Les socialistes et la laïcité


La laïcité, une et indivisible ?

Le dernier numéro du journal socialiste genevois "Causes Communes" (téléchargeable sur 
http://bit.ly/2dCokCV) était consacré à la laïcité. Et il a fait quelque peu tousser (pour le moins), comme il était d'ailleurs prévisible, là où se proclame qu'il n'y a qu'une seule et  indivisible définition, une seule et indivisible conception possible de la laïcité -celle que l'on défend, et nulle autre. Toute prétention à en définir ou en en concevoir une autre ne saurait relever que d'une falsification, d'un mensonge -ou d'une ignorance crasse. Ainsi fut jugée la tentative, certes imparfaite, inaboutie et contradictoire, des socialistes genevois de faire, pour eux-mêmes d'abord, le point sur ce que peut signifier aujourd'hui, dans une société comme la société genevoise, le concept et  le projet politique laïque. Cette tentative ne pouvait évidemment, surtout venant de socialistes toujours suspects de compromissions inavouables et de calculs électoralistes douteux qu'être rejetée, en bloc et en détail, a priori et a fortiori, par les gardiens du dogme. Il n'y a qu'une seule conception, une seule définition possible de la laïcité ? Soit, jouons ce jeu là. Après tout, il est a notre portée, comme une bonne vieille mise à l'index (ou au majeur ?) de qui (les auteurs des contributions au "Causes Communes" sur la laïcité, par exemple) aurait le mauvais goût (ou la perversité) de ne pas être de notre avis. Car il n'y a qu'une seule et indivisible conception de la laïcité : la nôtre.

Pour une laïcité de l'indifférence à la religion

Sans doute la conception de la laïcité que défendent les socialistes genevois dans la dernière livraison de leur journal  « Causes Communes» est-elle discutable et disputable -mais comme toute conception d'un projet politique (la laïcité n'est rien d'autre). Ici, on se contentera de considérer que son défaut premier est celui de ne pas opérer la nécessaire indifféfenciation de la religion comme une idéologie, ne méritant ni l'honneur, ni l'indignité d'être érigée au-dessus ou abattue en dessous des autres. Une idéologie, c'est-à-dire un système totalisant d'idées structurées autour d'une idée fondatrice (Dieu, l'Etat, la race, le Marché, l'Histoire, Moi...). Et cela vaut pour les religions comme pour toutes les autres idéologies "non-religieuses". La religion est dangereuse ? certes, forcément dangereuse, mais d'abord en tant qu'idéologie tout court (si l'on peut dire) qui échappe à la raison pour reposer sur la foi, qui ne soulève des montagnes que pour les laisser retomber et écraser celles et ceux qui ne la partagent pas -mais quelle idéologie ne tend pas à pareille déraison ? Pas même, sans doute, l'idéologie de la raison raisonnante...

Les religions, contrairement à ce qu'elles affirment d'elles-mêmes, ne tombent pas du ciel, mais naissent de la société (ou de la communauté) humaine, d'abord pour cette société, cette communauté, ensuite, quand elles se veulent vérité universelle et non relative à la société d'où elle sourd, pour toute l'humanité (comme les monothéismes se le donnent pour ambition) : quand on proclame une religion proclamant elle-même un dieu unique, omniscient, omnipotent, omniprésent, créateur de l'univers, un dieu qui est le Bien et sans lequel, contre lequel ou hors duquel il n'y a que le Mal, on ne la proclame pas pour soi-même seulement, on la proclame pour tous les autres, y compris celles et ceux qui n'en veulent pas: du messianisme au salafisme, en passant par l'évangélisation, il y a continuité dans l'ambition universelle. Et totalitaire, forcément totalitaire, et ne cessant de l'être que contrainte par aussi totalitaire qu'elle, ou abandonnée par ses propres fidèles.

Quant à la laïcité, notre irréligion foncière ne se satisfait d'aucune des conceptions qui en sont défendues par les uns ou les autres, et nous ne faisons aucune confiance à aucun pouvoir politique (ou religieux) pour déterminer ce qui est religieux et ce qui ne l'est pas, et d'entre ce qui est religieux, ce qui est admissible et ce qui ne l'est pas... La laïcité, il faut la poser en termes d'ordre public ou de droits fondamentaux, et la poser comme on la pose par exemple pour la réponse à donner aux manifestations d'extrême-droite -et là, en effet, la religion n'importe pas plus que n'importe quel contenu idéologique... La première condition d'une laïcité qui ne serait pas qu'un trépignement impuissant face aux fondamentalismes (religieux ou non) est bien de remettre la religion à sa place : dans le champ des idéologies. Pas au-dessus, pas à côté, pas en-dessous : en plein dedans. Et c'est quelque chose comme une laïcité de l'indifférence qui devrait alors s'imposer : d'indifférence, au sens où on ne traiterait pas les religions (et les organisations qui s'en réclament) autrement que comme les autres idéologies et leurs organisations.

De toute façon, comme disait Stirner, "Maintenant, c'est clair, Dieu ne s'inquiète que de soi, ne s'occupe que de soi, ne pense qu'à soi et n'a que soi en vue". Alors qu'on cesse une bonne fois de s'en occuper et de s'occuper de ses fidèles autrement qu'on s'occupe des tenants de n'importe quelle philosophie, des défenseurs de n'importe quelle idéologie, des amateurs de n'importe quel folklore...

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