Après le "Brexit", quoi ?


Boucher les trous de la construction européenne...

Un peu de temps passé depuis le vote populaire sur la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union Européenne permet d'y voir un peu plus clair sur les raisons de ce vote, mais pas vraiment sur ses conséquences. Sinon qu'il n'y aura pas de nouveau vote pour éventuellement annuler celui d'il y a deux mois : ainsi a a décidé la nouvelle cheffe du gouvernement, Theresa May, qui s'opposait au Brexit mais a déclaré qu'il fallait en assumer les conséquences : "Brexit signifie Brexit", et pas sortie à moitié et maintien à moitié : vous avez voulu sortir, nous sortirons. Quand, comment, à quel prix ? Nul n'en sait rien : ni ceux qui voulaient sortir, ni ceux qui voulaient rester, ni l'Union Européenne elle-même. Alors, après le Brexit, quoi ?  "Il faut arrêter de pleurer" plaide Daniel Cohn-Bendit, qui considère qu'il faut utiliser l'opportunité du départ du Royaume-Uni pour relancer la construction européenne sur des bases démocratiques, avec un contenu et des ambitions plus larges que celui d'un marché et celle de son extension. Bel enjeu, car l'UE telle qu'elle est n'est pas défendable (d'où le vote "europhobe" d'une partie importante des classes populaires), mais elle ne prend pas le chemin de sa réforme : 27 gouvernements, dont chacun dispose d'un droit de veto, vont négocier entre eux et avec le Royaume-Uni les modalités du Brexit. Le résultat de ces négociations sera forcément un compromis, plus ou moins solide ou boîteux, mais faisant l'impasse sur les questions de fond. On va donc assister à une gigantesque distribution de rustines pour boucher les trous de la construction européenne, sur fond de montée des populismes europhobes.


L'affrontement très suisse des comptables et des agitateurs

La victoire du "Brexit" n'a pas été celle d'une critique de gauche de l'Union Européenne, mais bien celle d'une campagne xénophobe et raciste : On n'était pas en Grèce en 2015, Farage et Johnson ne sont pas Tsipras et Varoufakis et ce n'est pas au cri de "construisons une autre Europe" que la députée travailliste Joe Cox a été assassinée, mais au cri de "La Grande-Bretagne d'abord". Quelle Grande-Bretagne ? Tout de même, la marmelade souverainiste, europhobe et xénophobe des partisans du Brexit n'a convaincu qu'une grosse moitié de l'électorat actif du Royaume-Uni, contre les deux tiers des Ecossais, presque autant des Londoniens, une claire majorité des Nord-irlandais (dont, forcément, des unionistes...), 46.4 % des Anglais, une majorité écrasante des électrices et des électeurs issus de l'immigration africaine et asiatique et les trois quarts des jeunes (75 % des électrices et des électeurs de moins de 25 ans ont voté pour rester dans l'Union Européenne, mais l'abstention fut massive dans cette classe d'âge, et 61 % des électrices et des électeurs de plus de 65 ans ont voté pour la quitter, mais cette classe d'âge a massivement  voté).

Alors que la campagne des partisans du maintien dans l'Union se focalisait sur les conséquences économiques d'une rupture, celle des partisans du Brexit était, sur fonds de discours nationalistes, souverainistes et identitaires, dominée par le thème de l'immigration, du moins jusqu'à l'assassinat, par un homme criant "Britain First", de la députée travailliste Jo Cox, partisane du maintien dans l'Union Européenne, .Pendant des mois, les partisans de la sortie de l'UE ont affirmé que le Royaume-Uni ne pouvait pas contrôler ses frontières en restant dans l'Union, l'UKIP a produit une affiche montrant une colonne de réfugiés syriens avec comme slogan "Breaking Point" (point de rupture), "Leave On" a évoqué la "quantité de crimes commis par des criminels étrangers" et la "surpopulation du Royaume Uni, qui pèse sur le système de santé"...
On avait ainsi d'un côté des comptables qui voulaient rester en Europe parce que ça coûterait trop cher d'en partir, et de l'autre côté des agitateurs qui prônaient d'en partir pour des motifs, ou des prétextes, aussi étrangers que possible à la réalité des rapports entre la Grande-Bretagne et l'Union Européenne. Ce genre de campagne peut surprendre quand elle se déroule en Grande-Bretagne ? En Suisse, en tout cas, on y est habitués.
Finalement, malgré notre réputation de lenteur pathologique, on arrive tout de même à être des précurseurs.

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