Bon comptes et mauvaises coupes

La Ville de Genève à présenté ses comptes 2015. Alors que le budget était presque à l'équilibre avec un tout petit excédent de revenus, les comptes en présentent un de 39,5 millions, grâce à une maîtrise des charges et à des revenus non budgétisés. Pour rendre le tableau encore plus souriant, la dette est stabilisée et les investissements sont presque totalement autofinancés (ils le sont à 95,2%). "C'est une bonne nouvelle qui permet d'envisager sereinement les années à venir", résume la Conseillère administrative Sandrine Salerno. Une bonne nouvelle pour la Ville et ses habitants, sans doute. Mais pas pour la droite municipale, qui espère depuis des années que la situation financière de la Commune soit assez mauvaise (et que la droite cantonale l'ait rendue assez précaire) pour justifier l'usage de la hache et du rabot budgétaires auquel cette droite s'essaie. Or le 5 juin, on votera précisément sur des coupes budgétaires opérées par ladite droite, municipale et coagulée. Des coupes qui se confirment comme étant inutiles puisque les finances de la Ville sont bonnes, nuisibles puisqu'elles s'en prennent à des prestations à la population, et stupides puisqu'elles sont mécaniques, linéaires et aveugles.

Et si on  tirait une balle dans le pied, pour passer le temps, en attendant l'apocalypse ?

Les bons résultats des comptes 2015 de la Ville de Genève  (qui font suite à de bons résultats des comptes des années précédentes) tombent mal pour la droite municipale, reconnaissent les plus sagaces de ses élus  (les autres s'accrochent à leur discours apocalyptique  : ils l’ânonnent depuis des années, on ne peut pas leur demander d'y renoncer, c'est ce qui leur tient lieu de ligne politique). Comment de bons comptes (ou un bon budget) peuvent-ils mal tomber, se demanderont, incrédules, le citoyen et la citoyenne de base ? C'est simple : la prédiction de la catastrophe budgétaire à venir tenant lieu de prospective (surtout quand on fait tout pour qu'elle survienne), elle tient aussi, et surtout, lieu de prétexte à couper dans les budgets qu'on n'aime pas : les budgets sociaux et culturels proposés par un Conseil administratif qu'on aime encore moins (forcément, il est de gauche...). Alors si la catastrophe annoncée, mauvaise fille, se refuse obstinément à montrer le bout de son mufle malgré tous les efforts qu'on a déployés (en cadeaux fiscaux divers et contre-réformes fiscales variées) pour la faire advenir, on se retrouve politiquement à poil face à une échéance du genre de celle du référendum municipal contre des coupes budgétaires justifiées précisément par l'imminence de la catastrophe qui se fait désespérément attendre. Et on en est réduit, les orages désirés rechignant à se lever, à psalmodier le même mantra depuis des années, un peu comme ces sectes millénaristes (mais chez elles, c'est la foi qui voile l'intelligence, pas la frustration -en l’occurrence, celle de la droite, en Ville de Genève, de devoir piétiner au pied de l'exécutif municipal sans parvenir à s'y asseoir) qui annoncent le Jour du Jugement pour la semaine prochaine. Et qui lorsque le jour est passé sans le Jugement, changent de calendrier ou expliquent qu'on s'était gouré dans la chronologie, mais que la catastrophe n'est que partie remise. Qu'elle viendra. Parce qu'elle doit venir. Sinon, on a l'air de quoi, à la prédire sans qu'elle vienne ?

En attendant la catastrophe, la droite coagulée a choisi de contraindre la Ville à se tirer une balle dans le pied. En coupant dans un budget excédentaire pour faire des économies inutiles dans des dépenses indispensables.  Le 5 juin, on votera donc sur (et contre) ces coupes budgétaires inutiles et nuisibles, imposées pour des raisons (ou des déraisons) politiciennes, sur des budgets sociaux et culturels qui financent des prestations qui correspondent à des besoins de la population, et à des engagements de la commune. Et on se réjouit d'avance d'entendre la droite coagulée nous expliquer qu'il était indispensable pour sauver la Ville de la faillite de réduire les subventions aux colonies de vacances, aux associations qui servent des repas aux démunis, à l'Orchestre de la Suisse romande ou à l'Armée du Salut... "Avec 39,5 millions de boni, il va être difficile d'expliquer à la population qu'on doit baisser les prestations" dont elle bénéficie, murmure Sandrine Salerno. Si difficile, sans doute, que la droite coagulée n'essaiera peut-être même pas. Ou se contentera d'agiter le spectre de l'inéluctable catastrophe. De toute façon annoncer des années budgétaires difficiles, ce n'est pas prendre un grand risque  : elles finiront bien par arriver (surtout quand on fait tout pour qu'elles arrivent). On attendra. Un siècle, s'il le faut. C'est comme la fin du monde, la mort du pape ou la nôtre : l'annoncer aujourd'hui, après tout, ce n'est qu'être un peu en avance sur l'événement. et essayer de se faire passer pour des prophètes ou des devins.

Deux mois après le vote populaire sur (contre...) les coupes budgétaires, le Conseil administratif présentera son projet de budget pour 2017. L'année dernière, la droite coagulée avait d'abord refusé d'entrer en matière sur le projet de budget, et empêché que le Conseil municipal fasse le travail pour lequel il (elle comprise) a été élu, puis avait accepté finalement de laisser le Conseil municipal faire ce travail, mais (histoire de sembler avoir fait quelque chose -n'importe quoi, mais quelque chose) l'avait saboté en opérant, pour sept millions de francs, des coupes absurdes sur des lignes budgétaires qui n'avaient que le tort de financer des actions dans les domaines de la culture et de la politique sociale, assumées par un magistrat et une magistrate de gauche. Le vote du 5 juin pourrait avoir quelque vertu pédagogique sur une droite coagulée à qui il semble urgent de devoir apprendre (en votant "non") à quoi sert un budget, ce que signifient des comptes bénéficiaires -et à quoi elle-même peut éventuellement, être utile. Si elle consent à faire son travail -et même, rêvons un peu, à le faire intelligemment.
Après tout, le Conseil municipal aussi peut être "inclusif"... même de ses majorités d'occasion.

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