Présidentielle française : De la politique, enfin !


Après des mois de pré-campagne et de campagne, des "primaires" de gauche et de droite à hier, les choses sérieuses commencent : elles ont quinze jours pour accoucher d'un premier choix. Et comme on vous le jaspinait il y a quelques jours, elle est finalement passionnante, cette élection présidentielle française, par sa dramaturgie, par ses incertitudes, par ses enjeux et par les programmes, les projets, les cultures (et les incultures) politiques qui s'y affrontent, et enfin par le retour de quelques "fondamentaux", à commencer par le vieux clivage gauche-droite, dont de sagaces analystes proclamaient un peu vite l'obsolescence -à vrai dire, de campagne présidentielle française, on n'a pas souvenir d'en avoir connu -et, comme témoin, vécu- d'aussi passionnante depuis... bah... 36 ans...

Ce que les Français aiment dans la politique, ce que la politique aime dans la France


Qu'élira-t-on en France le mois prochain ? Un Chef d'Etat. Mais qu'est-ce qu'un Chef d'Etat ? Cela peut être bien des choses, en somme : un Guide suprême ? -On peut espérer (l'espoir n'étant pas une certitude) que le temps est passé des Duce, des Caudillos, des Führer, des Petits Pères des Peuples et autres Grands Timoniers, et que des peuples à l'histoire aussi longue que le français en ont appris au moins ceci, que confier son destin à un homme (ou une femme), c'est renoncer à en être le maître. Un administrateur, un gestionnaire ?
"Un Etat qui, pour assurer son salut, s'en remettrait à la bonne foi de quelque individu que ce soit et dont les affaires ne pourraient être convenablement gérées que par des administrateurs de bonne foi, reposerait sur une base bien précaire !" jugeait déjà Spinoza. Alors, un raconteur d'histoires -et d'histoires qu'on connaît déjà, dont, comme un enfant avant de s'endormir, on ne tolère pas que le raconteur s'écarte et modifie quoi que ce soit ? Un chef comme ceux des Indiens du Paraguay qu'étudia Pierre Clastres, un chef dont la fonction n'est que de dire ce qu'on a envie d'entendre, et surtout pas de prendre des décisions ? Cela non plus, sans doute. Un prédateur, alors, un kleptocrate ? Fillon aurait ses chances...

Jean-Luc Mélenchon se retrouve selon certains sondages (dont on rappellera cependant qu'ils ne mesurent jamais que les intentions de vote des "sondés" le jour où ils sont sondés, et ne prédisent donc rien...), à la troisième place des "présidentiables", en reléguant Fillon à la quatrième et, loin derrière, Hamon à la cinquième. A gauche, le retrait de l'un ou l'autre des deux candidats disposant d'une réelle assise politique n'est plus à l'ordre du jour et ce que ni l'un, ni l'autre n'ont été capable de faire, leurs électeurs l'ont fait à leur place : une part considérable de ceux de Hamon ont migré vers Macron d'un côté, Mélenchon de l'autre, pour qui un nouveau "vote utile" se dessine ainsi, avec un contenu politique bien plus fort que celui d'un vote de résignation pour "n'importe qui contre Le Pen" (ou contre Fillon), c'est-à-dire un vote pour Macron. On peut douter que Méluche soit élu à la présidence de la République française, et le Chon n'est pas sans défaut (il a de coupables faiblesses à l'égard de Poutine ou d'Assad, et de contestables nostalgies du caudillisme révolutionnaire latino-américain à la Castro ou Chavez) mais peu importe : le mouvement qui se porte vers lui, et qui reste à confirmer, remet de la politique dans l'élection, et du souffle dans la politique. Et ce souffle peut ne pas retomber après l'élection. Et puis, il est bon, Mélenchon, meilleur que les autres, bon orateur et bon débatteur, avec de l'humour, de la culture et de l'empathie. Et pas de clientèle. Et pas derrière lui, autour de lui, une cohorte de ministres, d'anciens ministres, de ministrables. Quelques apparatchiks des restes du PC, sans doute, mais totalement dépassés par le mouvement suscité par la "France insoumise" et qu'ils font mine de soutenir en priant pour qu'ils s'essouffle.

Et c'est ainsi qu'une campagne électorale mal partie prend, dans la dernière ligne droite, un sens. Qu'elle réveille ce que les Français aiment dans la politique et ce que la politique aime dans la France, ce vieux pays conservateur qui aime les foucades révolutionnaires, ce vieux peuple ronchonneur qui se passionne pour les débats quand on y dit quelque chose, et qu'on le dit avec éloquence, et qu'on croit à ce qu'on dit. Rien que pour cela : Vive la France !

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