Fonds de tiroir


Le succès de l'initiative populaire tessinoise  « les nôtres d'abord », exigeant la  « préférence cantonale » à l'embauche, lancée par l'UDC locale et adoptée à une large majorité par le bon peuple, a fait frétiller nombre de sections cantonales de l'UDC, dont la section genevoise, qui a décidé de déposer un projet de loi du même tonneau et annoncé qu'elle en ferait une initiative populaire s'il n'était pas accepté par le Grand Conseil. L'UDC entre ainsi dans le jardin du MCG, qui a fait depuis des années de la  «préférence cantonale» son canasson de bataille. Le projet de loi de l'UDC genevoise demande qu'à compétence égale (mais tout le problème est précisément là...), les candidatures de résidents genevois ou de citoyens suisses doivent primer à l'embauche. On ne sait pas trop ce qu'une telle disposition fera des citoyens suisses non résidents genevois, et comment on fera pour choisir « à compétence égale » entre un résident genevois non suisse et un Suisse non résident genevois, mais de toute façon, on a pris l'habitude de l'indifférence absolue de l'UDC à l' « applicabilité » de ses initiatives, alors peu importe... sauf au MCG, furax de voir l'UDC lui piquer son idée et qui avait d'ailleurs un projet comparable en préparation, qu'il a fini par déposer après que l'UDC ait déposé le sien. Cette belle concurrence sur le libre marché de la démagogie promet des débats politiques d'une belle hauteur de vue et d'une profonde connaissance de la situation d'un canton qui concentre plus de places de travail que d'habitantes et d'habitants disponibles pour les occuper...

Le Ballet du Grand Théâtre de Genève et le Ballet Béjart de Lausanne ont refusé de suivre la section suisse du mouvement BDS (Boycott, Désin-vestissement, Sanctions) qui milite pour un boycott actif de l'Etat d'Israël, et les invitait à renoncer à leurs représentations à Tel Aviv et à ne pas  participer « consciemment ou candi-dement à la consolidation du régime israélien et de sa politique de colonisation ». BDS a répondu à ce refus des Ballets romands en les accusant de « danser avec l'apartheid ». Cette polémique pose à la fois la légitimité et les limites d'une politique de boycott, légitimité incontestable s'agissant des échanges financiers, commerciaux, militaires, voire poli-tiques, avec des régimes coupables de violations massives des droits humains (ce qui est le cas du régime israélien depuis cinquante ans), mais légitimité contestable lorsqu'il s'agit d'échanges culturels. On notera d'ailleurs que les milieux culturels israéliens, et que les artistes et intellectuels israéliens, sont actuellement la cible d'une véritable politique d'« épuration idéologique » de la part du gouvernement de droite et d'extrême droite qui sévit en Israël et dans les territoires occupés. Un boycott, dans ces conditions, revient à priver ces milieux, au sein desquels s'exprime l'une des plus fortes et constantes oppositions à la politique du gou-vernement, d'une forme sinon de soli-darité, du moins de connivence de la part de nos propres milieux culturels. Culturellement, « boycotter la culture, (...) c'est dresser des murs, ( et renforcer) le nationalisme », résume le porte-parole du Ballet Béjart. On ne dira pas autre chose : dresser des murs, c'est ce que fait le gouvernement israélien -pas ce que nous avons à faire entre nous et les acteurs culturels israéliens, que ce gouvernement abhorre. Et quelque chose nous dit que le débat n'est pas clos. Et que c'est très bien ainsi.

A Genève, les 91'000 bénéficiaires d'aides et de prestations sociales cantonales, versées par l'Hospice Général, le Service des Prestations Complémentaires, celui de l'assurance-maladie ou celui des bourses d'études (entre autres) ont reçu des services du département des Affaires sociales, celui du Conseiller d'Etat MCG Mauro Poggia, une gentille lettre les avertissant que depuis le 1er octobre, les sanctions ont été aggravées contre les bénéficiaires de ces aides et de ces prestations qui ne déclarent pas, ou pas complètement, les éléments qui déterminent leur droit à les recevoir. Et qu'il est donc dans leur intérêt de déclarer spontanément ce qu'ils n'avaient pas déclaré, s'ils ne veulent pas qu'une dénonciation pénale soi faite à leur encontre si on découvrait leur oubli -ou leur fraude. Cela dit, on estime que pas plus de 3 ou 4 % des sommes versées au titre des prestations et des aides sociales le sont alors que leurs bénéficiaires ne devraient pas l'être s'ils avaient tout déclaré de ce qu'ils auraient dû déclarer. La fraude (ou l'amnésie) sont donc des cas exceptionnels. Du moins en ce qui concerne les prestations sociales. Parce pour ce qui est de la crédibilité politique, on a comme un doute sur le caractère exceptionnel de la fraude et de l'amnésie...

La France de la Restauration avait ses demi-soldes : les anciens soldats de Napoléon, démobilisés par la monarchie bourbonienne remise sur le trône par les armées de la Sainte-Alliance, et à qui n'était accordée que la moitié de la solde normale des soldats démobilisés. Eh bien Genève a aussi ses demi-soldes depuis le 1er octobre : les condamnés, détenus à Champ-Dollon en exécution de peine (et non en préventive), à qui la prison ne peut offrir de place de travail : ils toucheront 50 % du pécule (33 francs par jour au maximum) qu'ils toucheraient s'ils travaillaient. Des 16 francs 50 journaliers (au maximum) qu'ils toucheront, la prison ponction-nera 8 francs pour participation aux frais d'hébergement, de nourriture et d'encadrement. Ils seront donc payés autour d'un franc cinquante de l'heure de non-travail. On a refusé en votation populaire il y a quelques mois d'instaurer en Suisse un revenu de base inconditionnel, on instaure à Champ-Dollon un revenu condition-nel d'en-dessous de la base, parce qu'on est incapable de respecter l'obligation, faite par le Code Pénal, de fournir un travail aux détenus en exécution de peine. On a les demi-soldes qu'on mérite.

Titres de la « une » du « Monde » de ce week-end : « Le discrédit de François Hollande sème la panique dans son camp », « Les e-mails d'Hillary Clinton relancent la campagne » de Donald Trump, « Ces couples que la politique déchire »... Bon, ben à part ça, on a passé un excellent week-end...

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