Mobilisations pour le droit d'asile : "volem acollir"

160'000 personnes (selon la police) manifestant dans une grande ville européenne pour l'accueil des réfugiés, ça nous change : c'est ce qui s'est produit samedi dernier à Barcelone, à l'appel de la Maire de gauche de la capitale catalane, Ada Colau. Cette foule exigeait de l'Espagne qu'elle tienne "dès maintenant" son engagement de 2015, d'accueillir des milliers de réfugiés, déjà admis comme candidats à l'asile dans d'autres pays, et de ne pas sen tenir aux 1100 arrivés depuis que l'engagement d'en admettre 16'000 a été pris. En catalan dans le texte, cela se dit "volem acollir". Et cela n'a besoin d'aucune traduction en français, même fédéral. La présidente de la députation provinciale de Barcelone, Mercè Conesa, a, avec des maires de villes catalanes, demandé à la Commission européenne de sanctionner les Etats membres ne respectant pas leurs engagements d'accueil de réfugiés. Est-ce que le printemps s'annoncerait aussi politiquement, éthiquement ? Décidément, elle mérite nos hommages, la Catalogne (https://www.youtube.com/watch?v=aX4eZ1fpYwA&app=desktop). Mais il n'y a pas qu'elle qui bourgeonne de solidarités : dans les Etats désunis de Donald aussi, on résiste aux frimas...

"Les frontières ne doivent plus tuer"


160'000 manifestantes et manifestants exigeant comme samedi dernier à Barcelone l'accueil de 16'000 réfugiés, ça ne s'improvise pas : c'est l'aboutissement d'un mouvement parti d'en bas, de la "société civile", pour proclamer la Catalogne "terre d'accueil" -ce qui est aussi une manière de répondre à la dénonciation "espagnoliste" de l'indépendantisme catalan comme une revendication de fermeture : cet indépendantisme là puise dans une autre tradition que celle de la rétraction ethnique : celle d'une Catalogne libertaire qui méritait l'hommage de George Orwell, et continue d'en mériter bien d'autres 80 ans plus tard.

Et puis, ailleurs aussi, quelque chose de printanier bourgeonne : Aux Etats-Unis, plus de 200 Maires et conseils municipaux démocrates ont proclamé leurs villes "villes sanctuaires", et décidé de protéger "leurs" immigrants illégaux des expulsions décidées par le gouvernement fédéral : elles ne préviendront pas les services de l'immigration lorsqu'un clandestin est arrêté pour un délit mineur, et pourront même interdire expressément à leurs policiers de demander à toute personne interpellée quel est son statut migratoire (le chef de la police de Los Angeles a assuré que ses agentes n'aideraient pas le gouvernement fédéral à renvoyer les clandestins qui n'auraient pas commis d'autre délit que d'être clandestins). "Vous êtes en sécurité à Chicago", a lancé son Maire aux immigrants de sa ville.  Et après que Trump ait menacé de couper les subventions fédérales aux villes qui refuseraient de le suivre dans sa politique d'expulsions massives de "sans-papiers", le maire de San Francisco a répondu que cela ne changerait rien au choix de sa ville d'être une "ville refuge".

Et en Suisse ? Deux pétitions signées par 10'000 personnes ont été remises le 20 juin dernier à une représentante de la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga : elles demandent à la Suisse d'accueillir rapidement 50'000 réfugiés. "Les frontières ne doivent plus tuer", a proclamé la présidente du syndicat Unia, alors que, du même syndicat, Alessandro Pelizzari, à l'origine des pétitions, rappelait que la fermeture des frontières européennes avait pour conséquence des milliers de morts en mer et des dizaines de milliers de morts-vivants entassés sur terre dans des conditions inacceptables. "Nous ne serions pas ce que nous sommes devenus sans les gens venus de l'extérieur", a enfin résumé le rappeur Greis. Voila. Le rappeler c'est être à contre-courant ? c'est la preuve qu'on est vivants : le sens du courant, c'est bon pour les poissons morts. Ou pour ceux qui se contentent de génufléchir devant le bailli fédéral : Début juin, répondant à une question de l'udéciste bernois Manfred Bühler, la Conseillère fédérale avait rappelé que les cantons étaient tenus d'exécuter les décisions de renvoi, n'avaient "aucune marge d'appréciation", et que s'ils s'avisaient de suspendre des renvois, ils violeraient la loi fédérale, voire même la Constitution. Et pourraient être sanctionnés. Vivement que le printemps catalan pousse un zéphir en Suisse et y incite aussi à parler une autre langue que le Trump.
Ah, juste une chose, encore : 51 % des réfugiées et réfugiés du monde entier ont moins de 19 ans, et il n'y a, constate Amnesty International, jamais eu autant d'enfants contraints de fuir leur pays. Ceux-là au moins, on pourrait les accueillir. Et s'abstenir de renvoyer leurs parents vers les silos de stockage de réfugiés des pays du nord de la Méditerranée.

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