Réformes fédérale et cantonale de l'imposition des entreprises : Affliction générale

Le Parti socialiste doit tenir à Genève (en en Suisse) une forme olympique en ce moment, à rendre jaloux nos camarades français : il afflige tout le monde. Le président du PLR est affligé parce que le PS risque fort (comment pourrait-il raisonnablement faire autrement ?) de refuser de signer la convention qui l'engagerait à soutenir la réforme cantonale de l'imposition des entreprises avant même de savoir si elle pourra se faire, Pagani est affligé parce que le PS ne prend pas au sérieux les ultimatums de ce qui reste d'"Ensemble à Gauche", l'USAM est tellement affligée de l'opposition socialiste à la réforme fédérale qu'elle bidouille des déclarations de socialistes pour fait croire qu'ils soutiennent cette réforme alors qu'ils combattent... Bref, l’affliction est générale, et on en est nous-même tout affligés, d'affliger tous ces affligés. Mais on surmontera notre propre affliction. Et ce soir, en assemblée générale du PS genevois, on espère bien être une majorité confortable à refuser de poser la signature socialiste au bas d'un texte (la fameuse convention) auquel on ne peut guère comparer que l'adhésion à Exit. Encore qu'Exit ne promeuve au moins la mort que dans la dignité, quand ce texte ne nous la propose aux partis politiques que sous la forme d'une capitulation.


La Mère de toutes les Batailles et l'amer de tous les désarmements


Donc, ce soir, les socialistes genevois décideront de signer ou non la "convention" que lui propose, comme aux autres partis gouvernementaux, les partisans du projet du Conseil d'Etat de "mise en œuvre cantonale de la réforme de l'imposition des entreprises" (RIE III pour les intimes). Etrange texte, en vérité : en prétendant (sans en avoir les moyens) lier les partis signataires à la réforme cantonale telle que proposée par le Conseil d'Etat, la convention préjugerait non seulement la position du parti sur la réforme cantonale (position qui n'aurait dû être adoptée, comme mot d'ordre pour une votation populaire, qu'une fois cette réforme votée par le parlement cantonal, s'il la vote), mais elle préjuge même la position du peuple sur la réforme fédérale. Car si cette réforme fédérale est refusée par le peuple, il n'y a plus de réforme cantonale sur laquelle se prononcer. A quoi rime alors une convention obligeant au soutien à une réforme cantonale dont on ne sait pas si elle pourra se faire, et qui dépend d'une réforme fédérale que l'on combat ?
Car il faut bien rappeler que le PS est au cœur de l'opposition à la réforme fédérale, que c'est lui qui a lancé le référendum contre cette réforme fédérale, et que c'est lui qui est la cible principale des attaques des partisans de cette réforme-là... et on voudrait que tout en combattant la RIE III fédérale, il s'engage, sous prétexte qu'il a accepté de la négocier (comme si s'engager dans une négociation impliquait forcément d'en accepter le résultat) à en soutenir l'application cantonale, avant même de savoir si application il y aura ? ce serait absurde, si ce n'était pervers.


On va faire tout ce qu'on peut faire pour que la RIE III fédérale, cette "mère de toutes les batailles" soit refusée par le peuple suisse. Mais qu'est-ce qu'on fait si elle passe ? Au sein du PS, c'est cette question qui fait débat -pas l'opposition à la réforme fédérale. Mais si elle passe, il y aura forcément une réforme cantonale. Et là, il faudra tout faire pour qu'elle soit la moins nuisible possible. La moins coûteuse pour le canton et pour les communes. La moins dévastatrice pour les prestations à la population. On peut donc admettre, même si on n'y adhère pas, la logique de l'argument selon lequel le projet du Conseil d'Etat est un moindre mal, le moins mauvais projet possible de mise en œuvre à Genève de la RIE III, compte tenu du rapport des forces parlementaires et gouvernementales. Et on ne peut pas reprocher à des exécutifs municipaux, par exemple, de se préparer à une hypothèse dont ils ne souhaitent pas qu'elle se réalise (celle d'une acceptation de la réforme fédérale le 12 février prochain), mais qu'ils ne peuvent exclure -on leur reprocherait plutôt de ne pas le faire : on est là dans le principe de précaution, pas dans l'adhésion. Sauf que si cette position est logique s'appliquant à des magistrats, ou, collectivement, à des exécutifs, municipaux, elle ne l'est plus si elle devait conduire un parti politique à se comporter comme un comité de soutien inconditionnel à un gouvernement, y fût-il représenté.

Que la réforme fédérale soit ou non acceptée, et qu'on ait ou non affaire à une réforme cantonale sous la forme proposée par le gouvernement cantonal, la convention telle qu'elle est proposée est inacceptable : on ne peut admettre que le parti socialiste, ou les Verts, ou quelque parti que ce soit qui tienne à jouer son rôle, soit contraint par un texte qui n'a pas d'autre but que de le lier à un engagement de ne plus rien proposer (ou presque) dans le domaine fiscal pendant cinq ans... A moins que l'on parte du principe que ce texte n'a strictement aucune valeur, qu'on peut le signer et ensuite s'asseoir dessus ou s'en torcher pour faire ce qu'on a envie de faire. Auquel cas la signature au bas du texte ne vaudrait pas plus que le texte lui-même.


De toute façon, ce ne sont pas les exécutifs municipaux de gauche, ni les ministres de gauche, qui sont invités à signer ce texte, mais les partis politiques. C'est donc le PS en tant que parti qui se lierait en le signant, et qui affaiblirait sa campagne contre la réforme fédérale, pas ses magistrat-e-s municipaux ou cantonaux : Et la décision que doivent prendre les partis politiques, ils doivent pouvoir la prendre en toute autonomie, et si possible en toute cohérence avec leurs propres positions.
On ne livre pas la Mère de toutes les batailles en commençant par signer l'amer de tous les désarmements.

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