Naturalisations : les choses avancent... à petits pas...


Pendant qu'en Ville de Genève on rechigne toujours à supprimer un appendice parasitaire (la commission municipale des naturalisations) qui allonge le délai et renchérit le traitement des demandes de naturalisation (et fonctionne même dans l'illégalité en transmettant directement ses rapports au Conseil administratifs), les choses avancent, à Berne et à Genève, s'agissant de l'acquisition de la nationalité suisse par des étrangers. Le 1er janvier prochain, la loi fédérale change, et les conditions d'accès à la nationalité suisse se durciront, notamment en rendant impossible (sauf exceptions dûment validées) de se faire naturaliser suisse si on ne dispose que d'un  permis de séjour B : 650'000 personnes sont concernées. Genève et Vaud encouragent donc ceux de leurs résidents étrangers qui remplissent les conditions actuelles d'une naturalisation, mais ne rempliront plus les conditions exigées dans deux mois, à déposer leur demande avant la fin de l'année. Et puis, à Berne, les deux chambres du parlement ont (prudemment) entrouvert la porte à une naturalisation (un peu) facilitée des étrangers de la "troisième génération" : les fils et filles né-e-s en Suisse de parent nés en Suisse de parents immigrants. C'est ce qu'on appelle la "politique des petits pas". Des tout petits pas même -mais dans le bon sens, pour une fois dans ce domaine...

Deux siècles pour faire un pas...


Il y a deux conceptions antagoniques de la nationalité et de son acquisition : l'une tribale, l'autre sociétale. L'une fondée sur l'enracinement, l'autre fondée sur la situation. L'une fondée sur le droit du sang (la filiation), l'autre fondée sur le droit du sol (la citoyenneté), même si, en réalité, aucune des deux n'est totalement appliquée, et que dans les dispositifs légaux fondés sur l'une on retrouve le plus souvent des éléments de l'autre. Or la Suisse, dont le droit de la nationalité est essentiellement fondé sur le droit du sang est l'un des pays où l'octroi de la nationalité par naturalisation est le plus difficile, la plus coûteuse pour ceux qui l'obtiennent, au terme de l'une des procédures les plus longues. Et il y a évidemment quelque chose d'absurde à ce que des hommes et des femmes nés dans un pays, de parents nés eux aussi dans ce pays, continuent à être considérés à l'instar d'immigrants de la veille.

Huit ans après le dépôt de l'initiative parlementaire de la socialiste Ada Marra pour une naturalisation facilitée des étrangers de la troisième génération (les petit-fils et petites-filles d'immigrants, essentiellement italiens, espagnols ou portugais, des années '60 du siècle dernier), le Conseil des Etats, après le Conseil national, a entrouvert la porte à cette simplification en proposant un article constitutionnel, qui reste en deçà de l'initiative parlementaire, mais instaurerait un régime commun à tous les cantons (seize d'entre eux, dont tous les romands sauf le Valais, connaissent déjà une procédure simplifiée du type de celle proposée), et partirait du principe que ces étrangers nés en Suisse de parents nés en Suisse, sont intégrés à la Suisse sans avoir besoin de le prouver (les communes, en cas de doute sur cette intégration, pourraient toujours émettre des exigences supplémentaires). Mais la naturalisation de ces "enfants de secondos") ne sera pas automatique (on n'instaure pas pour eux un véritable "droit du sol") et la version sortie du Conseil des Etats est bien plus restrictive que la proposition initiale : les éventuels bénéficiaires de cette procédure facilitée n'en bénéficieront que s'ils ont moins de 25 ans, sont nés en Suisse, y ont accompli au moins cinq ans de scolarité obligatoire, et que si l'un au moins de leurs grands parents est né en Suisse ou y a été titulaire d'un permis de séjour, l'un au moins de leurs parents y a été  titulaire d'un permis d'établissement, ait séjourné en Suisse pendant au moins dix ans et y ait accompli au moins cinq ans de scolarité obligatoire. Au final, cela ne concerne que 5000 ou 6000 personnes, essentiellement des Italiens, des Espagnols et des Portugais. L'Union Syndicale suisse, qui salue le petit pas ainsi fait, mais qui tient à préciser qu'elle aurait été favorable à la "naturalisation automatique" (autrement dit : au droit du sol) de cette catégorie d'"étrangers", a décidé de lancer auprès de ses membres étrangers qui peuvent l'obtenir (et ils sont nombreux) une action pour les inciter à demander la nationalité suisse. Le Parti socialiste suisse en fait autant : dans une lettre aux membres du parti, son président, Christian Levrat, et le président du "PS-Migrants" (la structure du parti qui accueille, sur une base volontaire, les membres de nationalité étrangère), rappellent que deux millions d'habitants de la Suisse n'en ont pas la nationalité, et n'ont donc pas les droits (notamment politiques) qui lui sont liés.
Plus cyniquement, on rappellera aussi que c'est grâce à la naturalisation que l'on parvient à maintenir stable le nombre de Suisses par rapport aux étrangers, au sein de la population résidente. Et que le meilleur et le plus sûr moyen de réduire le nombre des étrangers n'est pas de fermer les frontières, mais d'en faire des "nationaux".... comme naguère on accepta de faire des "cantonaux" à partir des "confédérés" : le 18 septembre 1839, le parlement genevois décidait d'admettre à la citoyenneté genevoise tous les Suisses nés à Genève et y ayant résidé au moins 10 ans...
Arrivera-t-on à faire le pas suivant avant de célébrer le deux-centième anniversaire de celui-là ?

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