La droite genevoise perd sur le budget de la Ville

Droite dilatée, droite coagulée, droite diluée

Par plus de 60 % des suffrages, les Genevois et voises (de la Ville) ont donc poubellisé les coupes budgétaires opérées en décembre dernier, dans la culture, l'action sociale et les fournitures à la commune, par la droite élargie, dilatée, coagulée et depuis hier, un peu diluée, du PDC au MCG. 
Sachant qu'elle allait le perdre, la droite avait tenté de faire annuler le scrutin au prétexte que l'information dispensée dans la brochure de votation était déséquilibrée, et que la Conseillère administrative socialiste Sandrine Salerno s'était exprimée dans la "Tribune de Genève" pour défendre la position du Conseil administratif (en même temps d'ailleurs que s'exprimait, sur la même page, une conseillère municipale PLR pour défendre la position du Conseil municipal). On ne s'offusquera pas de cette quérulence infantile -tout au plus en ricanerons-nous : à gauche aussi, on a parfois cédé à la tentation de compenser nos faiblesses politiques par le recours à un appareil judiciaire comme on recourt à une prothèse. On se contentera donc de savourer notre victoire (la victoire des acteurs de la culture et de la solidarité sociale, la victoire de la gauche municipale, mais surtout la victoire de la population de cette ville). Et de nous préparer à devoir peut-être rééditer l'exercice : on n'est pas convaincus que le coup de pied au cul reçu hier par la droite municipale lui ait appris grand chose. Son aigre communiqué commun d'après-défaite suggère d'ailleurs clairement que non.
Pas même qu'à trop se dilater, on finit par se diluer.

Aura popularis

Le budget 2016 de la Ville de Genève a donc été rétabli tel que le Conseil administratif l'avait proposé, et les coupes aveugles et incohérentes -pour tout dire : stupides- votées par la majorité de droite coagulée du Conseil municipal, renvoyées à leurs expéditeurs -qui, à en juger par leurs premières réactions à la baffe reçue hier, n'ont toujours compris ni ce qu'ils avaient commis, ni pourquoi on les en punissait.
Ainsi a été initiée, vérifiée, sanctifiée par le Souverain, la nouvelle procédure d'adoption du budget de la Ville de Genève, jusqu'en 2020 (c'est-à-dire jusqu'à ce que la gauche, si elle en est capable, retrouve une majorité au Conseil municipal). On vous la fait la plus courte possible, en vous épargnant les détails, si croustillants qu'ils puissent être. 
Dans un premier temps, fin août début septembre, le Conseil administratif, dont c'est la prérogative, présente un projet de budget, équilibré ou bénéficiaire, au Conseil Municipal. La droite, majoritaire si elle agglutine tous ses groupes, du PDC (finie, l'illusion "centriste") au MCG (finie, la posture "ni de gauche ni de droite") en passant par le PLR et l'UDC, refuse, par principe (le Conseil administratif étant de gauche, il ne peut rien en venir de bon) de l'examiner. Le Conseil administratif reprend donc son projet de budget. Trois mois passent.
Deuxième temps, fin novembre, début décembre : le Conseil administratif revient avec un nouveau projet de budget. Qui n'a presque rien de nouveau puisqu'il reprend pour l'essentiel le projet précédemment refusé. Brocardés par à peu près tout le monde pour avoir refusé de faire le travail pour lequel ils ont été élus et payés, les élues et les élus de droite finissent par accepter d'examiner le budget. Mais n'ont plus le temps de l'étudier sérieusement. Pour manifester tout de même un semblant d'existence politique, ils proposent des coupes, n'importe où, n'importe comment, sans aucune cohérence entre elles. Comme elle est toujours majoritaire puisque toujours agglutinée, la droite fait voter ces coupes par le Conseil municipal. La gauche et les milieux culturels, victimes désignées, rituelles et expiatoires des prurits de la droite, se mobilisent, un référendum est lancé, et aboutit. On est en janvier. Le référendum n'ayant pas d'effet suspensif des votes budgétaires, le budget ratiboisé par la droite entre en vigueur, avec ces coupes. Quatre mois passent.
Troisième temps (c'est une valse) : le peuple municipal est appelé aux urnes, et vote contre les coupes. Le projet de budget du Conseil administratif est donc rétabli, les services, les associations, les acteurs culturels et sociaux sur le dos desquels la droite voulait se faire une existence politique retrouvent l'entier des allocations de ressources prévues au départ. C'est-à-dire six mois plus tôt. Et au passage, la mobilisation de l'électorat de gauche en Ville fait échouer le projet du MCG de rétablir en lousdé les "congés-vente" dans tout le canton.

On a perdu six mois, la droite a montré qu'en s'agglutinant elle pouvait être majoritaire au Conseil municipal, la gauche a montré qu'en se mobilisant elle pouvait l'être encore plus dans la population. Entretemps, les comptes de l'exercice budgétaire précédent ont été rendus, ils sont bénéficiaires, la dette est maîtrisée, les investissements sont autofinancés. Dépitée, la droite refuse les comptes, mais ils sont finalement ratifiés par l'autorité de surveillance (le Conseil d'Etat) puisqu'ils ont été parfaitement tenus et que c'est tout ce qu'on leur demande.
Voilà. On est à Genève, capitale mondiale du monde mondial, et centre de l'inventivité politique.
Si on n'existait pas, quelqu'un aurait-il l'idée saugrenue de nous inventer ?

Commentaires

Articles les plus consultés