Répartition des tâches entre le canton et les communes : Les cadeaux piégés du désenchevêtrement


A Genève, 2017 sera l'année du véritable test politique du partage des tâches entre, le canton et les communes  tel qu'encadré par des projets de loi dans tous les domaines où l'un et les autres conduisent des politiques publiques -et en réalité, il et elles en conduisent précisément dans tous les domaines de l'action publique, même si on n'a jusqu'à présent trouvé aucun cas réel de "doublon", de tâches identiques menées identiquement auprès de publics identiques, alors même que la droite cantonale et ses succédanés communaux, en particulier en Ville de Genève, ne cessait d'en dénoncer la prolifération. De "doublons", donc, point, mais d'actions et de compétences à coordonner, tout plein. Or les champs politiques les plus délicats à réglementer pour y répartir rationnellement charges et compétences, c'est cette année qu'ils sont au menu. Le 1er janvier, les transferts ont été opérés dans des domaines où un accord s'est fait (par exemple l'aide sociale, le parascolaire, le soutien à la culture). Mais dans le courant de l'année, ce sont des enjeux plus conflictuels qu'il va falloir aborder : les grandes institutions culturelles (sauf les musées), le réseau des routes, les bâtiments scolaires : c'est ainsi que le Conseil d'Etat projette de transférer aux communes (qui ont déjà celle des bâtiments scolaires primaires) la charge de la construction, de la propriété et de l'entretien des 19 Cycles d'Orientation (dont 16 ont plus de 40 ans, ont été mal entretenus et nécessiteront de coûteuses rénovations) -mais le canton continuerait à décider où ils seront construits, et à leur répartir les élèves. Et on s'étonne au Conseil d'Etat que l'Association des communes genevoises ne prenne pas ce transfert de charges pour un cadeau, sinon un cadeau piégé ?

"Un projet au petit pied, purement court-thermiste"

Fin janvier, "La Culture lutte" a exprimé à la Conseillère d'Etat Anne Emery Torracinta, au Conseiller administratif Sami Kanaan, aux députés, aux Conseillers municipaux (et à d'autres intervenants dans le financement de la culture) sa "stupéfaction" et ses "sérieuses interrogations quand au dispositif de désenchevêtrement dans le domaine artistique et culturel", dispositif "discuté et mis en place sans aucune concertation avec les milieux concernés", pas même avec le Conseil consultatif de la culture, chargé par la loi de conseiller les collectivités publiques sur "les orientations et les priorités de leurs politiques culturelles et de la politique culturelle coordonnée sur l'ensemble du territoire cantonal". Pour "La Culture lutte", le dispositif mis en place pour se répartir les tâches et les charges dans la politique culturelle ne relève pas d'un projet politique mais d'un "marchandage" qui "consacre la seule politique budgétaire au détriment de la politique culturelle", et qui s'est effectué entre les seuls canton et Ville, en ignorant les autres collectivités, en particulier les 44 autres communes du canton. Il est vrai qu'on a pas là affaire à un programme de politique culturelle, mais à un marchandage sans critères clairs : on ne se répartit les tâches ni en fonction des lieux culturels (la "Nouvelle Comédie" devrait alors être cantonale -or elle sera municipale), ni en fonction du domaine culturel (le cinéma au canton, le théâtre à la Ville : quelqu'un y voit un sens ?), ni en fonction de qui les assume réellement, ni en fonction de l'audience locale, cantonale, régionale ou plus de telle ou elle institution (qu'est-ce que le Musée d'Art et d'Histoire a de "municipal" selon de tels critères), ni en fonction de leur coût. On se les répartit en fonction des envies et des possibilités de le faire en ne fâchant pas le partenaire. Et finalement, on ne "désenchevêtre" pas grand chose -même si on le faisait, la démarche serait d'ailleurs contestable dans le domaine de la culture, qui produit naturellement de l'"enchevêtrement"...

Dans le champ culturel, et de son financement, le concept même de "doublon" appliqué à une pluralité de sources de financement est à la fois absurde et nocif. Absurde, puisque des acteurs culturels (des compagnies de théâtre, par exemple) au bénéfice de conventions tripartites bénéficient par définition de financements conjoints sans qu'on les considère comme des "doublons". Et nocif, puisqu'en réduisant les sources de financement des acteurs culturels, voire d'un domaine culturel entier (le livre et l'édition au canton, la danse à la Ville, par exemple), à une seule, on accroît leur dépendance à l'égard de qui les finance. La multiplicité des sources de financement des lieux culturels, la possibilité de ne pas "dépendre d'un seul prince", ne rend pas la situation des subventionnés confortable, mais est une garantie de liberté : rien n'est plus menaçant pour l'autonomie du champ culturel que la possibilité d'une décision unilatérale d'un subventionneur unique. Et puis, plus concrètement, que le canton se retire de l'aide à la création et la Ville de Cinéforum, en quoi est-ce que cela améliore ou renforce l'engagement public à la création ou au cinéma ? Que la Ville se retire de la politique du livre, en quoi est-ce que cela renforce et améliore cette politique ? Et en fonction de quel critère objectif, crédible, les Cinémas du Grütli, Fonction:Cinéma, le Festival du film et forum des droits humains et le Festival Tous Ecrans, institutions et manifestations dites "intermédiaires", subventionnés conjointement par le canton et la Ville, ont-ils été attribués à la Ville comme seule source de financement public  ? Verdict de "La Culture lutte" : tel qu'il est abordé par les exécutifs cantonal et municipal (celui de la Ville, et de la Ville seule), "le désenchevêtrement est un projet au petit pied, purement court-thermiste, qui va conduire, touche par touche, à la destruction des projets culturels qui font aujourd'hui la richesse et la vitalité de Genève de par leur nature même".
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