Héberger des réfugiés menacés d'expulsion : La fronde de David et la loi de Goliath



Le Municipal (membre de l'exécutif communal) POP (Parti du Travail) de Lausanne, David Payot, ayant déclaré. qu'il était prêt à héberger chez lui un réfugié menacé d'expulsion, le PLR local (suivi par l'UDC) est monté sur ses grands hongres en déposant au Conseil communal une résolution demandant "La Municipalité parraine-t-elle un hors-la-loi ?", doublée d'une demande de révocation de l'élu popiste, coupable de faire passer la légitimité avant la légalité. Comme naguère le Conseiller d'Etat PDC genevois Dominique Föllmi, accompagnant à l'école une petite turque en situation irrégulière. Comme il y a quelques jours la députée socialiste tessinoise Lise Bosia Mirra, arrêtée pour avoir fait passer la frontière à quatre mineurs africains. On rappellera au passage au PLR lausannois, que David Payot n'est pas "parrainé" par la Municipalité, mais qu'il y a été élu par le peuple, comme le candidat du POP et non de l'UDC, sans jamais avoir caché ses engagements ni ses convictions solidaires. De ceux qui "obéissent à la loi" quelle qu'elle soit et de ceux qui y désobéissent quand elle est injuste, on honore d'ailleurs désormais les désobéissants plutôt que les obéissants.  Les Justes plutôt que les carpettes. La fronde de David plutôt que la loi de Goliath.
       
Gens de Dublin

Selon le Secrétariat d'Etat aux Migrations (SEM), la majorité (entre 50 et 90 %...) des migrants disparaissent des radars officiels peu après leur arrivée dans les centres d'enregistrement, voire même avant d'y arriver, généralement avant d'y être enregistrés officiellement. Et le SEM ignore si ces personnes restent (illégalement) en Suisse ou la quittent en douce pour se rendre dans un autre pays. Selon les chiffres officiels, qui se basent précisément sur les enregistrements auxquels se soustraient des milliers de migrants, le nombre des arrivées légales de requérants d'asile a diminué de 40 % entre juin 2015 et juin 2016, et à la fin de l'année, on devrait se retrouver avec 10'000 requérants de moins en un an qu'en 2015. C'est l'effet logique des restrictions à l'admission légale des migrants en général, et des requérants d'asile en particulier. Un  effet prévisible, et pourtant imprévu, du "système Dublin" : la multiplication des clandestins.. Mais le président de l'UDC, Albert Rösti, n'en démord pas : "les frontières doivent être définitivement fermées". Et un autre UDC, Luzi Stamm, de proposer d'interner les arrivants  jusqu'à ce qu'ils soient admis comme requérants d'asile -toutes mesures qui n'auront guère comme effet de produire encore plus de clandestins, passant la frontière illégalement, sans se faire enregistrer, et  séjournant tout aussi illégalement en Suisse, souvent dans l'attente de pouvoir continuer leur voyage vers le nord de l'Europe.
  
30'000 migrants sont attendus en Suisse en 2016.  A fin août, 6682 d'entre elles et eux étaient pris en charge à Genève, soit 800 de moins qu'en 2015. L'Hospice Général a six projets en cours : des centres d'accueil de 370 places à Thônex, en Ville de Genève (au Petit-Saconnex) et à Veyrier, de 120 places (pour mineurs non  accompagnés) à Aïre, de 80 places à Lancy et de 180 places à Onex, où le Conseil administratif (à majorité de gauche) et le Conseil municipal (à majorité de droite) ont accepté le projet de l'Hospice Général et du Conseil d'Etat d'implanter en 2018 un "village" de 180 requérants d'asile (essentiellement des familles) au coeur de la Cité, sans que la commune ait à en assumer les frais. Une opposition s'est cependant exprimée dans la population, traduite dans une pétition par 1900 personnes, et par deux recours (sans effet suspensif) contre l'autorisation de construire. Argument des opposants (dont une membre de l'UDC) : le lieu n'est pas adapté. Argument récurrent des oppositions dans tout le pays à l'implantation de centres d'accueil pour requérants d'asile, à quelque stade de la procédure qu'ils soient, quel que soit le lieu prévu pour les accueillir : en plaine ou en montagne, en ville ou en campagne, au centre-ville ou à la périphérie, dans des équipements nouveaux ou des équipements désaffectés et requalifiés,  le lieu prévu n'est jamais le bon. Le lieu idéal, c'est toujours ailleurs. A Onex, on dit que le secteur est déjà "surdensifié et précarisé". A Champel, on dirait qu'il est résidentiel et privilégié.
Le Conseiller d'Etat Mauro Poggia (MCG, pourtant -quoique...) défend la politique du gouvernement : créer des places d'accueil dans des équipements spécifiques et offrant des conditions de vie décentes, plutôt qu'entasser des requérants dans des abris de protection civile : "il n'est pas humain de faire vivre des gens sous terre sur du long terme". Le mouvement qui, à Genève comme ailleurs, dénonçait le stockage des migrants dans les abris PC ne disait pas autre chose. Et Poggia précise que les zones urbaines sont les seules à pouvoir accueillir des infrastructures d'accueil comme celles projetées. Non seulement parce qu'elles ne sont pas protégées comme les zones agricoles, les zones villas ou les zones naturelles, mais aussi -et, pour nous, surtout- parce que c'est dans un espace urbain que l'intégration des migrants peut se faire le plus facilement. 180 migrants, ça représente un peu plus de 1 % de la population d'Onex (et moins d'un pour mille de celle de la Ville de Genève) -à Gy, cela équivaudrait à 50 % de la population... Au passage, répondant à l'expression habituelle des peurs habituelles trimballées par la xénophobie ordinaire, Poggia signale qu'il n'y a eu à relever "aucun problème de sécurité lié à des migrants autour des centres d'accueil genevois ces dernières années. Ni agression, ni menace". Et, cerise sur le gâteau, une place d'accueil en centre spécifique coûte trois fois moins cher qu'une place en abri PC souterrain (500 francs au lieu de 1500 francs).
Il est vrai qu'un requérant d'asile qui disparaît dans la nature (ou plutôt dans la ville) coûte moins cher (tant qu'on ne l'a pas alpagué pour le renvoyer dans le premier pays du "système Dublin" où il aura posé le pied) qu'un requérant qu'il faut héberger dans un abri PC ou dans un centre d'accueil.  En 2015, un tiers des demandes d'asile ont été rejetées sans entrée en matière, sans qu'un dossier ait été constitué. Dans 95 % des cas, ces rejets ont été motivés par les accords de Dublin : les requérants sont arrivés en Suisse après avoir été enregistrés dans un autre pays, vers lequel ils ont été, ou seront, ou devraient être refoulés.  C'est ce système qui provoque les "disparitions" de requérants. C'est ce système dont il faut sortir -non sans avoir épuisé les possibilités (maigres, mais existantes) qu'il offre de ne pas expulser des hommes, des femmes, des enfants, dont le seul tort est de ne pas être arrivé directement en Suisse en avion, en classe affaire, avec un solide compte en banque.

En attendant , salut et fraternité à David Payot, Municipal POP de Lausanne, et Lise Bosia Mirra, députés socialiste tessinoise, pour avoir fait passer la légitimité solidaire avant la légalité aveugle, le premier en se déclarant prêt à héberger un expulsable, la seconde en ayant fait entrer en Suisse, hors du cadre légal, quatre jeunes Africains.

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