Bruxelles : "Ni rire, ni pleurer, mais comprendre" ? Il en a de bonnes, Spinoza


 Ce fut, par Daech ou la Qaeda, la France, la Grande-Bretagne, l'Espagne, les Etats-Unis, la Russie, le Mali, le Burkina Faso et bien d'autres. C'est la Belgique. Rien ne dit que ce ne sera pas un jour la Suisse. Parce que rien n'est plus facile à commettre qu'un attentat du genre de ceux commis hier à Bruxelles : on a besoin d'explosif, de kalach', et d'un ou plusieurs abrutis prêts à se faire sauter en tuant, mutilant, blessant un maximum de personnes, sans distinction entre elles. Et tout cela se trouve sans grand effort. Et on se retrouve devant nos télés ou nos ordinateurs à contempler les images d'un carnage : ce n'est pas encore nous qu'on a visé, ce n'est pas encore chez nous qu'on a tué.


Nos clients. Nos alliés. Et les parrains de nos assassins.


Tout se passe comme si Daech avait fait l'inventaire exhaustif de tout ce à quoi l'"Occident" tient, ou est supposé tenir, ou dit qu'il tient, pour, méthodiquement, s'y attaquer ou faire le contraire : négation des droits des minorités,  négation des droits de femmes, destruction du patrimoine culturel, mises à mort spectaculaires... Prenez les déclarations et conventions des droits humains : vous y trouvez Daech, en creux, en ombre, chaque droit proclamé (qu'il soit ou non respecté par les ennemis que Daech se désigne) est remplacé par exact inverse : l'esclavage, la torture, les exécutions sommaires, les viols sont proscrits ? Daech les rétablit là où il le peut. Et là où il ne le peut pas, il massacre à l'aveugle, et la France et la Belgique vivent pendant quelques heures, il y quatre mois ou hier, ce que la Syrie vit tous les jours depuis des années.

On pourrait qualifier Daech de "nihiliste", si ce qui lui tient lieu d'idéologie n'avait un contenu religieux, et ce qui lui tient lieu de programme n'était d'instaurer un califat. On n'est pas chez Netchaïev, on est chez Hassan Sabah, à ceci près que le Vieux de la Montagne n'était pas sunnite mais ismaélien.  Daech a une idéologie, et une stratégie. Pas seulement des méthodes, une tactique, un discours, mais une vraie stratégie, à long terme, et qui ne renvoie pas aux ismaéliens d'Alamût, mais aux Khmers Rouges : d'abord, dans l'espace territorial où peut s'installer un califat "matériel" et pas seulement "spirituel", attaquer les pouvoirs en place (à Damas, à Bagdad...) là où cela peut leur faire mal, de telle manière qu'ils y concentrent leurs forces et délaissent des zones de plus en plus larges de leur territoire; ensuite, dans ces zones, s'implanter par la terreur exercée sur toutes les populations que Daech y juge indésirables : les non-musulmans, évidemment (chrétiens, yézidis...); les "autres" musulmans, ensuite (chiites, alaouites, druzes, alévis...); les non-arabes, enfin (kurdes, turkmènes); enfin, dans des zones effectivement et durablement contrôlées, établir un califat comme un sanctuaire.


Comment répondre à cet adversaire qui ne respecte rien du droit humanitaire, ni de quelque droit fondamental que ce soit ? Sur les réseaux sociaux, les appels à reprendre contre Daech les méthodes de Daech (ou de Bachar) se multiplient. Or le respect du droit humanitaire et des droits fondamentaux n'est pas une faiblesse, c'est une arme. Politique, certes, mais pas moins efficace pour autant : elle trace une ligne de démarcation, qui permet précisément de qualifier l'adversaire comme il doit l'être -et de le disqualifier en tant que combattant. Ce n'est pas le droit humanitaire qui doit être adapté à la lutte contre le terrorisme, c'est cette lutte qui doit se conformer à ce droit et aux droits humains fondamentaux, parce qu'elle se mène aussi en son nom et au nom de ces droits. On ne fait pas la "guerre au terrorisme", pas plus qu'à la criminalité : le "terrorisme" n'est pas un adversaire mais une méthode, et le "terroriste" n'est pas un combattant, c'est un criminel -du moins tant qu'il n'est pas au pouvoir (quand il y arrive, il devient un partenaire. Ou un client). Le djihadiste qui sévit en Europe est un criminel de droit commun passible des tribunaux et des peines de droit commun. Le djihadiste qui sévit en Irak ou en Syrie est un criminel contre l'humanité, passible des instances et des peines prévues pour ce type de crimes. Tous les instruments sont là pour traiter le djihadisme et ses soutiens pour ce qu'ils sont -il suffit d'avoir la volonté politique de les utiliser. Contre Daech, contre la Qaeda... mais aussi contre leurs parrains.


Leurs parrains ? Ceux à qui on achète du pétrole et vend des armes ? Ceux qui se paient des villas sur nos coteaux ? Ceux que nos boutiques de luxe accueillent avec des courbettes ? Ceux à qui on précise bien servilement, parce qu'ils ont bien du pognon, qu'on n'appliquera pas à leurs épouses, leurs soeurs et leurs filles l'interdiction de se voiler qu'on propose d'instaurer ? Eh oui, ceux-là même...
Nos clients. Nos alliés. Et les parrains de nos assassins.
"Ni rire, ni pleurer, mais comprendre" ? Il en a de bonnes, Spinoza...

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