Echec de l'initiative "AVS+" : L'assurance avant les assurés ?


On attendait mieux qu'une défaite honorable, mais on s'en contentera -pour l'instant. L'initiative syndicale "AVS+", pour une augmentation des rentes de l'AVS, a été rejetée à 59,4 %. Et donc acceptée par un peu plus de 40 % des votantes et tants. 40 %, c'est plus que ce que la gauche pèse dans ce pays -et l'initiative a tout de même été acceptée à Genève, Neuchâtel, dans le Jura, le canton de Vaud et au Tessin. Et presque acceptée à Bâle. Mais si on votait sur l'initiative syndicale, on exprimait ce vote en pensant non seulement au contenu de l'initiative, mais aussi à tout ce que trimballent les débats en cours sur le système de retraite. On votait sur une hausse de 10 % des rentes AVS en pensant à la réforme "Prévoyance Vieillesse 2020" proposée par Alain Berset, et aux diverses offensives de la droite parlementaire pour réduire l'importance de l'assurance-vieillesse par rapport à la prévoyance professionnelle -autrement dit : réduire l'importance de la solidarité par rapport à la capitalisation individuelle.
Bref : on a voté en se préoccupant plus de la situation de l'assurance que de celle des assurés.


Dans deux ans, on célébrera comme il se doit le centième anniversaire de la revendication de l'AVS par la Grève Générale...


Le 6 juillet 1947, 22 ans après en avoir inscrit le principe dans la Constitution fédérale, près de 30 ans après que la Grève Générale de 1918 en ait affirmé la revendication, le peuple suisse (et les cantons, sauf Obwald) créait l'AVS, avec une majorité de 80 % des votants (les femmes n'avaient pas le droit de vote), jusqu'à 87 % à Genève. Le mandat constitutionnel qu'il s'agit toujours de respecter est celui de permettre à chaque retraité-e "de maintenir de façon appropriée son niveau de vie antérieur" : l'AVS et, désormais, la Prévoyance Professionnelle, sont là pour cela. Or ni l'une, ni l'autre, ni dans la plupart des cas les deux ensemble, n'y arrivent : la rente de vieillesse complète minimale (et on peut descendre en dessous en cas de rente partielle) stagne à 1175 francs par mois, la rente complète maximale à 2350 francs par mois. Impossible de maintenir un niveau de vie suffisant avec cela. La Prévoyance Professionnelle devrait faire l'appoint -mais tous les retraités, et 38 % des retraitées n'en bénéficient pas. Il y a alors les prestations complémentaires -mais elles sont conditionnelles, et sont l'objet d'attaques politiques visant à les réduire.

Bref, on avait avec l'initiative syndicale l'occasion de, sinon faire respecter pleinement le mandat constitutionnel, du moins de ne pas s'en éloigner trop. Occasion manquée. Et les nuages s'amoncellent sur le statu quo laissé par le vote d'hier : la droite et le patronat sont à l'offensive, et le Conseil fédéral tente par un compromis (le "Plan Berset") de sauver les meubles. Un compromis qui pèse de son poids : augmentation de l'âge de la retraite des femmes, diminution du "taux de conversion" du 2e Pilier (c'est-à-dire, en fait, des rentes produites par un capital de prévoyance professionnelle constant), augmentation de la TVA (un impôt très commode, mais très antisocial puisque les plus pauvres le paient au même taux que les plus riches)... Pour renforcer les chances de ce compromis, le Conseil des Etats a proposé d'augmenter les rentes AVS de 70 francs pour une personne seule, de 226 francs pour un couple. C'était un pas en direction de l'initiative. En réponse à quoi la commission du Conseil national a aussi fait un pas -mais en sens inverse, en proposant un mécanisme d'augmentation de l'âge de la retraite en cas de déficit de financement de l'AVS.

En attendant de savoir ce qui sortira du chapeau parlementaire, le refus de l'initiative syndicale fige la situation : les rentes totales des femmes seront toujours inférieures de plus d'un tiers à celle des hommes, leurs rentes de "Deuxième pilier" inférieures de près des deux tiers à celles des hommes (la différence n'est que de 3 % pour les rentes AVS). Près de la moitié des femmes ne disposent d'aucun "Deuxième Pilier", et les retraitées dans ce cas doivent donc se contenter d'une AVS dont la rente entière continuera de se situer en-dessous du seuil de pauvreté, sauf à bénéficier (mais il faut les solliciter, et montrer patte blanche de pauvre...) de prestations complémentaires, elles-mêmes attaquées par la droite et le patronat.
Rien de nouveau sous le soleil, donc. Sauf de gros nuages. Le temps se gâte, mais dans deux ans, on célébrera comme il se doit le centième anniversaire de la revendication de l'AVS par la Grève Générale. Avec quelle revendication mobilisatrice pour que cet anniversaire ne soit pas qu'un grand moment de nostalgie ?

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