Fonds de tiroir


N'ayant plus guère de comptes à rendre pour autant qu'il se tienne dans les limites de la loi, puisqu'il a décidé de ne pas se présenter à sa propre succession à la présidence de la République, François Hollande peut se permettre de prendre des décisions qu'il n'aurait peut être pas osé prendre s'il était candidat. Ainsi a-t-il grâcié totalement Jacqueline Sauvage, une vieille dame de 69 ans qui avait occis son mari violent, et avait pour cela été condamnée à dix ans de réclusion. Pendant cinquante ans, et au prix de quatre séjours à l'hôpital, elle avait subi insultes, coups et violences sexuelles. Ses filles avaient été traitées de même. Les juges pourtant ne lui avaient pas reconnu l'état de légitime défense. Une pétition signée par 430'000 personnes, et un comité de soutien auquel avaient adhéré de nombreuses personnalités, réclamaient sa grâce totale. Ainsi l'a-t-elle finalement obtenue. Ce qui a ulcéré l'Union syndicale des magistrats, le syndicat de droite de la magistrature. Bon, le droit présidentiel de grâce n'est pas autre chose qu'une survivance régalienne (autrement dit monarchique), mais utilisé à bon escient, on peut supporter son obso-lescence. Jacqueline Sauvage est sortie de prison :  tant pis pour les états d'âme des magistrats du siège qui n'apprécient pas qu'on s’assoie sur leurs sièges et les magistrats du parquet qui ne supportent pas qu'on piétine leur parquet.

Y'en a qui s'obstinent : aux Grisons, le gouvernement et le parlement proposent à nouveau au peuple, qui l'avait refusé en votation populaire en 2013, de faire organiser les Jeux Olympiques d'hiver (et variés) dans le canton, cette fois en 2026, en collaboration avec Zurich (qui semble d'ailleurs n'en pas vouloir), Obwald et Schwytz, moyennant un crédit de 25 millions de francs, pas pour organiser les JO (ça coûte un paquet de saladiers de plus), mais seulement pour organiser cette candidature. Même si le bon peuple grison acceptait la proposition, il faudra encore que Swiss Olympic (ouais, en anglais dans le texte) l'accepte aussi (le Valais, Fribourg, Vaud et Berne présentent également leur candidature, ensemble). Et que, consulté à nouveau, le peuple grison réitère son choix favorable. Et que, finalement, le Comité international olympique le ratifie. Ouala. On a le temps d'attendre que cette baudruche qui se regonfle périodiquement en Suisse se dégonfle comme toutes les fois précédentes depuis 1948...

Le musée espagnol (madrilène) «Reina Sofia», du nom de la reine douairière d'Espagne, annonce une grande exposition Picasso pour les 80 ans de «Guernica». Toute honte bue ? Ce qu'on y commémore, ce sont les 80 ans d'un tableau par lequel Picasso a réagi au massacre commis à Gernika en 1937 par la « Légion Condor » nazie, bombardant la petite ville basque (sans aucun intérêt militaire, mais à forte charge symbolique puisque c'était le lieu où se confirmaient les droits du Pays Basque) pour aider les franquistes à réduire la résistance basque au coup d'Etat militaire de 1936 qui déclencha la Guerre d'Espagne -et dont la monarchie espagnole est l'héritière directe, puisque c'est Franco qui a placé le roi Juan Carlos (et donc la Reine Sofia) sur le trône... L'expo au musée de la Reine porte comme titre «Le chemin vers Guernica» (transcription castillane du nom de la ville). Le chemin vers Gernika, c'est, tracé par Hitler, le chemin des Bourbons vers leur retour sur le trône. Alors peut-être bien qu'on va aussi prendre un chemin, en 2017, pour les 80 ans du massacre et du tableau. Mais on ira à Gernika,  pas à Madrid...

Parce que le concessionnaire de l'affichage commercial sur le domaine public en Ville de Genève a changé, les panneaux d'affichage ont été recouverts pendant quelque temps d'affiches blanches. Qui ne le sont pas restées longtemps : les habitantes et les habitants se les sont appropriées, faisant de ces panneaux des espaces de création, d'expression personnelles, quelque chose entre le tag et le dazibao, quelque chose de libre et de gratuit, souvent marrant, parfois même beau -en tout cas, toujours plus intéressant que la drague mercantile habituelle. Un moment de liberté qu'on pourrait pérenniser en imposant une affiche blanche toutes les cinq affiches commerciales, par exemple. Ou, comme le proposent les Jeunes Verts, une « trêve publicitaire » périodique. La Ville n'y perdrait pas grand chose en ressources (l'affichage commercial ne lui rapporte que trois millions par années) et l'espace public y gagnerait en quelque chose qu'on pourrait considérer comme de l'élégance conquise sur de la putasserie... La pub, en Suisse, c'est cinq milliards de chiffre d'affaire annuel, dont un dixième pour l'affichage dans les rues. Payé par les consommateurs, puisque son coût est intégré dans le prix du produit proposé...

Grand titre en Une, et pleine page trois, dans « Le Matin Dimanche » de dimanche dernier : « Santé, éducation, économie, conflits : jamais le monde ne s'est mieux porté », alors que selon une enquête de l'Université d'Oxford, dans la majorité des pays où l'enquête a été faite, une majorité des personnes interrogées ont répondu (sauf en Chine) que le monde se portait «plus mal» qu'avant : 81 % des Français, 65 % des Anglais et des Américains, sont de cet avis. Bon, évidemment, tout dépend de ce qu'on entend par « avant » : l'enquête compare les conditions de vie sur 200 ans, les gens qui y répondent comparent, eux, leurs conditions de vie sur une, voire deux générations. Alors quand on leur explique que si au XIXe siècle 43 % des enfants mouraient avant l'âge de 5 ans, contre 4 % aujourd'hui, ils s'en foutent un peu. C'est comme quand on leur explique qu'il y avait 85 % d'analphabètes il y a 200 ans et qu'il n'y en a « plus que » 12 %. Et quand on ajoute que la pauvreté extrême (la misère) qui pouvait concerner jusqu'à 94 % de la population et n'en concerne « plus que » 10 %, celles et ceux qui arrivaient à payer leur loyer il y a dix ans et qui n'y arrivent plus aujourd'hui, ils ont tendance à trou-ver que « ça va plus mal qu'avant ». Pour les convaincre du contraire, on va essayer de comparer leurs conditions de vie aujourd'hui à celles de Cro-Magnon ?

Massimo Lorenzi, journaliste vedette de la télé romande, est fan de sport. De sports au pluriel, même (il présente les émissions sportives de la chaîne. C'est un peu notre nouveau Boris Acquadro, quoi...). Il aime le sport, et il en fait. A ses risques et périls : il a été condamné en août dernier à 5 jours-amende avec sursis, plus 600 balles d'amende, pour avoir flanqué une baffe à un jeune MCG avec qui il s'était pris de bec. Donc, baffer un èmecégiste, ça coûte 600 balles. C'est 400 balles plus cher que de griffer un ensemblagauchiste. On serait un vieil ensemblagauchiste, on serait vexé de ne valoir que les deux tiers d'un jeune èmecégiste à la bourse des valeurs politiques genevoises.


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