Fonds de tiroir


Le Maire annuel de Genève, le PDC Guillaume Barazzone (seul membre de droite de la Municipalité genevoise, dont tous les autres membres appellent à refuser la RIE III fédérale, contrairement à ce que prétend Barazzone) nous assure (dans « Le Temps » du 17 janvier) que « la RIE III coûtera moins cher que ce que prétendent les opposants ». Ouais. Comme la précédente réforme du même genre (la RIE II), qui a finalement coûté entre dix et quinze fois plus cher que ce prétendaient ses partisans ? acceptée en 2008,  elle ne devait, promis juré par le Conseil fédéral, coûter « que » quelques centaines de millions, elle a coûté 7 milliards... Ouais, mais quand on aime, on ne compte pas. Voila.- Alors votez «oui». Sans compter. Vaut mieux ne pas compter, d'ailleurs, parce que quand on compte, comme l'Union Syndicale Suisse l'a fait, y'a de quoi s'alarmer :  Les pertes de ressources fiscales engendrées par la RIE III pourraient, selon l'USS, atteindre les quatre milliards, entre celles supportées par la Confédération, celles supportées par les cantons et celles supportées (ou reportées) sur les communes (et surtout sur les villes), lesquelles n'ont d'ailleurs pas été entendues, et moins encore comprises, dans la procédure de consultation, et dans le bidouillage du projet. 80 % de la population de ce pays habite en ville ou en zone urbaine ? On s'en fout. Les villes assument l'essentiel des prestations publiques dans les domaines de la culture, du sport, de la petite enfance ? On s'en fout. D'ailleurs, elles sont de gauche, alors leur couper les vivres, ça leur apprendra à bien voter...

L'ancienne Conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, qui fut ministre des Finances, et qui à ce titre avait initié la troisième réforme de l'imposition des entreprise (RIE III), estime que le résultat de cette réforme tel que sorti des Chambres fédérales (et non tel que proposé par le Conseil fédéral) a été déséquilibré par des ajouts destinés à compenser la hausse du taux d'imposition des sociétés « à statut ». Elle rappelle que le but de la RIE III était d'unifier les taux d'imposition de toutes les entreprises en abolissant les statuts privilégiés, pas de compenser cette abolition en créant de nouvelles possibilités de déductions fiscales. Et elle conclut en considérant que s'il était déjà difficile de prévoir les effets de la réforme dans sa version originale, c'est devenu carrément impossible dans la version soumise au vote populaire le 12 février. Alors évidemment, les partisans de cette version sont furax. Déjà que l'Eveline avait été jugée et condamnée par l'UDC pour s'être fait élire au Conseil fédéral contre le Pithécanthrope, la voila qui conteste le résultat des votes de la majorité de droite du parlement. Ils vont lui faire quoi, maintenant à la traîtresse relapse ? la brûler comme sorcière en place publique ? la lapider ?

En recevant leurs déclarations d'impôts, les gentils contribuables genevois ont reçu, l'accompagnant, un gentil mot de leur gentil ministre des Finances, Serge Dal Busco. C'est l'habitude, d'ailleurs, mais habi-tuellement, le (ou la) ministre des Finances explique posément qu'il faut payer ses impôts, que c'est juste, et que c'est utile parce que ça finance des prestations utiles. Mais là, le gentil ministre des Finances ne s'est pas contenté de ce plaidoyer pour la rectitude fiscale. Il y a ajouté un plaidoyer pour la réforme fédérale de l'impôt sur les entreprises (RIE III) soumise au vote le 12 février, et même pour la possible réforme can-tonale qui suivra si la réforme fédérale est acceptée. Et ça, dans un document officiel, devant être neutre, c'est parfaitement douteux, et relève d'un mélange des genres tout ce qu'il y a de plus contestable. Deux citoyens fâchés ont donc déposé un recours contre cette initiative de Dal Busco (et contre certaines de ses déclarations fort peu nuancées et objectives en faveur de la RIE III, tant fédérale que cantonale). Ils exigent que la lettre du Conseiller d'Etat accompagnant les déclarations d'impôts ne soit plus diffusée et que le Conseil d'Etat condamne les interventions du Conseiller d'Etat Dal Busco (et celles de son collègue Pierre Maudet). Bon, comme le Conseil d'Etat est précisément l'autorité de recours à laquelle s'adressent les deux citoyens, ceux-ci prennent leurs précautions : si le gouvernement, un tantinet juge et partie dans cette histoire, ne fait pas ce qu'ils lui demandent, ils porteront l'affaire devant le Tribunal fédéral, et ils menacent même de contester en justice le résultat du vote à Genève. Le Conseil d'Etat déclare ne pas vouloir commenter le recours. Il fait bien. C'est quand il est silencieux qu'on l'aime le plus, le Conseil d'Etat.

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