Asile : Tenir les promesses



Exode mondial et accueil (?) helvétique

Il y a actuellement au moins 65 millions de personnes déplacées et réfugiées dans le monde : un record depuis la Guerre Mondiale. Et ce sont les pays les plus pauvres qui accueillent la plus grande part de ces migrants forcés et de ces réfugiés -les pays les plus riches, eux, manifestent une absence totale de volonté de résoudre cette crise, tout en fignant de croire qu'elle les frappe principalement, alors qu'elle ne les frappe que subsidiairement, voire, comme la Suisse, que marginalement (la Suisse ne reçoit que 3 % de l'ensemble des réfugiés arrivant en Europe, et des milliers d'entre eux n'y restent pas :
entre janvier et fin novembre de l'année dernière, 8166 requérants d'asile enregistrés à leur arrivée en Suisse ont disparu dans la nature sans annoncer leur départ* (c'est presque deux fois plus que les années précédentes).
Une dizaine de pays totalisant ensemble moins de 2,5 du PIB mondial accueillent, parce qu'ils sont voisins de pays en crise ou en guerre, la majorité de tous les réfugiés de la planète. Ils n'ont pas les moyens de cet accueil, pas les forces de cette responsabilité -mais on la leur laisse, parce que les pays les plus riches y trouvent le moyen de ne pas assumer, eux qui en ont les moyens, cette responsabilité. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 1,20 million de réfugiés et de réfugiées particulièrement vulnérables (des femmes, des enfants, des vieillards, des malades, des handicapés et des blessés) devront être relocalisés dans un autre pays que celui dans lequel ils ont trouvé un asile précaire, dans des conditions souvent indignes. Moins d'un dixième des places d'accueil nécessaires ont été accordées par une trentaine d'autres pays que ceux de ce premier accueil, qui tient le plus souvent de l'entassement. Même en Europe, des milliers de réfugiés sont bloqués en Grèce et en Italie par la fermeture des frontières des autres pays, au mépris de leurs engagements internationaux.
En Suisse, Amnesty International a adressé au Conseil fédéral une pétition lui demandant d'accueillir en Suisse plus de réfugiés, en respectant au moins deux promesses faites en 2015 : soulager la Grèce et l'Italie de 1500 requérants d'asile, et accueillir 1500 réfugiés syriens particulièrement vulnérables. Promesses non encore tenues.



"La fidélité à une sottise n'est jamais qu'une sottise de plus"


Une situation "intenable", dénonce la Conférence suisse des institutions d'action sociale (CSIAS) : celle des réfugiés face à l'emploi. Après dix ans passés en Suisse, seule la moitié des personnes qui ont obtenu l'asile, et un quart de celles qui ont obtenu une "admission provisoire" ont un travail. La Suisse n'arrive donc pas à intégrer au "marché de l'emploi" des gens qui ont obtenu le droit de rester en Suisse : 80 % d'entre eux se retrouvent à l'aide sociale pendant les cinq à sept premières années de leur séjour, alors que l'économie du pays manque de main d’œuvre, que les budgets d'aide sociale augmentent et que cette augmentation est dénoncée par la droite de la droite. A qui ou à quoi la faute ? Notamment aux obstacles légaux et réglementaires mis à l'engagement professionnel des réfugiés et requérants d'asile...

Prenez une population immigrée (les réfugiés, les requérants d'asile, soit au total plus de 100'000 personnes en Suisse) dont on proclame urbi et orbi qu'il faut l'« intégrer » à la population résidente; prenez un pays (la Suisse, donc) qui manque de main d'oeuvre, un gouvernement qui promet d'« exploiter le potentiel de main d'oeuvre indigène » (réfugiés compris, donc) pour pouvoir réduire son besoin d'immigrants nouveaux, et des budgets d'aide sociale qui explosent parce que les réfugiés sont écartés du marché du travail et que plus de 80 % des requérants d'asile et des réfugiés ont besoin de l'aide sociale pour vivre pendant les cinq à sept premières années de leur séjour en Suisse, à quelle conclusion pensez-vous qu'arrive la Conférence suisse des institutions d'aide sociale (la CSIAS) ? Logiquement, à la conclusion qu'il faut intégrer les réfugiés au marché du travail : cela les intègre à la population résidente, les occupe, fournit à l'économie une main d'oeuvre qui lui manque et cela fait faire des économies aux budgets d'aide sociale. Logique, non? Utilitariste, évidemment, un brin cynique, même, mais logique. D'autant que la plupart des réfugiés ne demandent que cela : avoir un boulot normal, payé normalement, pour pouvoir vivre normalement sans avoir à quémander de l'aide. Or seul un-e réfugié-e reconnu-e sur cinq est professionnellement actif (un-e sur deux après dix ans de séjour). La CSIAS demande donc l'abolition de la taxe de 10 % prélevée sur le salaire des requérants d'asile et la simplification de leur autorisation de travail. Mais qu'est-ce qu'on parie que si on arrive à faire ce que la CSIAS demande qu'on fasse, on entendra de Genève à Romanshorn les même blaireaux qui couinent contre ces feignasses de réfugiés assistés,  beugler contre ces salauds de réfugiés qui piquent les emplois des Suisses...
Comme disait Vladimir Jankélévitch, "La fidélité à une sottise n'est jamais qu'une sottise de plus"

* Le Secrétariat d'Etat aux Migrations estime que la plupart d'entre eux (dont une grande partie sont des ressortissants africains) ont quitté la Suisse (le nombre de sans-papiers vivant en Suisse n'aurait donc pas augmenté) après avoir abandonné la procédure d'asile sans l'en informer, parce qu'ils ne lui donnent aucune chance d'aboutir, ou qu'ils veulent rejoindre des proches dans un autre pays, notamment en Allemagne.

Commentaires

Articles les plus consultés