Quand le patronat nous explique la RIE III



Encore des questions ? Euh... non...

« RIE 3 : c'est quoi ? », fait semblant de se demander, en édito, le journal patronal « Entreprise romande » qui vient, gentiment, au secours de celles et ceux, comme centre « entrepreneuse de talent, ayant à son actif la création de plusieurs entreprises et auteure de plusieurs ouvrages », qui se posent LA question : « RIE 3, c'est quoi ? ». Donc « Entreprise romande » va lui expliquer, « parce qu'il ne suffit pas de dire les choses. Encore faut-il s'assurer qu'elles ont été entendues et comprises ». Par les malentendants et les malcomprenants. De toute façon, poursuit l'édito, « comprendre l'essentiel » de RIE 3, « c'est relativement simple ». Surtout quand c'est « Entreprise Romande » qui explique à ses lecteurs et lectrices du patronat local, au cas où il aurait des doutes. Donc, il s'agit d'établir un taux unique d'imposition des entreprises (à 13,49 %), en haussant un peu celui des multinationales (actuellement à 11 %) et en baissant beaucoup celui des entreprises locales (actuellement à 24 %) pour leur apporter « un bol d'air non négligeable » sans « faire fuir » les multinationale, parce que c'est fugace, ces grosses bêtes. Bref, conclut l'édito qui explique simplement l'essentiel, « la RIE 3, c'est le futur de notre économie et de notre société ». Ouala. Et ceux qui sont contre, ils sont partisans du passé, de la mort de l'économie et de la société. Et « une fois qu'on a compris ces principes, le reste n'est que querelles de spécialistes ou de démagogues ». "Le reste", c'est quoi ? C'est le trou creusé dans les caisses publiques par la RIE 3, la menace d'une baisse des prestations sociales, des engagements culturels et des investissements indispensables de la Confédération, des cantons, et des communes. Rien d'important. Des futilités pour « spécialistes » ou pour « démagogues ». C'est extraordinaire, comme tout est simple, quand le patronat nous l'explique simplement. La dernière phrase de l'édito d'« Entreprise Romande » est interrogative : « encore des questions ? ». Euh, non, là, comme ça, ça va, on a eu notre dose...


Le futur de quelle économie et de quelle société ?

On reviendra ici régulièrement sur les conséquences de la réforme fédérale. Quant aux conséquences de l'encore éventuelle réforme cantonale, outre l'effet direct (des centaines de millions de francs de pertes annuelles) qu'elle aura sur les ressources (et donc les budgets, et donc les engagements essentiels) du canton et des communes, elle aura un effet plus lourd encore, et à plus long terme, sur le déséquilibre déjà patent entre Genève et sa périphérie française. Un effet que les "Assises du Grand Genève", les syndicats genevois et la Coordination économique et sociale transfrontalière ont dénoncé cette semaine : l'accentuation de l'exportation du logement hors du canton et de la concentration des emplois dans le canton, avec pour conséquence des flux accrus de pendulaires (celles et ceux qui occupent les emplois du canton et habitant en Haute-Savoie ou dans l'Ain) et des problèmes d'aménagement et de mobilité que la perte de ressources par le canton et les communes genevoises ne vont certainement pas contribuer à résoudre. Le taux d'imposition des entreprises retenu par le Conseil d'Etat, et qu'il a fixé les yeux rivés sur le taux d'imposition choisi par le canton de Vaud, est en effet si bas (13,49 %, avec un "plancher" à 13 %) qu'en comparaison avec le taux français (33 %), il ne pourra qu'inciter des entreprises installées en France à se délocaliser à Genève, en creusant un peu plus le différentiel d'emploi entre les deux côtés de la foutue frontière, et aggravant la crise du logement du côté genevois. On est là dans une pure logique de concurrence fiscale : on se cale sur le canton de Vaud, on siphonne la Haute-Savoie et l'Ain de sa population active, et on loge les Genevois de l'autre côté de la frontière.

Pour les syndicats patronaux genevois, « la RIE 3, c'est le futur de notre économie et de notre société ». De leur économie et de leur société, sans aucun doute. Mais de l'économie qui permettrait à toutes celles et tous ceux qui vivent dans la Genève réelle -celle qui se fout des frontières- et qui constituent sa société réelle, certainement pas.
Il est vrai que ce n'est d'elle dont se préoccupent les défenseurs de la réforme fédérale, et ceux qui, avant même de savoir si elle pourra se faire, défendent la réforme cantonale dans la version qu'en propose le Conseil d'Etat.
Une raison de plus pour se défaire
de la première, pour n'avoir pas à subir la seconde. Chaque chose en son temps, comme dirait l'Ecclésiaste.

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