Fonds de tiroir


Au moins 1634 personnes ont été exécutées en 2015, sans compter les exécutions extra-judiciaires, et sans compter les milliers d'exécutions perpétrées en Chine. C'est 50 % de plus qu'en 2014, et c'est un record depuis 1989, alors que jamais le nombre de pays ayant aboli la peine de mort n'a été aussi élevé (ils sont 102 dans ce cas, et 38 à ne plus la pratiquer alors qu'elle est encore prévue dans la loi). Une petite industrie qui tourne, donc. Surtout en Iran (977 exécutions, dont celles de quatre mineurs), au Pakistan (320 exécutions -un record national) et en Arabie Saoudite (158 exécutions), et souvent au terme de procès d'une « iniquité flagrante », constate Amnesty International. La Chine reste le pays où la peine de mort est la plus pratiquée. Les Etats-Unis tiennent glorieusement le cinquième rang de ce classement. Le nombre d'exécutions capitales est également en hausse en Egypte et en Somalie. Le Bangladesh, l'Inde, l'Indonésie et le Tchad ont repris les exécutions. Voila. Et chez vous, ça va ? Parce que chez nous, la peine de mort, on l'a abolie en 1942 pour les crimes de droit commun et en 1972 pour les crimes de droit militaire, mais on fait toujours de très bonnes affaires avec, au hasard, les Saoudiens, les Chinois et les Américains. Et on commence à en faire avec les Iraniens.

Notre glorieuse armée s'est trouvée un ennemi. C'est plus le rouge de naguère, c'est le basané d'aujourd'hui. Le métèque. Le réfugié. Le Département fédéral de la Défense a donc modifié les dates des cours de répétition de quatre corps de troupe afin de « pouvoir aider les autorités civiles en cas de situation extraordinaire causée par un afflux migratoire », « en engageant jusqu'à 2000 hommes si nécessaire ». Et même d'ailleurs si pas nécessaire, puisqu'il s'agit de convaincre que «notre milice» peut servir à quelque chose. Fût-ce de corps de garde-frontières auxiliaires. Comme dit notre glorieux ministre de la Défense, Guy Parmelin («Tribune de Genève» du 13 avril), « Notre armée constitue notre ultime réserve. La milice devra faire ses preuves, sinon la question de savoir à quoi elle sert ne manquera pas de ressurgir ». Ouais, et pas seulement la question, la réponse aussi...

On va se payer un grand moment de nostalgie : Pierre Wellhauser a écrit une histoire d'Onex de 131 pages, nous apprend la « Tribune de Genève ». Il a quel âge, au juste, Wellhau ? oh là, tant que ça ? Ben ça nous rajeunit pas... Mais bon, comme son histoire d'Onex s'arrête dans les années septante, elle nous évitera au moins le quadriennat de Gominator au Conseil administratif... D'ailleurs, c'est dans les années septante qu'on s'est barré d'Onex. C'est pour ça que l'histoire s'arrête là, non ?

La droite coagulée a fait adopter par le Conseil municipal de la Ville de Genève une délibération prétendant imposer au Conseil administratif de proposer un projet de budget 2017 présentant un excédent de recettes d'au moins 15 millions de francs (pourquoi 15 millions et pas 14 ou 16 ? mystère. Une réminiscence de Marignan, peut-être ?) et un autofinancement des investissements d'au moins 75 % (pourquoi 75 % et pas 70 % ou 80 % ? mystère tout aussi épais. L'amour des canons français de la Grande Guerre, peut-être ?). Et si le Conseil administratif ne le fait pas (rien ne l'oblige à le faire, il est seul maître du projet de budget, ce qui réduit la délibération votée par la droite à une simple résolution), il se passe quoi ? Ben... rien. Ou peut-être ce qui s'est passé l'année dernière : en août, vexée, la droite coagulée refuse d'entrer en matière sur le projet de budget, décide de ne pas faire le boulot pour lequel elle a été élue et renvoie le projet au Conseil administratif -donc le budget n'est pas étudié en commission (ce qui repose les élues et les élus de ladite droite d'un effort intellectuel qu'ils n'étaient visiblement pas prêts à consentir). Trois mois plus tard, le Conseil administratif re-propose un re-projet de budget. Presque identique au précédent. Consciente qu'elle a l'air ridicule à force de refuser de faire son travail, la droite coagulée (ou une partie d'entre elle) accepte d'entrer en matière sur le re-projet de budget, mais faute de l'avoir étudié, faute d'avoir la moindre idée d'un budget alternatif, faute d'être capable de choisir où couper et où ne pas couper, décide de coupes arbitraires, linéaires, dans les dépenses. N'importe où, n'importe comment. L'important, c'est de couper. Pour montrer qu'on existe. Ce budget ratiboisé est voté en décembre par le Conseil municipal, mais la gauche et les victimes de coupes budgétaires lancent un référendum contre les coupes, le référendum aboutit largement, et au printemps (le 5 juin prochain, par exemple), le peuple vote. Et rétablit le budget du Conseil administratif. Une mécanique idiote, mais testée cette année. Elle aura fait perdre six mois pour l'adoption d'un budget qui tienne debout, elle aura coûté à la Ville ce que coûte une votation populaire, mais elle aura aussi permis à la gauche et aux associations de se mobiliser et de faire la démonstration, dans la campagne référendaire, de ce que signifient, politiquement, les ressources que la Ville accorde aux associations et aux organismes qu'elle subventionne. Bref, ce qui justifie l'existence d'une municipalité. Et constate l'inexistence politique de la droite coagulée. Merci, la droite coagulée, de nous en avoir fourni l'occasion. 

Le Consulat de Turquie a demandé à la Ville de Genève de censurer une exposition de photographies sur la place des Nations, parce que l'une des photos exposées lui déplaît -elle montre une manifestation sur la place genevoise, le 14 mars, protestant contre l'assassinat d'un jeune manifestant sur une place stambouliote, et dénonçant la responsabilité du Premier ministre Edrogan, devenu président, dans cet assassinat. Le Conseil administratif a repoussé la demande du Consulat turc et maintenu l'expo et la photo contestée, au nom de la liberté d'expression. Nous voilà donc rassurés sur deux points : Ce n'est pas le consulat de la République islamique de Turquie qui gouverne l'utilisation de l'espace public à Genève, et que le président du Conseil Municipal de la Ville de Genève a beau se transformer sur Facebook en porte-parole supplétif et bénévole de l'ambassade turque, ça n'y change rien.
« être captif, là n'est pas la question, la question est de ne pas se rendre » (Nazim Hikmet).

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