Fonds de tiroir


ça coûte combien, un permis B, quand on veut déroger aux conditions de son obtention ? ça coûte 50'000 balles. Si vous les avez, ces 50'000 balles, vous pouvez l'avoir, ce permis, même si vous ne venez pas en Suisse pour bosser ou étudier. Et au bout de cinq ans, vous pouvez avoir un permis C. Et au bout de dix ans de permis C, la naturalisation suisse. Et tout le monde est content, même les chantres de la préférence nationale, du droit du sang et de la fermeture des frontières ? Ouais, même. C'est juste une question de pognon, confirme l'udéciste genevoise Céline Amaudruz. Et le pognon, on aime. Même s'il vient de l'étranger. C'est les gens qui viennent de l'étranger pour bosser, ou pour fuir la guerre ou la misère, qu'on n'aime pas. Résultat : en 2016, 516 étrangers friqués avaient pu acheter leur permis pour motif d'« intérêt public majeur » (le pognon, justement). C'est le Tessin qui a vendu le plus de ces permis à vendre (200), suivi de Genève (91) et de Zurich (41). Et ce sont les Russes qui en ont été les plus gros acheteurs (165), suivis des Turcs (36). Pendant ce temps, des candidat-e-s à la naturalisation se la voient refuser parce qu'ils ou elles sont trop pauvres, ou à l'AI, ou à l'aide sociale. « Pas d'argent, pas de Suisse», disait-on du temps des mercenaires. On ne le dit plus, mais on le pratique toujours. Concurremment à « de l'argent, un permis suisse ». C'est beau, cette constance dans le cynisme.

Ah chouette, des nouvelles des Fêtes de Genève (en attendant de pouvoir voter pour l'initiative populaire qui les réduit et les municipalise) : leur édition 2016 affiche un déficit dépassant de 60 % celui garanti (3,2 millions au lieu de 2). L'Etat a mandaté son service d'audit et l'organisateur du machin, la fondation Genève Tourisme, déclare n'avoir « pas de commentaire à faire». Vaut mieux, en effet. Mais il annonce aussi qu'il communiquera sur l'édition 2017 de ce qui s'appelle désormais le « Geneva Lake Festival». Ben nous on en a un, de commentaire à faire : préparez-vous à voter en faveur de l'initiative populaire pour des « Fêtes de Genève plus courtes et conviviales ». Ouais, des « Fêtes de Genève », pas un «Geneva Lake Festival»... On se la joue francophone grincheux, ouala.

Dimanche dernier, pour la deuxième fois, les citoyens et yennes des Grisons ont refusé un crédit de candidature de leur canton (et de Zurich, qui n'avait rien demandé) à l'organisation des Jeux zolympiques d'hiver,  de 2026 cette fois (leur dernier refus, en 2017, concernait les JO de 2022 : ils vont devoir remettre ça tous les quatre ans, comme les JO, les Grisons, pour que les promoteurs de la candidature du canton comprennent que le canton n'en veut pas ?). Du coup, il ne reste plus qu'une seule candidature suisse éventuellement en lice (encore faut-il qu'elle soit adoubée par Swiss Olympic), celle de Sion. Une répétition, là encore, puisque Sion avait déjà été candidate, et battue au final par Turin, dans les hurlements de douleurs montant de la place de la Planta. On les avait bien aimé, ces hurlements. On a mauvais fond.

Le canton de Vaud a accepté de justesse le projet  fédéral de réforme de l'impo-sition des entreprises. Il avait l'année dernière accepté massivement, à plus de 80 %, le projet cantonal sur le même sujet, ce qui avait fait saliver la droite genevoise, qui ne cessait depuis de bran-dir à la gauche l'exemple du bel accord entre le socialiste Maillard et le PLR Broulis. Sauf que de l'eau a coulé sous les ponts, et que si le canton de Vaud acceptait dimanche le projet fédéral, les districts de Lausanne, du Jura et Nord vaudois, de l'Ouest lausannois et de la Broye et Vully, le refusaient. Alors, apu « modèle vaudois » ? Apu...

