Tarifs des transports publics genevois : on va voter ("non")


Le 23 septembre dernier, le Grand Conseil genevois avait voté une hausse des tarifs des transports publics genevois, faisant assumer par les usagers huit millions supplémentaires par an pour développer une offre que la même majorité, la direction des TPG et le Conseil d'Etat avaient préalablement réduite par refus d'augmenter la subvention cantonale à la régie publique.  Bref, le "développement de l'offre" qui est supposé justifier la hausse est en grande partie un simple rattrapage de sa réduction punitive passée. Le PS et Ensemble à Gauche avaient présenté au parlement cantonal une proposition de compromis, consistant à alléger la charge pour les usagers (sans la supprimer, mais en la faisant passer de huit à trois millions de francs par an), en échange d'une augmentation de cinq millions de francs de la subvention cantonale. Même le MCG avait soutenu cette proposition... mais pas les Verts... Et dans quelques années, une nouvelle hausse des tarifs sera proposée, justifiée par la mise en service du CEVA, mais consistant toujours à faire payer par les usagers la mise de l'offre au niveau de besoins croissants. Pendant quoi, les partisans de ces hausses continueront sans doute à se gargariser de beaux discours sur le développement des transports publics et de la mobilité douce. En attendant, un référendum a été lancé contre la dernière hausse décidée par le parlement, il a abouti, avec plus de 10'000 signatures. On votera donc, sans doute en mai 2017, pour dire ce qu'on pense d'un refus de donner aux TPG les moyens de leur développement en le finançant par le budget cantonal (voire les budgets municipaux) plutôt qu'en taxant les usagers, tout en invitant celles et ceux qui n'en usent pas encore à user des transports publics pour se déplacer en zone urbaine et péri-urbaine... comme si une augmentation des tarifs des transports publics allait les y inciter...

"Il nous faut passer de la circulation comme supplément du travail à la circulation comme plaisir" (Guy Debord)

Par deux fois, en 2013 puis en 2014, les Genevois et voises ont accepté une initiative de l'AVIVO et donné au parlement cantonal la compétence de voter les tarifs des TPG sous forme d'une loi -et donc donné au peuple la possibilité de contester ces tarifs par voie de référendum. C'est ce qui vient d'être fait, pour maintenir les tarifs des transports publics genevois à leur niveau actuel. Et pour faire financer les améliorations proposées de l'offre et des services par la source la plus simple, la plus équitable et la plus sûre : la subvention publique. Or pour punir les usagers d'avoir voté une initiative qui leur déplaisait fort les majorités politiques (parlementaire et gouvernementale) et administrative (au sein du Conseil d'administration des TPG) ont laissé filer, à la baisse, les moyens dont dispose la régie : 10 millions de moins par an. Ce n'est pour l'essentiel qu'un rattrapage de la dégradation de l'offre et des services qui est aujourd'hui proposé -mais en le faisant payer aux usagers, et en appliquant à une régie publique des critères financiers qui sont ceux d'entreprises privées.

Si la hausse des tarifs est refusée, "c'est une catastrophe qui s'annonce", et on se serait "tiré une balle dans le pied", clame le Conseiller d'Etat Barthassat, qui menace en ce cas de "réduire encore davantage l'offre des TPG". Piètre chantage (que le même Barthassat désarme d'ailleurs en annonçant que plusieurs des améliorations prévues entreront en vigueur ce mois déjà, alors qu'on ne votera sur l'augmentation des tarifs qu'en mai prochain). Et puis, les moyens financiers de l'adaptation de l'offre aux besoins, Genève les a : il y a quelques mois, en votation populaire, les Genevois ont accepté de réduire les déductions fiscales possibles au titre des frais de transports. Beauté de la négation de la négation : cette réduction des déductions amènera 28 millions de plus dans les caisses publiques. De quoi largement compenser le "manque à gagner" soit-disant imposé aux TPG par le peuple (à qui les majorités parlementaires, gouvernementales et administratives veulent faire payer cette impudence) lors des derniers votes sur les tarifs de la régie. Et de quoi aussi financer les améliorations proposées, notamment dans la desserte des sites hospitaliers, du Mandement et des gares. Car si les Genevois ont voté deux fois une baisse des tarifs, ils n'ont jamais voté la baisse des prestations qui leur a été imposée.

Le même Luc Barthassat qui menace de dégrader l'offre et les services des TPG si la hausse des tarifs n'était pas acceptée par le peuple, propose aux automobilistes la "circulation alternée sur une base volontaire" (utiliser, si on veut bien, sa bagnole un jour sur deux en fonction de son numéro de plaque). On a mieux à lui suggérer : une hausse des tarifs "sur une base volontaire". Voire même, de ne payer son bus et son tram que sur une base également volontaire (ce que pour notre part nous faisons d'ailleurs déjà). Le volontariat, c'est l'avenir. Comme d'ailleurs la gratuité des transports publics (nous l'avons proposée au Conseil municipal de la Ville de Genève, pour les "lignes de quartier" intramuros...). La gratuité, en effet, est le mode le plus simple et le plus égalitaire de définir un tarif. Dans le cas des transports publics, on en finit avec les différenciations de billets et d'abonnements, les tarifs réduits, les demi-tarifs, les tarifs pour brefs parcours. On en finit aussi avec les coûts liés aux automates distributeurs de billets, à leur achat ou leur location, à leur entretien, à leur réparation. On en finit enfin avec le coût des contrôles, de la perception des amendes, du recouvrement des amendes impayées. On fait assumer le coût des transports publics par les caisses publiques, c'est-à-dire par l'impôt (en sus de recettes additionnelles, comme la publicité ou la location de services ou de matériel) et on cesse de faire payer deux fois les usagers : une fois en tant que contribuables, une deuxième fois en tant qu'usagers.

"Il nous faut passer de la circulation comme supplément du travail à la circulation comme plaisir", prônait Guy Debord. On en est encore à la circulation comme supplément du travail -un supplément qu'on fait payer, comme s'il était un luxe, et ni un droit, ni une nécessité. C'est de cela aussi, de cette forme de racket,  que la gratuité des transports nous ferait sortir.

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