Projet de convention entre partis "gouvernementaux" sur la RIE III : Silence dans les rangs !



Comment museler des partis politiques en leur faisant signer une "convention" par laquelle ils s'engagent à ne plus bouger pendant de années ? ça s'appelle un Projet de Convention relatif aux modalités de mise en œuvre de la troisième réforme de l'imposition des entreprises (RIE III), et c'est proposé par le Conseil d'Etat genevois aux partis dont des membres siègent en son sein, c'est-à-dire le PLR, le PDC, le PS, les Verts et le MCG (on trouvera le texte de la chose sur internet à l'adresse 
https://www.fichier-pdf.fr/2016/12/20/convention-version-def/). Le PS se prononcera le 16 janvier en assemblée générale sur cette sorte de capitulation en rase campagne référendaire. Le Comité directeur propose de dire "non". C'est bon d'être accord avec le comité directeur de son parti. D'accord, faut pas en abuser, mais c'est bon...  D'autant que même si, par accident, inadvertance ou gueule de bois prolongée après les fêtes de fin d'année, une assemblée générale des socialistes genevois avalisait la proposition gouvernementale d'"Union Sacrée pour la RIE III", cet aval (ou cet avachissement) ne vaudrait que le temps qu'une autre assemblée générale l'envoie promener. Cela s'appelle un fonctionnement démocratique. Et ça exclut le port de la muselière. Même accepté dans un moment d'égarement.



Non serviam



L'enjeu premier de la réforme de l'imposition des entreprises, c'est la réforme fédérale soumise en vote populaire dans deux mois. C'est elle qui conditionne les réformes cantonales. Si la réforme fédérale est refusée, tous les projets de réforme cantonale (celui du Conseil d'Etat genevois, par exemple)  tombent. C'est donc le premier travail des partis politiques de gauche, des syndicats, des associations, que de se mobiliser pour faire échouer la réforme fédérale. Et la faire échouer dans chaque canton. Pendant quoi, il n'est pas inacceptable que les élus de gauche dans les exécutifs municipaux et cantonaux, et ces exécutifs eux-mêmes lorsqu'ils sont à majorité de gauche, se préparent tout de même à ce que la réforme fédérale puisse être acceptée (qui peut préjuger sans risque de se tromper le résultat d'un vote populaire ?), et qu'on ait donc à affronter une réforme cantonale. Après tout, c'est aussi le travail d'un gouvernement ou d'une municipalité que se préparer à affronter ce qu'ils espèrent ne pas avoir à affronter : ne pas s'y préparer ne donnerait aucun signe de cohérence politique, mais un signe d'aveuglement volontaire. Un signe de tartufferie : cachez cette hypothèse que je ne saurais voir. Et si vous ne la cachez pas, laissez-nous nous comporter comme des autruches. Se préparer à ce que l'on refuse, ce n'est pas l'admettre -c'est se donner les moyens de le combattre efficacement, le moment venu (ce que ne font pas ceux qui à longueur de débats budgétaires municipaux ou cantonaux appellent la Ville ou le canton à intégrer les pertes de ressources fiscales pour lesquelles, par ailleurs, ils militent ardemment, comme le leur demandent leurs maîtres. Pour combattre ce que nous refusons,  il va nous falloir autre chose, et un peu plus, que des gesticulations et de la rhétorique en pure langue de bois.



Mais même si le projet de réforme cantonale présenté par le gouvernement genevois était accepté par le PS (et il n'y a aucune raison qu'il le soit avant le scrutin fédéral, et pas beaucoup plus de raison qu'il le soit après si ce scrutin nous était défavorable), le carcan politique proposé par le Conseil d'Etat aux partis "gouvernementaux" par la "convention" qu'il leur soumet, et dont le but explicite est "d'assurer un soutien le plus large possible à la réforme au sein de la population genevoise", mais en muselant les partis signataires,  resterait, lui inacceptable.



Etre ou non "gouvernemental" est, pour un parti politique, un choix stratégique, pas un acte de foi. On est "gouvernemental" (et encore : si le peuple le veut bien) quand on croit que c'est utile à la réalisation des objectifs qu'on se donne, ou à tout le moins à l'opposition aux objectifs des adversaires qu'on a. Mais "gouvernemental" ou non, un parti politique ne se justifie que par son autonomie de décision. Un parti gouvernemental qui abdiquerait cette autonomie vaudrait alors bien moins qu'un parti nongouvernemental la gardant : on ne voit pas que l'UDC d'un côté, ou solidaritéS de l'autre, soient délégitimés en tant que partis par le seul fait qu'ils ne sont pas au gouvernement cantonal. Le rôle, la fonction, la légitimité même d'un parti politique tient à sa capacité de proposition. Et la qualité d'une démocratie à cette capacité des partis politiques de jouer leur rôle. Les réduire à ne plus être que des appendices du gouvernement, et réduire le parlement à ne plus être qu'une chambre d'enregistrement, est à la fois un aveu de faiblesse et une marque de mépris. Un aveu de faiblesse d'un gouvernement contraint, pour être suivi, de proposer aux partis politiques de se contraindre eux-mêmes à roupiller pendant cinq ans pour ne pas le gêner, et un aveu de mépris de ce qui fait qu'une démocratie est vivante, et dont l'absence la réduit à ne plus être qu'un rideau de scène derrière lequel ne s'agitent que de médiocres figurants invisibles et inaudibles du public, n'ânonnant que pour eux-mêmes quelques répliques convenues pour justifier leur cachet.

Gageons que le 16 janvier, le PS genevois renverra à son expéditeur la "convention" que le Conseil d'Etat lui propose. L'accepter serait se dissoudre en tant que parti, pour se résoudre en comité de soutien au Conseil d'Etat.

Et d'ici-là, une seule échéance importe : celle de février. Cette du "non" à la réforme fédérale. Qu'au moins Genève la refuse. Et que le PS prenne toute sa place dans ce refus. A un mois du vote fédéral, c'est aussi cela que l'assemblée générale du PS permettra, ou interdira.
Au fond, il ne s'agit que de choisir de rester debout.

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