Nagez, fillettes !



L'égalité des droits prime la posture religieuse

La Cour Européenne des droits de l'Homme a confirmé au début du mois un jugement suisse qui refusait d'accorder à des élèves (musulmanes en l’occurrence) une dispense de cours de natation, dispense exigée par les parents pour des motifs religieux (ils refusaient que leurs filles prépubères participent aux cours de natation obligatoires, à Bâle, au prétexte que ces cours sont mixtes et que leur croyance religieuse leur imposerait de préparer leurs filles à respecter l'exigence religieuse de couvrir leur corps). Les parents avaient été condamnés à une amende, ils avaient fait recours en clamant que leurs droits parentaux avaient été bafoués, leur recours avait été rejeté, ils ont fait appel à la CEDH, qui a confirmé les décisions qu'ils contestaient : pour la Cour, l'égalité des chances et des sexes prime le respect de prescriptions religieuses particulières. On peut saluer ce jugement. D'abord parce qu'il est logique : soit les cours de natation sont obligatoire, et obligatoirement mixtes, soit ils ne sont pas obligatoires. S'ils sont obligatoires, parce qu'on considère que savoir nager est tout de même utile, pour des filles comme pour des garçons, ils le sont pour toutes et tous. Et s'ils ne sont pas obligatoires, il n'y a pas de raison d'en dispenser qui que ce soit pour raison religieuse, puisque n'importe qui peut s'en dispenser pour n'importe quelle raison.


"Pour Dieu,  n'être que Dieu, ce n'est vraiment pas très fort" (Julien Torma)

L'égalité entre femmes et hommes prime la liberté de croyance des élèves, laquelle est "limitée par les droits et libertés d'autrui" : c'était déjà la position prise par le gouvernement de Bâle-campagne, dans la polémique provoquée par le refus de deux élèves musulmans de serrer la main de leur enseignante. Le gouvernement bâlois avait annulé la dérogation accordée par la direction de leur école à ces deux élèves à l'obligation de serrer la main de leur enseignante, comme c'est la coutume. Accepter qu'ils s'y refusent, c’eut été accepter le mépris en lequel ils tiennent, ou plutôt en lequel on (leur famille, leur mosquée) leur avait enseigné de tenir les femmes, enseignantes ou non. Le jugement de la Cour européenne des droits de l'Homme, confirmant le refus de dispenser des élèves de cours de natation mixte, va dans le même sens : celui du primat de l'égalité des droits sur la posture religieuse.
Deux interdits s'opposaient : celui, civil et général, de se soustraire à des cours de natation obligatoires, et celui, religieux et particulier, de s'y conformer. Or si "dans un Etat de droit comme la Suisse, nous ne sommes pas tenus de respecter les interdits des représentations religieuses, ni de nous régler sur la sensibilité des milieux orthodoxes", comme l'avait déclaré, à propos des caricatures du Prophète, le président du Conseil suisse de la presse, Dominique von Burg, on peut, et on doit, aller plus loin que cela : un Etat de droit soucieux, sinon de laïcité (la Suisse ne l'est guère), du moins d'égalité des droits, n'a a respecter aucune prescription religieuse, aucun interdit religieux -ou alors, doit les respecter toutes et tous. Et comme elles et ils sont, entre eux, non seulement cumulatifs mais souvent contradictoires, on se retrouve immédiatement dans une impossibilité absolue de les respecter toutes et tous, ou de choisir celles et ceux que l'on respecte et celles et ceux que l'on ignore, ce qui est contraire au principe d'égalité des droits. Reste donc l'indifférence de l'Etat à l'égard de la religion -et des religions, toutes les religions. Puisque de toute façon, parce qu'elle est générale, la loi civile prime la loi religieuse, qui n'est que spécifiue à une croyance particulière. (Julien Torma). Pour le reste, la loi civile et la loi religieuse se rejoignent dans la même limite : elles posent l'une et l'autre des obligations et des interdits qu'on choisit ou non de respecter, dès lors qu'on est capable d'assumer les conséquences de son choix. Mais on ne va pas pleurer devant un tribunal parce qu'un autre tribunal vous a condamné a les assumer, ces conséquences.

«  Pour Dieu,  n'être que Dieu, ce n'est vraiment pas très fort » : Certes, la religion est "l'opium du peuple" comme un analgésique l'est de qui souffre -Marx ne dit pas autre chose que cela : elle est la consolation des désespérés. Mieux vaut la lutte révolutionnaire ? Sans doute. Mais un croyant peut être aussi un militant révolutionnaire. Et un athée un écraseur de révolution, et un ennemi du peuple, du progrès, de la liberté, de tout ce qu'on voudra et à quoi l'on tient. Il y a des curés rouges et des anticléricaux bruns. Des pasteurs anars et des fascistes agnostiques.

La critique de la religion est nécessaire. Mais comme une critique sociale, non comme une critique idéologique.








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