1er mai : Fête du Travail ? Non : Fête des luttes des travailleurs et travailleuses

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On ne commémore pas, on se mobilise


Dissipons d'emblée un brouillard : le 1er Mai n'est pas plus la Fête du Travail que le 8 mars n'est celle des Femmes. Le 1er Mai est la Fête des travailleurs et des travailleuses, la journée de soutien à leurs luttes. Même que dans le calendrier pataphysique, le 1er mai est le jour de la Réprobation du travail...) La "Fête du Travail", c'est ce que les fascistes ont voulu faire de la Fête des travailleurs (en France, c'est le régime de Vichy qui se charge de cette dénaturation), histoire de bien enfoncer dans les têtes laborieuses qu'elles ne sont pas là pour revendiquer, mais pour bosser, en obéissant aux chefs.
A part ça, on est le premier mai partout, même en France, mais les syndicats français sont infoutus de manifester ensemble quand on ne sait pas qui présidera la France dans un mois : l'héritière de son père, de Vichy et de l'OAS ou l'ancien banquier "social-libéral" ? Parce que, au cas où vous n'auriez pas encore compris, quels que soient vos états d'âmes printaniers, ce sera, forcément, l'un-e ou l'autre...



Une "paix du travail" issue de la lutte des classes...


Le 1er mai, on ne célèbre pas (on laisse cet exercice au célébrants du 1er juin, du 1er août et du 31 décembre), on mobilise -on SE mobilise. Et on SE mobilise depuis longtemps. Le 1er mai 1886, sous l'impulsion des anarchistes, les syndicats américains proclament une grève générale pour imposer au patronat une limitation de la journée de travail à huit heures. À Chicago, la grève se prolonge et le 3 mai 1886, la répression d'une manifestation fait trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester. Le lendemain a lieu une marche de protestation. Une bombe explose, suivie d'affrontements avec la police. Huit policiers sont tués. On arrête presque tout de suite huit anarchistes, qui n'avaient rien à voir avec l'attentat (mais peu importe, c'étaient des anarchistes), le 11 novembre 1887 on en condamne trois à la perpétuité et cinq à mort, un se suicide, les quatre autres sont pendus. Puis innocentés et réhabilités quelques années plus tard. La grève de Chicago, et l'exécution des quatre innocents, vont faire du 1er mai le symbole du combat ouvrier : En 1889, sur proposition des socialistes français Jules Guesde et Raymond Lavigne, le congrès de la IIe Internationale proclame ce jour journée internationale de lutte, pour la réduction de la journée de travail à huit heures (soit 48 heures hebdomadaires, le dimanche seul étant chômé). Le 1er mai 1891, à Fourmies, dans le Nord, en France, la manifestation tourne au drame : la police tire sur les ouvriers et fait neuf morts. Ce crime enracine le 1er mai dans la liturgie ouvrière et quelques mois plus tard, à Bruxelles, l'Internationale socialiste renouvelle le caractère revendicatif et international du 1er mai, comme journée de lutte. En Suisse, cette journée est Fête des Travailleurs depuis 1890 -la Suisse est l'un des rares pays d'Europe où ce jour a été célébré comme tel, sans interruption, depuis 127 ans. Mais il est aussi l'un des rares où ce jour n'est pas officiellement et nationalement férié (ce qui vaut d'ailleurs mieux si on veut en faire une journée de lutte et pas une commémoration officielle).
L'est-il encore, le 1er Mai, journée de lutte ? N'est-il pas dévalué comme par le temps qui passe et les conquêtes sociales, alors même que, comme le rappelle la présidente d'Unia, aucune avancée sociale n'a pu être réalisée sans mouvement collectif, et mouvement de lutte (comme la grève générale de 1918 en Suisse) ? Le "partenariat social" lui-même, si engluant qu'il peut être parfois, et les conventions collectives, si insuffisantes que nous puissions souvent les considérer, sont le résultat d'une lutte -celle pour la reconnaissance des syndicats comme, précisément, des partenaires : c'est tout de même un paradoxe intéressant, que celui d'une "paix du travail" issue de la lutte des classes...
Il ne tient qu'à nous de faire ou refaire ce que cette journée fut, et qui fut si menaçant que, dès qu'ils le pouvaient, ceux contre qui on se mobilisait le 1er mai le détournèrent, le fardèrent, le travestirent : Une journée internationale de lutte, il est vrai, sonnera toujours mal aux oreilles de ceux qui prêchent le "consensus". Ou, plus franchement, la soumission : le 24 avril 1941, le maréchal Pétain instaure officiellement  le 1er mai comme « la fête du Travail et de la Concorde sociale ».

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