Election présidentielle française : Et à la fin, ils sont (presque) tous morts


Vous voulez comprendre le souk de l'élection présidentielle française ? Relisez Alexandre Dumas et sa trilogie des trois mousquetaires :  tout y est, même si le "un pour tous, tous pour un" est devenu "chacun pour moi". Mais on voit bien Méluche en d'Artagnan, Fillon en Athos, Macron en Aramis (mais qui pour Porthos, et quel rôle pour Hamon ? on sèche)... et Le Pen en Milady. Et Hollande en Richelieu. On rappellera tout de même qu'à la fin, dans le "Vicomte de Bragelonne", ils sont tous morts, sauf Aramis (le seul personnage totalement imaginaire, soit dit en passant) qui finit en Général des Jésuites... Même que d'Artagnan, il se fait tuer à Maastricht...

Se prendre pour De Gaulle et n'être que Boulanger...


Finalement, elle est passionnante cette campagne présidentielle française. Elle tient à la fois du feuilleton de cape et d'épée et de l'état des lieux politiques, d'Alexandre Dumas et de Cornelius Castoriadis. Du feuilleton, on a les duels et les coups bas, les trahisons et les assassinats dans les coupe-gorges, les amours contrariées et les 5 à 7 crapuleux. Pas un épisode sans rebondissement, pas un rebondissement sans un rebondissement dans l'autre sens.
Et puis, il y a l'état des lieux politiques : chaque candidat-e incarne une partie de ce qui constitue le paysage politique français depuis deux siècles (voir cinq, si on veut remonter aux guerres de religion et à la Sainte Ligue), et il n'y manquent que les anars. A part eux, tout le monde est là : les trois droites, la légitimiste, l'orléaniste, la bonapartiste; les trois gauches, l'autoritaire, la démocratique, la libertaire. On a du socialiste, du gauchiste et du social-libéral. On a du démocrate, du populiste et du despotique. On a du laïque et du catholique. On a des nouveaux et des anciens. On a du Trump, du Sanders et de l'Obama. On a du Thatcher, du Blair et du Corbyn. On a du Déroulède et du Jaurès. On a du Guise, du Valois et du Navarre. Et on a même un peu de tout cela dans chaque candidat, pris pour lui-même ou pour elle-même. Macron, par exemple, qui se présente comme un homme nouveau mais qui a été ministre, comme un réformateur radical mais qui ne propose aucune rupture brutale, qui met du libéralisme dans son vin social mais compte sur l'Etat pour tirer ce vin libéral, et propose des dizaines de milliards d'investissements publics.

De mémoire (la nôtre), c'était hier une première, en France : une manifestation de droite contre la droite. Avec l'aide des cathos intégristes de "Sens Commun", Fillon s'est paré de la vêture un peu grande pour lui de De Gaulle appelant dans son discours de Strasbourg du 7 avril 1947 au "Rassemblement du peuple français" avant de créer un parti qui portera ce nom. Et voilà le candidat de la droite (mais plus du centre) qui mobilise sa base contre les parjures de son camp, et en appelle au peuple contre la justice, les media, les autres candidats et la moitié de son propre parti politique. "Il y a une République des institutions et ce n'est pas la rue qui dirige" : qui disait cela il y a quatre ans, dans "Le Monde", à propos de la manif contre le "mariage pour tous" (co-organisée par les organisateur de la manif filloniste d'hier) ? François Fillon lui-même... O tempora, o mores...

On se prend pour De Gaulle, on n'est que Boulanger ou Déroulède : il y a quatre ans, Fillon ferraillait contre Copé qui appelait à- manifester contre le "mariage pour tous". Pendant la "primaire", Fillon se présentait comme un homme d'Etat capable de défendre les institutions de la République. Et Hier, Fillon a mobilisé sa base dans la rue. Contre la gauche ? Non, contre le reste de la droite, contre le centre, contre celles et ceux qui le lâchent, contre la justice et contre les media. Et surtout pour lui-même. Périsse mon camp, mais je reste, dans mon bunker, avec mes intégristes homophobes ! Après moi, le déluge. Ou Le Pen. "La France est plus grande que moi", déclarait encore Fillon il y a quelques jours. Apparemment, il est désormais persuadé être plus grand que la France.

Autiste, Fillon ? Non : seulement égocentrique. N'insultons pas les autistes.

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