Réforme de l'imposition des entreprise, version III : Référendum il y aura


Le président du Parti socialiste suisse l'a annoncé le 31 mars : "ce n'est plus une menace mais un  fait", il y aura référendum contre la réforme de l'imposition des entreprise, troisième du genre. Pourquoi n'avoir pas attendu la fin des débats aux Chambres fédérales pour l'annoncer ? Parce qu'on sait déjà que la majorité de droite du parlement, en alignant les cadeaux fiscaux comme des noix sur un bâton, va rendre le coût de cette réforme insupportable pour les caisses publiques : fédérales, cantonales, municipales (celles des villes). La réforme est inévitable (c'est l'Union Européenne qui contraint la Suisse à modifier sa législation fiscale pour mettre toutes les entreprises sur pied d'égalité en abolissant les privilèges fiscaux accordés à certaines d'entre elles, étrangères. D'où d'ailleurs un léger ricanement de notre part à voir l'UDC appeler à exécuter un ordre de l'Union Européenne...),mais pas le prix dont la droite entend la faire payer. La "RIE III", c'est tout de même le plus gros cadeau fait au patronat (grand ou petit, mais le cadeau est d'autant plus gros que l'entreprise l'est...) depuis la fin de la Guerre Mondiale. Et on voudrait qu'il soit fait dans l'indifférence, sans résistance, sans débat, dans le "consensus" ? Pour qu'après la RIE III, on nous balance une RIE IV, puis une RIE V, et ainsi de suite romainement chiffrée jusqu'à la chute finale ?

Ce que l'on donne aux entreprises, c'est aux populations qu'on le prend, pas à l'Etat...

C'est fou ce que le Conseil d'Etat genevois aime les Vaudois en général, et leur Conseil d'Etat en particulier, avec une affection toute particulière pour Pierre-Yves Maillard et Pascal Broulis, depuis le 28 février dernier, lorsque le volet cantonal de la réforme de l'imposition des entreprises (RIE III pour les intimes) a été accepté par plus de 87 % des suffrages dans le canton de Vaud, alors qu'on ne sait pas encore à quoi il va bien pouvoir ressembler à Genève. "Le oui vaudois à RIE III montre qu'on y arrivera", veut se convaincre et nous convaincre le président du gouvernement genevois, François Longchamp. Qu'on arrivera où, et à quoi ? A un consensus. Sur quoi ? Sur le volet cantonal genevois de la RIE III. Et il contiendra quoi, ce volet ? Ah, faut attendre le résultat de la "table ronde" qui s'ouvrira le 15 avril, et qui réunira des représentants des partis, des communes, des syndicats et du patronat. Pour accoucher d'un consensus, déjà improbable  : la gauche de la gauche et la droite de la droite renâclent, pour des raisons évidemment fort différentes, aux propositions du Conseil d'Etat, que les Verts et les socialistes estiment également insuffisantes, mais que sur des points essentiels -le taux d'imposition, par exemple, le Conseil d'Etat refuse de négocier. Dans ces conditions, évitera-t-on un référendum ? Non, pas plus à Genève qu'au plan  fédéral, d'ailleurs, puisque le PS suisse a annoncé qu'il le lancera, contre la RIE III fédérale. L'exemple des choix faits par la droite fédérale (le refus de l'augmentation de l'imposition des dividendes, par exemple) éclaire suffisamment la logique de la RIE III pour qu'à Genève comme au plan national, le référendum ne soit pas seulement inévitable, mais qu'il ait toutes les chances d'aboutir, et des chances sérieuses de vaincre dans les urnes.

Au besoin (et besoin il y aura sans doute), on pourra rappeler l'enseignement de la précédente réforme de l'imposition des entreprise, la RIE II : elle ne devait rien coûter aux caisses publiques, elle leur a coûté des milliards. Cette fois, même les bricoleurs de la RIE  III admettent qu'elle coûtera des centaines de millions (en plus de ceux déjà perdus). Qui à tous les coups se transformeront eux aussi en milliards de pertes fiscales. Et pas à cause d'une évasion panaméenne : à cause de décisions suisses (et genevoises).

Additionnez la baisse du taux d'imposition de la plupart des entreprises, la déduction des bénéfices produits par les brevets et les patentes, la déduction des frais de recherche et de développement, y compris celles effectuées à l'étranger, la déduction possible, au choix du canton, des intérêts "notionnels" -bref, un ensemble de déductions qui peuvent atteindre 80 % du bénéfice imposable, et ce ne sont pas en effet les centaines de millions de pertes fiscales déjà annoncées qui seraient provoquées par la réforme de l'imposition des entreprises,  mais des milliards. Combien de milliards ? On ne sait pas. Des milliards, en tout cas, au pluriel. Et par année. Et pourquoi ? Pour "maintenir la compétitivité fiscale de la Suisse". C'est-à-dire sa place dans la compétition entre paradis fiscaux, compétition acharnée à coups de baisses générales des taux d'imposition des entreprises, des grosses fortunes et des hauts revenus, de dégrèvement ciblés, de déductions additionnables. Compétition se faisant essentiellement entre pays (ou régions, ou, en Suisse, cantons) riches, sur le dos des pays (ou des régions) plus pauvres, que ce dumping prive de recettes fiscales indispensables au financement de leurs infrastructures sociales, éducatives, sanitaires, médicales... Celles-là même qui sont indispensables aux populations, hors la toute petite minorité que sa fortune et ses revenus permettent de s'en passer.
Ce que l'on donne aux entreprises, finalement, c'est aux populations qu'on le prend, pas à l'Etat...

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