Les jours d'après le vote du 12 février : Règlements de comptes à RIE III Corral


On a des plaisirs coupables, mais d'autant plus jouissifs qu'ils sont rares : par exemple lire et entendre les déclarations des porte-paroles de la droite (toute la droite, du PDC à l'UDC en passant par le PLR) après une défaite électorale. Comme celle sur la réforme de l'imposition des entreprises, dans la version des Chambres fédérales (qui en avaient fait un arbre de noël en accrochant à la proposition initiale du Conseil fédéral toute une série de boules et de guirlandes clignotantes pour faire joli aux yeux des "sociétés à statut" (et en particulier des multinationales). On a donc savouré le "nous avons perdu car le projet était mauvais" du président de l'USAM, l'udéciste Jean-François Rime, qui avait défendu mordicus ce "mauvais" projet pendant des mois, et dégusté le report de la faute sur Eveline Widmer-Schlumpf qui, en attaquant le projet aurait "fait la différence" en venant "polluer le débat", comme l'en accuse le président de la Chambre vaudoise de commerce et d'industrie. Qui en revanche ne se demande pas comment il se fait que les déclarations de l'ancienne Conseillère fédérale pèsent plus que celles de son successeur, Ueli Maurer, et de tous les ténors de la droite... Jouissifs lendemains de votation, on vous dit

Oui, décidément, on a passé un bon dimanche, le 12 février

Pourquoi le peuple, ingrat, a-t-il refusé la RIE III ? Parce que le sujet était trop compliqué, que le débat a tout mélangé, que le peuple n'a rien compris et que même les églises ont combattu le projet, se lamente le président de la Chambre vaudoise de commerce et d'industrie. Et quand on lui demande si par hasard la campagne des partisans du projet sur le thème des pertes massives d'emplois provoquées par un refus, entraînant de surcroît (c'était le chantage d'Ueli Maurer) des mesures d'économies massives, n'aurait pas eu un effet contraire à celui recherché, le président de la CVCI reconnaît que "c'étaient de mauvais messages". Plus clair, le président de l'Union suisse des Arts et Métiers, le Conseiller national UDC Jean-François Rime, reconnaît que les partisans de la RIE III ont défendu un mauvais projet, l'ont défendu par de mauvais arguments qu'ils ont exprimé dans de mauvais messages : "quand on a un mauvais projet, c'est compliqué de faire une bonne campagne". Ben oui, c'est compliqué. Alors ils ont fait simple. Et mensonger. Ils ont prédit des catastrophes, annoncé la fin des haricots, fait dire à des adversaires du projet qu'ils en étaient partisans -bref "L'USAM et EconomieSuisse ont essayé de faire ce qu'ils ont pu" (c'est du Rime dans le texte).

Et maintenant ? Maintenant, les adversaires du projet, vainqueurs du vote, se retrouvent submergés d'appels (comme celui lancé notamment par la directrice romande d'EconomieSuisse, Cristina Gaggini) à "trouver un consensus pragmatique", et sont invités par le patronat et la droite politique à faire exactement le contraire de ce que ce même patronat et cette même droite ont fait en imposant, tout fiérots de la majorité politique dont ils disposaient au parlement, un projet dont ils ont attendu qu'il soit refusé par le peuple pour découvrir qu'il était foireux. Et voilà tout ce beau monde appelant à la confection d'un "plan B" dont tous avaient clamé qu'il était illusoire, impossible, inenvisageable... et dont tous clament désormais qu'il est indispensable.

Certes, un nouveau projet peut en effet être présenté rapidement affirme le Parti socialiste, avant la fin de l'année estime l'Union Syndicale Suisse. Mais quel nouveau projet ? Parce que s'il ressemble un peu trop à celui qui vient d'être refusé, son sort risque d'être le même. Les villes attendent également un nouveau projet, et souhaitent également qu'il ne tarde pas trop à être présenté, mais elles attendent surtout des compensations pour les pertes fiscales qu'une égalisation des taux d'imposition leur fera subir -le projet refusé ne prévoyait de compensations que pour les cantons. Or contrairement aux cantons et à la Confédération, les communes n'ont pas la possibilité de reporter des charges sur un échelon institutionnel inférieur -elles n'ont que celle de les reporter sur leurs habitants ou le tissu associatif. Leurs budgets est donc le seul qui finance des prestations publiques qui ne peuvent être reportées sur un autre budget public.

Compenser les pertes des villes s'impose donc. Mais il y a aussi un "taux plancher" à établir (et pas à un niveau dérisoire) pour tous les canton (à titre indicatif, on s'attend à ce que le taux d'imposition des entreprises aux USA et au Royaume-Uni s'établisse, d'ici quelques années, à respectivement 15 et 17 %, sans que nul ne considère ce niveau comme confiscatoire et provocateur d'une fuite d'entreprises). Il y a encore les astuces fiscales auxquelles il va falloir renoncer. Il y a une hausse de l'imposition des dividendes à admettre, et une imposition des gains en capital à introduire. Et il y a enfin, à Genève, à admettre que le projet de RIE cantonale a fait naufrage en même temps que le projet fédéral. "Il ne faut pas mélanger le niveau fédéral et cantonal", plaidait au soir de la défaite de son camp le président du PLR genevois. Qui se serait empressé de les mélanger s'il avait été dans le camp des vainqueurs. Et qui va devoir attendre, comme le Conseil d'Etat et comme la majorité parlementaire de droite qu'un nouveau projet fédéral voie le jour avant de pouvoir présenter quelque projet cantonal que ce soit.

Oui, décidément, on a passé un bon dimanche, le 12 février dernier. Et même, on en redemande, des dimanche comme celui-là...

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