RIE III : Vers un retour du paquet piégé à l'expéditeur ?



Encore un effort !

Nous partîmes un tiers et nous voilà la moitié (si l'on en croit les sondages, qui n'annoncent jamais ce qui va être voté, mais seulement ce qu'auraient voté les sondés le jour où on les a interrogés si le vote avait lieu ce jour là) : un sondage SSR donne le "oui" à 45 % et le "non" à 44 %, un sondage Tamedia donne le "non" à 47 % et le "oui" à 45 %. Suspense... Un tiers des électeurs PDC interrogés auraient voté "non" le jour du sondage, comme plus de 40 % des électeurs UDC et Verts libéraux, et la majorité des électeurs du PBD, alors que ces trois partis appellent à voter "oui". A force de confusion, de polémiques, de manipulations, d'obscurités et de prédictions délirantes, le camp du "oui" s'est effrité. Même l'ancienne ministre (de droite) des Finances fédérales, Eveline Widmer-Schlumpf, qui avait lancé la troisième réforme de l'imposition des entreprises, en désavoue le résultat : elle le trouve "déséquilibré", alourdi par des mesures d'accompagnement contestables, comme la déduction possible d'intérêts fictifs, et éloigné de l'objectif initial et fondamental d'abolir les avantages fiscaux offerts aux sociétés à dimension internationale. Encore un effort, citoyennes et citoyens, pour renvoyer à l'expéditeur ce paquet trop bien ficelé pour ne pas cacher quelque chose qui vous explosera à la figure...


"C'est la nuit où toutes les vaches idéologiques sont noires" (Guy Debord)

"Nous aurions dû faire preuve de plus d'honnêteté et dire dès le début que la RIE III allait coûter cher à la collectivité et qu'il faudrait se serrer la ceinture", confesse le PDC valaisan Yannick Buttet, qui regrette que la campagne du "oui" soit surtout portée par les représentants de l'aile ultra-libérale de la droite, genre Magdalena Martullo, la fille de Christoph Blocher, héritière de l'entreprise et des millions de papa... Aveu et regret un peu tardifs : les partisans de la réforme n'ont pas ménagé leurs machines à produire du brouillard, et de la confusion pendant toute la campagne. Ils annoncent une perte de 1,3 milliard pour la Confédération et de 1,4 milliard pour les cantons ? ils oublient de préciser que ces estimations, déjà hasardeuses du départ, sont produites à partir d'un taux d'imposition de 16 %, alors qu'on sait déjà qu'il sera inférieur dans tous les cantons. Le Conseil fédéral s'y met aussi : il  nous prédit que cette réforme, dans la version (alourdie pour les caisses publiques) votée par le parlement fédéral, coûtera 1,1 milliard de francs à la Confédération, mais oublie de nous annoncer combien elle coûtera aux cantons et aux communes, et d'entre les communes, aux villes. Il est vrai que les villes n'ont pas la cote, à la droite des hautes sphères fédérales. D'abord parce que ce sont des villes et qu'on se plaît dans ce pays à se prendre toujours pour un peuple de bergers de montagne, même si 80 % de la population vit dans les villes et les banlieues. Ensuite, parce que les plus grandes villes du pays ont le mauvais goût de voter et d'élire le plus souvent à gauche.

Que fait la Confédération quand ses ressources financières ne suffisent pas à couvrir ses charges ? Elle transfère des charges sur les cantons. Que font les cantons quand leurs ressources financières ne suffisent pas à couvrir leurs charges ? ils transfèrent des charges sur les communes (tout en se livrant avec les cantons voisins à une concurrence fiscale qui les conduit tous à réduire encore leurs ressources). Et que font les communes quand leurs ressources financières ne suffisent plus à couvrir leurs charges parce que les cantons sur qui la Confédération a transféré des charges ont eux-mêmes transféré des charges sur les communes ? les communes n'ayant aucune collectivité locale à qui transférer leurs charges, elles les transfèrent sur leurs habitants, et sur leur tissu associatif. On appelle ça des restrictions budgétaires et des hausses de taxes ou d'impôts. Prenez l'école, par exemple (mais on peut tout aussi prendre comme exemples la politique sociale, ou la sécurité, ou la politique culturelle, ou le sport, ou la solidarité internationale -euh... non, pas la solidarité internationale, ça ne mobilise que nous) : à la fin de l'année, les cantons auront coupé un milliard de francs dans leurs budgets scolaires. A Genève, le canton veut refiler aux communes la charge des bâtiments des Cycles d'orientation (les communes ont déjà celle des écoles primaires). Le canton de Lucerne, lui, a supprimé une semaine de cours pour la transformer en une semaine de vacances. Pas pour que les élèves ou les enseignants se reposent : pour faire des économies.

La commune, c'est le premier échelon institutionnel quand on part d'en-bas, et aussi paradoxal que cela semble dans une démocratie, l'en-bas, c'est le peuple. Le fameux peuple souverain. Sur qui tout l'édifice institutionnel d'une démocratie est supposé être construit et reposer. Et en effet, il  s'y repose. Et dans le cas de la RIE III (tant fédérale que cantonale d'ailleurs), il va s'y reposer. Lourdement, même : le projet fédéral ne prévoit aucune compensation de leurs pertes pour les communes, et d'entre elles les villes. Dont les habitants paieront le prix fort d'une réforme dont même les partisans ne savent pas combien de milliards elle coûtera... "C'est la nuit où toutes les vaches idéologiques sont noires" (Guy Debord)... à moins qu'on soit assez nombreux le mois prochain pour renvoyer le colis piégé à son expéditeur : les Chambres fédérales. Pour qu'elles le désamorcent elles-mêmes et se remettent au boulot (elles ont encore deux ans pour le faire, le refus de la RIE III le 12 février n'ayant d'autre conséquence que le maintien du statu quo) pour produire une réforme acceptable par la population, et pas seulement par les gouvernements cantonaux : aussi par les villes...
Les quoi ? Ah oui, pardon, on avait oublié : dans ce pays, "ville" est un mot grossier.

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