Alors que Genève, comme la Suisse (mais à une plus faible majorité) refusait le projet fédéral de réforme de l'imposition des entreprises, et que c'était même la première fois depuis un bon quart de siècle que la gauche gagnait dans les urnes sur un objet fiscal, le ministre cantonal des Finances, Serge Dal Busco, trouvait qu'après tout, le refus genevois (à 52,3 %) n'était pas « déshonorant » si on le comparait au refus zurichois (à 57,5 %)  ou bâlois (à 62,5 %).  Et si on le compare à l'acceptation vaudoise, puisque Vaud était le modèle à suivre ? C'est beau, un ministre optimiste, mais il lui aurait fallu un refus à quel pourcentage, à Dal Busco, pour qu'il comprenne qu'il s'était gouré de combat et d'argumentaire ? à 95 % ? On n'est pas à Pyongyang, quand même...

Les résultats des votations et des élections, c'est comme une tarte aux pommes : faut pas se précipiter dessus, fait les laisser reposer un moment, pour les déguster ensuite. Dimanche dernier, donc, on a voté, Et pas trop mal voté (si on oublie le FORTA) : pour la naturalisation un peu facilitée des petits enfants des immigrants, et contre les astuces fiscales offertes aux grosses entreprises hypercapitalisées. Et comme toujours, c'est dans les détails des résultats que se cachent les diablotins.
Tenez, par exemple, la naturalisation facilitée : largement acceptée au plan fédéral (par plus de 60 % des votes), elle a été clairement (à 56,4 %) refusée en Appenzell de l'intérieur. Y'a des immigrants de la troisième génération à naturaliser, à l'intérieur d'Appenzell ? les indigènes ne les ont pas expédiés en Appenzell de l'extérieur (qui a accepté de faciliter leur naturalisation suisse) ? Et puis, à Genève, pourquoi est-ce à Cartigny, commune de droite,  que la naturalisation facilitée a été le plus massivement acceptée (à 82,5 % des suffrages) et aux Avanchets, arrondissement d'une commune de gauche (Vernier) qu'elle l'a été le plus timidement (quoiqu'à 64,8 % des suffrages, quand même) ?
Et puis, la RIE III, largement refusée aussi (à près de 60 % des votes) au plan fédéral, a été acceptée (à 54,3 %) à Zoug, paradis fiscal pour la domiciliation des sociétés. Les boîtes aux lettres votent, à Zoug ? En tous cas, à Genève, les propriétaires de manoirs et de villas pieds dans l'eau, ont fait voter massivement leurs douars en faveur de la réforme (refusée dans le canton, alors qu'on s'attendait à ce qu'elle y soit acceptée, vu le poids des « sociétés à statut«» dans l'économie locale) : plus de 75 % de "oui" à Vandoeuvres et presque 75 % à Cologny, par exemple.
Quant au FORTA, ce fonds pour le financement des routes largement accepté (à plus de 60 %, toujours) au plan suisse, il a carrément été plébiscité à presque 77 % à Neuchâtel. Mais c'est vrai que les voies de communication politique entre le haut et le bas du canton y sont un peu problématiques : le même jour où tout le monde ou presque votait pour le FORTA, le haut du canton imposait au bas, au Conseil d'Etat et au Grand Conseil le maintien de deux hôpitaux généralistes dans le canton, un dans le haut, un dans le bas. On sait jamais, au cas où la chtite rincette d'absinthe ou de gentiane avant d'emprunter les nouvelles routes nationales financées par le FORTA les ferait quitter prématurément, c'est bien d'avoir un hosto à proximité des platanes. Ah non, pardon, dans le haut, c'est des sapins. A Genève, la majorité des arrondissements de la Ville ont refusé le FORTA -mais comme l'abstention y est plus forte que dans les arrondissements bourges, au final, dans les urnes, y'avait plus de bulletins « oui » que de bulletins « non » et de justesse (50,6 %), la Ville a voté « oui » comme le canton. C'est malin. Non, en fait, c'est pas malin. C'est même assez con. Surtout que c'est habituel.

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