Réforme de la fiscalité des entreprises ( RIE III) : D'un référendum, l'autre


D'un référendum, l'autre

Après quatre ans de souk législatif, le parlement fédéral a adopté le cadre général de la troisième réforme de l'imposition des entreprises (RIE III). Les cantons étant laissés par la Confédération libres de fixer le taux unique d'imposition, ils se sont livrés entre eux à un petit exercice de sous-enchère : Neuchâtel a fixé ce taux à 15,6 % ? Vaud l'a fixé à 13,8 %, et le Conseil d'Etat genevois propose 13 % (la limite inférieure des taux pratiqués dans l'Union Européenne).  Qui dit moins ? Au plan suisse, le PS a annoncé le lancement d'un référendum -il ne sera pas seul : la "gauche de la gauche" en fera autant, et sans doute aussi les syndicats. Au plan genevois, le PS cantonal a posé de telles conditions à son ralliement à un projet "consensuel", et ces conditions sont à ce point inacceptables pour la droite, que, logiquement, et cohérent comme on le (comme on nous) connaît, il ne devrait faire aucun doute qu'il lancera aussi, avec les mêmes alliés, un référendum contre le volet cantonal de la RIE III (et si d'aventure il ne le faisait pas, on le fera pour lui), un volet cantonal qui devrait ressembler comme un petit frère, ou au moins un cousin germain, aux propositions du Conseil d'Etat, du patronat, des multinationales et de la droite (on n'a oublié personne dans cette énumération ?). Des propositions qui vont coûter au moins un demi-milliard aux caisses publiques. On a donc deux référendum sur le feu : un référendum national, et, dans la foulée, un référendum cantonal.

"Voilà comment nous allons négocier RIE III" ...

Titre de la "Tribune de Genève" du 14 avril dernier : "Voilà comment nous allons négocier RIE III". C'est le Conseiller d'Etat Serge Dal Busco qui parle, à propos de l'ouverture des consultations sur le volet genevois de laréforme de l'imposition des entreprises (RIE III pour les intimes). Consultations dont l'ouverture a d'ailleurs été suivie après deux séances d'une suspension de la participation de la Communauté genevoise d'action syndicale, qui exigeait que le Conseil d'Etat intervienne pour régler le conflit dans le gros oeuvre, entre les syndicats et le patronat du bâtiment, sur l'application cantonale de la convention collective nationale. Les syndicats ont amené ce conflit à la table des négociations sur la RIE III en expliquant qu'ils refusent "le partenariat social à deux vitesses", et de négocier un consensus sur l'imposition des entreprises avec des gens qui ne font rien pour qu'un consensus soit possible sur les chantiers. Ce dernier élément "ne concerne pas" la "table ronde" sur la RIE III, a plaidé Dal Busco. Ben si, il la concerne, puisque les syndicats, sans qui la table ronde n'est plus ronde, ni même une table mais un guéridon branlochant, l'y amènent. D'ailleurs, le collègue de Dal Busco, Pierre Maudet, ci-devant ministre (aussi) de l'Economie, s'est engagé à convoquer les parties au conflit dans le gros oeuvre, pour permettre le redémarrage, le 17 mai, des négociations sur l'imposition des entreprises.

Cela étant posé, comment veut-il "négocier RIE III", Dal Busco ? Il a mal commencé, en proclamant urbi et orbi que le taux d'imposition des entreprises, élément central de la négociation, doit "impérativement se situer aux environs de 13 %". Et pas de 15 % comme le propose la Ville de Genève. "Impérativement", il dit, Dal Busco. Elle commence bien, la "négociation" : par un impératif. La réponse de la Communauté genevoise d'action syndicale n'a pas tardé : on participera à votre "table ronde", mais on n'acceptera aucun "consensus sans garantie du Conseil d'Etat du maintien des prestations et des rentrées fiscales au minimum à hauteur de ce qu'elles sont à présent". Autrement dit : "la CGAS se bat pour fixer un taux d'imposition des bénéfices des entreprises qui n'occasionne pas de baisse fiscale ou qui soit compensé entièrement par des recettes tirées d'autres impôts".
De son côté, c'est-à-dire, en principe, du même côté que celui de la CGAS, c'est-à-dire du côté gauche (et donc du nôtre), le PS, qui accepte le principe d'un taux unique d'imposition pour toutes les entreprises a accepté de participer à la négociation en posant lui aussi ses conditions pour arriver à un consensus : aucune perte fiscale pour le canton (et les communes), aucune dégradation des prestations publiques, aucune introduction des instruments fiscaux additionnels (patent box, déduction des intérêts notionnels etc...) prévus par la réforme fédérale, maintien de la taxe professionnelle communale, gel du "frein à l'endettement" . Le PS exige que l'opération soit financièrement neutre. Autrement dit : soit on fixe le taux unique d'imposition à un niveau qui, en lui-même, n'entraîne pas de pertes fiscales (et c'est alors à 16 % qu'il faut le fixer, pas à 13 %), soit on le fixe plus bas (même à 13 %, ou, à la vaudoise, à 13,8 %) mais on équilibre les pertes fiscales ainsi provoquées par des mesures compensatoires. Des mesures pérennes, pas du bricolage temporaire.. Le PS en propose sept de ces mesures, dont une contribution de responsabilité sociale des entreprises, prélevée sur leurs bénéfices, la suppression du bouclier fiscal, l'abolition des forfaits fiscaux, la réévaluation de la valeur fiscale des immeubles non locatifs, l'augmentation de la taxe sur la plus-value foncière, la révision des barèmes d'imposition sur le revenu des personnes physiques (pour plus de progressivité de l'impôt)...
Faut-il préciser que la droite politique et les milieux patronaux refusent toutes les propositions socialistes ? Il faut le préciser. Et le rappeler au PS lui-même. Pour le préparer à ce qu'aucun consensus n'émergeant d'une "table ronde" aussi bancale, il lui faudra donc, sauf à se déjuger, soutenir le référendum contre une réforme de l'imposition des entreprises conçues comme un élément de dumping fiscal entre cantons, et assumée comme responsable de pertes fiscales atteignant, voire dépassant le demi-milliard...

Comme si on en avait les moyens, en ces temps de prédications monomaniaques sur la nécessité de faire des économies, de réduire les prestations sociales et culturelles et de taxer les moins riches en caressant les autres dans le sens du poil fiscal...
Alors, comme dirait Dal Busco, "Voilà comment nous allons négocier RIE III" ...

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