Errare humanum est, ergo... On s'est plantés sur Trump


On a un aveu à vous faire. Une confession, même : finalement, Trump, on l'aime bien. Certes, on s'est profondément mis le doigt dans l'oeil en présumant qu'il ne ferait pas ce qu'il annonçait, qu'il ne tiendrait pas ses promesses, que sa pratique de président serait toute différente de sa pratique de candidat. Eh bien non : il fait ce qu'il avait dit qu'il ferait. Enfin, disons qu'il essaie de le faire. Trump est cohérent : il disait des conneries, pendant la campagne électorale, il les commet après l'élection. Et, pour peu qu'on ait à disposition quelque cynisme, et quelque propension à ricaner du malheur de quelques autres, c'est assez jouissif. ça ne dissipe pas les inquiétudes, mais ça aide à les surmonter. Une sorte d'antidépresseur politique, en somme. N'en abusons pas, mais n'y rechignons pas non plus : nous n'avons guère d'autre sous la main (quoique Fillon, peut-être...)

Il y a peut-être au fond de chacun de nous un petit quelque chose d'un Trump

Une campagne électorale, comme en aurait dit Mao s'il avait jamais eu à s'y colleter, n'est pas un dîner de gala. Plutôt, même dans nos démocraties avancées, une foire d'empoigne. Plus ou moins policée, mais jamais vraiment frappée du sceau de la parlure raisonnée et raisonnable. Trump en a donné une démonstration qui restera comme une sorte d'Idealtype : il a promis tout et son contraire, dit n'importe quoi, insulté tous ceux (avec une prédilection pour toutes celles) qui s'opposaient à lui. Et il continue.

Quand un jour le directeur de la CIA rassure les Palestiniens sur la permanence du soutien des USA à la "solution des deux Etats" (Israël et la Palestine) au conflit israélo-palestinien, le lendemain Trump, dont au moins deux conseillers financent des implantations coloniales israéliennes en Palestine, déclare qu'au fond, la "solution des deux Etats", il n'y croit pas plus que cela, et qu'il aimerait bien déplacer l'ambassade américaine à Jerusalem. Quand il se révèle que l'entourage de Trump a été en relations avec les services secrets russes pendant la campagne électorale, Trump s'en prend aux services de renseignement américains et les accuse d'avoir transmis à la presse des informations "illégales". Quand, une fois élu, il nomme comme son Conseiller à la sécurité nationale un homme (un "cinglé de droite" selon l'ancien Secrétaire d'Etat Colin Powell), Michael Flynn, qui avait promis à l'ambassadeur de Russie qu'en cas d'élection de Trump, les sanctions contre la Russie ne seraient pas appliquées, et qui avait ensuite nié avoir été en contact avec les autorités russes, Trump commence évidemment par dénoncer un complot contre lui pour ensuite devoir se résoudre à démissionner son conseiller lorsqu'il n'est plus possible ni de le couvrir, ni de se balancer le nuage de fumée "antimédiatique" habituel.

Mais n'accablons pas Donald : il n'est pas pire après son élection qu'avant, et il y a peut-être au fond de chacun de nous un petit quelque chose d'un Trump. Surtout certains petits matins glauques au sortir d'une nuit de beuverie. Seulement voilà : on n'est pas président de l'encore première puissance mondiale, commandant en chef de ses armées et détenteur du code nucléaire. Le Trump en nous ne nuit guère qu'à nous. Le Trump à la Maison Blanche a la nuisance globale, même si ses premières cibles et ses premières victimes sont américaines. Mais ses premiers opposants aussi. Car l'élection de Trump, parfaitement légale mais sans majorité populaire, aura au moins eu un effet positif, et assez spectaculaire : réveiller l'engagement "libéral" comme on dit là bas, "de gauche" comme on dit ici, "citoyen" comme on dit çà et là. Et conduire dans la rue des centaines de milliers de manifestants, presque tous les jours, contre l'annonce de la construction d'un mur avec le Mexique, contre les premiers renvois de migrants, face aux menaces de sanctions financières contre les villes qui refusent de coopérer avec la police fédérale en matière d'immigration, contre l'interdiction (bloquée par la justice) d'entrée sur le territoire imposée à des ressortissants de sept pays arabes (mais pas aux Saoudiens) ou musulmans, contre la nomination d'un copain du Ku Klux Klan au Conseil national de sécurité, contre la remise en cause du droit à l'avortement -et on en passe. Comme épouvantail, Trump touche à la perfection. On se demande seulement combien de temps il pourra avoir cet usage pour le vieux fonds anti-américain primaire qui ne demande, à gauche, qu'à être titillé.



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