Présidentielles américaines : Trump hilare rit...

   
L'establishment, désormais, c'est lui

Malgré ses propos indignes, son comportement, ses insultes, son inculture politique, sa misogynie  et ses mensonges, malgré sa reprise d'un discours d'extrême-droite, malgré le lâchage des caciques républicains, à moins que ce soit grâce à tout cela (ce n'est tout de même pas la première fois, et ce ne sera sans doute pas la dernière, qu'on peut gagner une élection en faisant les poubelles) Donald Trump a donc gagné l'élection des électeurs de la présidence américaine, surfant sur la colère du Petit Blanc et sur le rejet d'une Hillary Clinton incarnant -à juste titre- l'establishment (ou la nomenklatura), aussi bien d'ailleurs l'establishment démocrate que républicain. L'establishment, désormais, c'est Trump et tous ceux qui, après l'avoir combattu, se rallieront à lui, quand l'"attrait de la mangeoire" est plus fort que l'adhésion politique. Trump ne pouvait gagner qu'en agrégeant les colères sociales et en mobilisant massivement les classes populaires "blanches", il y a réussi. Clinton ne pouvait gagner qu'en agrégeant les votes de celles et ceux que Trump insultait -elles et ils étaient en effet assez nombreux : femmes, noirs, mexicains, elle y a échoué, et les Américains ont peut-être moins voté pour le candidat que contre la candidate. Pour lui barrer la route. Et leur mobilisation a eu un prix jamais atteint dans aucune élection, nulle part dans le monde :  Bernie Sanders avait beau considérer que "les milliardaires ne devraient pas pouvoir acheter les élections", c'est bien ce qu'ils ont fait : pour obtenir les 270 "grands électeurs" nécessaires (sinon suffisants) à leur élection à la présidence, Hillary Clinton et Donald Trump auront dépensé, respectivement, 1,3 milliard et 800 millions de dollars.

"La politique ne s'arrête pas au soir des élections" (Bernie Sanders)

La victoire de Trump c'est d'abord la défaite de l'establishment autant que celle des hispaniques et des femmes. Trump, pourtant, milliardaire et fils de millionnaire, est bien loin d'incarner l'"Amérique d'en bas" -mais à défaut de l'incarner, il en a mobilisé une grande partie derrière lui,. En face, il aurait fallu un Bernie Sanders pour la lui ravir -mais il y avait Hillary Clinton, que Sanders a soutenue pendant la campagne sans que ce soutien soit une alliance, et c'est lui qui a dû se démener pour expliquer à ses propres électeurs, au petit peuple "blanc" et aux "alternatifs" tentés par un vote pour le libertarien Johnson ou la Verte Stein (un vote qui a manqué à Hillary Clinton), que le moment n'était "pas celui d'un vote protestataire" ou idéaliste, mais celui d'un vote de barrage à Trump. D'un "vote utile", comme on le dit en France -où la même question se posera, pas tout à fait dans les mêmes termes mais avec la même logique, au deuxième tour de la prochaine présidentielle (qui là se joue au suffrage universel) comme elle s'était posée quand il fallait choisir entre Chirac et Le Pen.

"La politique ne s'arrête pas au soir des élections", a insisté Bernie Sanders, qui entend bien, avec d'autres, constituer un véritable bloc de gauche au parlement et plaide, dans son livre et par son mouvement portant tous deux le même titre : "Our Révolution", pour la renaissance d'une gauche au Etats-Unis, "par en bas". La politique ne s'arrête pas au soir des élections, en effet. On se disait que les règlements de compte au sein de de celui des deux grands partis qui allait perdre l'élection allaient commencer dès le résultat connu, c'est au sein du parti démocrate qu'ils vont sans doute être les plus rudes -les caciques républicains qui ont tout fait pour savonner la planche de Trump ne tarderont en effet pas à se rallier à lui, au moins en apparence, mais leurs homologues démocrates qui ont tout fait pour faire passer Clinton devant Sanders ont en revanche un lourd bilan à défendre, même si les bastions démocrates le sont restés (ce sont les Etats aux choix variables qui ont basculé dans le camp trumpiste).

"Je veux être la présidente pour tous, pour ceux qui votent pour moi et ceux qui votent contre moi", avait déclaré Hillary Clinton, la veille de l'élection, en se donnant pour mission  de "rassembler le pays". Elle n'aura pas à le faire -et c'est Trump président qui va devoir commencer à faire oublier Trump candidat, et réparer les dégâts considérables causés par sa campagne. Il  avait clamé que sa victoire marquera la "fin de l'establishment corrompu de Washington", mais lui-même sans doute n'y croit pas : son ambition était plutôt d'en être, de cet establishment, que d'y mettre fin -et c'est avec lui qu'il va devoir gouverner... et trahir à la fois ses promesses et ses électeurs. Donald Trump a promis de "rendre sa grandeur à l'Amérique". Il ne va évidemment pas le faire en réalisant un programme -le sien- qui aurait enfermé les USA sur eux-mêmes. Le mur avec le Mexique, c'est bon pour faire voter ceux qui, descendants d'immigrants européens considèrent que l'immigration américaine (eh oui, le Mexique, c'est en Amérique...) est la cause de leurs maux. Attribuer le constat du réchauffement climatique à une manoeuvre chinoise, c'est bon pour ceux qui croient encore qu'on peut ressusciter l'industrie des années cinquante, mais ça ne répond à aucun des enjeux qu'une présidence doit relever.  Et puis quoi ? Quatre ans, c'est vite passé...

Dès la probabilité d'une victoire de Trump prête à se muer en certitude, les marchés ont paniqué, les bourses ont plongé et le dollar s'est anémié. Quelque chose nous dit qu'à Moscou et à Pekin, on doit bien se marrer, en ce moment. Quant à nous, qu'on n'attende pas nos pleurs : la démocratie, même dans l'état où elle est aux USA, a au moins ceci de clarificateur, c'est qu'on y a toujours les élus qu'on mérite d'avoir, et les baffes qu'on mérite de se prendre.

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