Fin (enfin) d'une année de merde



De Profundis

On ne regrettera pas l'an de disgrâce 2016. Et on ne changera pas non plus de calendrier pour l'extirper de nos mémoires embuées par le champagne et embourbées dans le foie gras des libations de fin d'année. 2016, année de Trump, de Poutine, du Brexit, de la Syrie exsangue... Dies Irae ? Dies, on a comme un doute, mais irae, certainement. De Profundis, en tout cas. Et puis quoi ? Cette année morte n'est ni la première ni la dernièr, que scandent nos défaites. Nous avons survécu aux autres, nous survivrons à celle-là. Nous ne sommes pas résignés, nous sommes patients. Et nous avons de la mémoire.


"Mais il faut oser, puisque (...)" (Sappho)

On n'a donc pas fait la révolution en 2016. Nulle part. Sauf évidemment à considérer l'hypothèse de révolutions réactionnaires sorties des urnes. Peu importe, d'ailleurs : si depuis la Commune de Paris toutes les révolutions que nous pouvons honorer comme telles ont fini par échouer ou par accoucher de leur contraire, leur répression ou leur trahison n’ont vaincu que pour un temps, la Révolution a survécu aux révolutions triomphantes et les forces révolutionnaires aux révolutionnaires au pouvoir. Partout, et à chaque fois que les révolutions furent défaites sont nées de leur défaite même de nouvelles volontés révolutionnaires, un nouveau désir de révolution. La révolution est moins une vieille taupe qu’un phénix sans âge. Jamais le déroulement de l’histoire n’est conforme aux volontés de ceux qui croient la faire mais sont faits par elle, ne faisant que la suivre, feignant d’être les organisateurs de cette chose qui les dépasse. Les dirigeants sont dirigés, les leaders sont conduits, les chefs suivent, et le divorce est absolu entre le discours sur la réalité et la réalité elle-même : si celle-ci ne semble pas se venger de celui-là, c’est qu’elle est trop occupée à en rire.

La révolution est à faire, ou à refaire, mais elle est surtout, et d’abord, à réinventer, pour la débarrasser du césarisme et du machiavélisme, c’est-à-dire de l’obsession du pouvoir. Il ne s’agit plus, s’il s’est jamais agi, de prendre le pouvoir, mais de le casser. Il y faut un projet ne concernant plus seulement, ou plus du tout, la prise du pouvoir central d’Etat, mais la subversion de tous les aspects du vécu individuel et collectif, le franchissement de toutes les lignes de fracture entre la possibilité offerte à la vie et les limites dans lesquelles les normes sociales la contiennent.

"Mais il faut oser, puisque..." (Sappho) : les causes perdues sont les seules qui vaillent que l’on se battent pour elles. Nous ne devons aucune loyauté aux vainqueurs, aucun respect aux « gagnants », et n’avons à leur obéir qu’avec la ferme intention de les trahir et le constant sentiment de les mépriser. Seuls les perdants peuvent être magnifiques.

C'est promis : en 2017, on fait la révolution. Ou pas.
Bonne année 2017...

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