faveur de l'autoroute lacustre, sur laquelle les Genevois devraient voter encore cette année (et à laquelle nous appelons d'ores et déjà à voter "non") propose d'inscrire dans la Constitution, où elle n'a rien à faire sauf à considérer la Charte fondamentale de la République comme un fourre-tout, la nécessité de réaliser "une traversée du lac permettant l'achèvement du contournement de Genève". Traversée du lac par ailleurs déjà inscrite au plan directeur cantonal 2030. Le texte évoque la possibilité d'un "partenariat public-privé" et d'un financement fédéral, parfaitement illusoire, et invite le Conseil d'Etat à réaliser des aménagements au centre-ville.
Qu'il soit en pont ou en tunnel, l'ouvrage proposé par le PLR coûterait des milliards -un peu moins de milliards si c'est un pont, mais d toute façon trop pour les finances cantonales. D'où l'idée d'accepter l'investissement de privés, qui se paieraient ensuite (avec intérêts) sur la bête (l'automobiliste, donc) grâce à un péage -mais la Confédération n'accepte pas de péage sur les tronçons routiers nationaux -or il s'agirait bien d'un tronçon routier national, c'est-à-dire d'une autoroute. Un financement fédéral ? La Confédération, qui privilégie l'élargissement de l'actuelle autoroute de contournement, pose comme préalable à tout financement du machin translacustre de la droite coagulée,  l'urbanisation de l'un de ses bastions politiques, la rive gauche du lac. Celle des villas de milliardaires.

La Confédération a donc décidé de financer l'élargissement de l'autoroute de contournement, pas la traversée routière de la rade ou du lac, qu'elle a pourtant étudiées à la demande du gouvernement genevois, pour conclure qu'il s'agirait, tant l'une que l'autre, de la plus mauvaise solution pour "désengorger" Genève, et en particulier le centre de son agglomération (la Ville et les communes voisines), à moins d'urbaniser massivement la rive gauche du lac, ce qui n'est dans les projets de personne. Résultat : plus la droite s'agite autour de la traversée routière du lac, plus elle menace l'élargissement de l'autoroute de contournement. "un jeu dangereux", pour le Conseiller aux Etats Robert Cramer. Un jeu idiot, surtout... La Conseillère nationale (verte) Anne Mahrer s'interroge : Ne serait-il pas plus sage d'attendre (...) la mise en service du CEVA, qui constitue aussi une traversée, et d'observer ses effets sur le report modal ?". Evidemment que ce serait plus sage -mais qu'est-ce que la sagesse a à voir avec les obsessions ?

Qu'une traversée routière du lac ne puisse être rapidement qu'un véritable aspirateur à bagnoles (il faudra en effet inciter les gens à prendre leur bagnole pour utiliser ce pont ou ce tunnel à péage) devrait relever de l'évidence, mais ce "gouffre à milliards", ce "projet passéiste et néfaste", comme l'a qualifié le député socialiste Thomas Wenger, ne tient en vérité plus du projet mais du fétiche, et sa défense n'a plus à voir qu'avec la quête du Graal. Sans la beauté du mythe. Et sans Merlin. Mais avec des gens pour qui Excalibur est seulement une marque de bagnole : Eric Stauffer en Perceval, Daniel Zaugg en Lancelot, et le reste du lobby bagnolard réuni autour d'une table ronde (et bancale) aimablement fournie par le TCS.

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