"RIE III" version vaudoise : Brouillard et Malice gagnent à 87 %
Plébiscite vaudois, palinodies genevoises


A la soviétique, à la bulgare, à la roumaine ou à l'albanaise ? Les Conseillers d'Etat vaudois Pierre-Yves Maillard et Pascal Broulis ont fait adopter par plus de 87 % des votants (avec un taux d'abstention de 65 %, il est vrai) leur réforme de l'imposition des entreprise, le volet vaudois d'une réforme fédérale sur laquelle droite et gauche joutent férocement au Parlement fédéral. Leur projet était contesté par un référendum lancé par la gauche de la gauche, et soutenu par la Jeunesse socialiste et les syndicats de la fonction publique. Elle est donc passée. Et à Genève ? Au plébiscite vaudois répondent les palinodies genevoises : des promesses de "discussions", faites par un Conseil d'Etat qui ne semble pas vouloir négocier grand chose. Mais à gauche, on a à Genève deux avantages sur nos camarades vaudois : d'abord celui de ne pas avoir à faire l'effort de lancer un référendum si le projet final ne nous convient pas, puisque dans la capitale mondiale du monde mondial le référendum est obligatoire sur les modifications des lois fiscales. Et ensuite, de ne pas avoir de Grand Chef à suivre benoîtement quand il dit où aller (
Ni Dieu, ni César, ni tribun, socialistes, sauvons-nous nous mêmes, l'impôt va changer de base, ils ne paient rien, ils paieront tout...)...

Duo cum faciunt idem, non est idem

La droite genevoise ne s'est pas fait faute de saluer la victoire dans les urnes du projet vaudois de réforme du volet cantonal de l'imposition des entreprises. En se disant qu'il en irait de même à Genève, quand le gouvernement genevois aura réussi à concocter un projet. Cette autocélébration quelque peu prématurée omet cependant quelques détails de la comparaison entre Vaud et Genève, (il ne s'agit dans les deux cas que de l'application cantonale d'une réforme fiscale fédérale dont tout, dans les débat aux Chambres, marqués par un bon gros clivage gauche contre droite, indique qu'elle sera contestée par référendum, et contestée par des forces politiques -le PS, les Verts, les syndicats du secteur privé- qui dans le canton de Vaud ne contestaient pas le projet du Conseil d'Etat).
Duo cum faciunt idem, non est idem (même quand deux personnes croient faire la même chose, ce n'est pas la même chose qu'elles font) :  le projet vaudois était de fixer à 13,8 % le taux unique d'imposition des bénéfices des entreprises, alors qu'on entend à Genève la majorité du Conseil d'Etat hurler à l'étranglement de l'économie dès qu'un taux supérieur à 13 % est proposé -la magistrate socialiste responsable des finances de la Ville, Sandrine Salerno, qui demande depuis deux ans une véritable négociation, propose un taux de 15 %, qui ferait tout de même diminuer l'impôt genevois de 57 %... comme ce qui vient d'être fait dans le canton de Vaud. La droite genevoise se mire dans le miroir du "consensus vaudois" ? Alors qu'elle en admette aussi les conditions.

La question est : puisque réforme de l'imposition des entreprises (et taux unique d'imposition) il y aura de toute façon, à quel niveau place-t-on la barre en dessous de laquelle la gauche refuserait de descendre (celle de 13 % que propose le Conseil d'Etat est déjà inférieure à celle de 13,8 % votée par les Vaudois) , et quelles "compensations" sera-t-on capable d'exiger, en disant clairement que si on ne les obtient pas, on refusera le paquet proposé ? Il y a des cadeaux fiscaux précédents sur lesquels on peut exiger de revenir, des coupes budgétaires auxquelles on peut exiger de renoncer, des projets de "réformes" qu'on peut exiger de congeler (la suppression de la taxe professionnelle ou de l'imposition au lieu de travail, par exemple), des investissements à la con (genre traversée du lac, ou prisons) dont on peut exiger l'abandon, ou le report aux calendes de Tsipras...

Ce débat, ce souk, c'est quand même l'occasion de mettre pas mal de choses sur la table de négociation. Si négociation il y a, évidemment. Et si le Conseil d'Etat revient sur son refus de discuter de "son" taux de 13 % -comme s'il était assez fort, ce Conseil d'Etat-là, à Genève, aujourd'hui, pour imposer quoi que ce soit à qui que ce soit... C'est qu'on n'a pas Brouillard et Malice (qui voient dans leur victoire non seulement celle de leur projet, mais aussi, ou surtout, celle de leur méthode) pour galvaniser les masses, nous, on n'a que Dal Bosquet et Long Champ. C'est plus bucolique, mais moins entraînant. Et ça améliore donc le rapport de force, et facilite la résistance.
A condition, bien sûr, d'avoir envie de résister...

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