Fonds de tiroir


On a glosé sur le ralliement pitoyable de Ducon-Aignant à Le Pen en échange de la promesse de le nommer Premier ministre si elle était élue. On va pouvoir gloser sur le ralliement tout aussi pitoyable des Verts libéraux vaudois à une alliance avec l'UDC en échange de l'espoir de l'élection d'Isabelle Chevalley au Conseil d'Etat à la place d'une Verte ou d'une socialiste. Marx écrivait que «L'histoire se répète, tout d'abord comme une tragédie, après comme une farce ». Quand en Suisse on essaie de répéter les âneries française, on passe tout de suite à la farce. ça fait gagner du temps.

Dans sa brochure de présentation du projet de réforme des retraites (PV 2020 pour les intimes), soumis au vote de tous ses membres, le PSS fournissait des chiffres mesurant les conséquences du projet sur les futures retraitées. Mais pas sur les futurs retraités. Faut dire que ces conséquences sont plus favorables aux femmes qu'aux hommes, et qu'il fallait donc les mettre en avant pour con-vaincre la base de soutenir le projet malgré le report d'un an de l'âge de la etraite des meufs. Donc, une salariée de 24 ans qui gagne 70'000 francs brut par an (en gros, le salaire moyen suisse) toucherait une retraite augmen-tée de 1225 francs. Dans 41 ans. Alors qu'un salarié au même niveau ne verrait ses rentes augmentées que de 671 francs. Et une salariée de 44 ans, toujours à 70'000 francs, aurait une rente augmentée de 573 francs alors que son homologue masculin ne verraiot la sienne aumentée que de 18 balles. Se tapera un peu moins de bière, Papy, pas de quoi en faire un plat... Et puis, le chemin vers l'égalité est long et plein de détours, de virages, tout ça...

La manif du 1er Mai, à Genève, s'est faite sous un mot d'ordre unitaire de refus de la réforme des retraites. Les syndicats genevois et toute la gauche, y compris le PS, ont défilé en appelant à combattre le projet PV2020. Que soutiennent toutes les faîtières syndicales et le Parti socialiste suisse. Faut pas s'étonner qu'on ait pris la flotte et que le cortège ait abouti sur la Plaine de Plainpalais à côté du chapiteau d'un cirque...

Les opposants à l'installation d'un mémorial du génocide arménien dans le parc Trembley, cornaqués par les négationnistes du génocide et leur avocat, Yves Nidegger, font recours auprès de la Cour de Justice contre la décision du Tribunal administratif genevois qui leur a dénié le droit de s'opposer aux travaux, et envisagent, au cas où leur recours contre le recours était lui aussi classé, de faire recours au Tribunal fédéral. Un recours contre le recours contre le recours. Peut-être qu'un tribunal turc pourra ensuite être saisi. De toute façon, il ne s'agit que de faire trainer les choses : le mémorial du génocide arménien sera bien installé : neuf réverbères, avec une ampoule en forme de larme. Il s'agissait au départ d'une larme versée sur les massacrés de 1915. Une larme pour les victimes. Il va falloir en prévoir une deuxième, de larme : celle que peut susciter, éventuellement, l'obstination de la connerie -qu'elle soit celle des négationnistes du génocide, ou celle des riverains manipulés par eux.

On votera le 21 mai partout en Suisse. Sur un objet fédéral (la transition énergétique). Et à Genève, en plus, sur deux objets cantonaux. Et à Onex, pour le dessert, sur un objet municipal : un crédit de 760'000 francs pour transformer une pataugeoire qui ne répond plus aux normes de sécurité, en bassin de jeux aqualudiques. Le crédit a fait l'objet d'un référendum, lancé par le MCG, l'UDC et une partie du PLR, qui trouvent que dépenser 760'000 balles pour éviter la noyade d'un gniard, c'est trop cher, et qu'il suffirait de poser des barrières. Ils en ont, des combats fondamentaux, les UDC, MCG et PLR onésiens. Bon, y'a les orphelins de Stauffer, qui désespèrent du silence qui les entoure depuis que Gominator s'est fait lourder du Conseil administratif, mais les autres, ils n'ont pas des sujets plus importants sur lesquels faire appel au peuple ? Ben non. Finalement, qu'une pataugeoire les inspire, c'est assez logique : ça tient de la défense de leur zone de reproduction...

Si on veut changer un système, faudrait faire l'effort de savoir à quoi il ressemble plutôt que de croire qu'il n'a pas changé depuis Balzac : la France est un acteur déterminant de la mondialisation : elle se classe au neuvième rang (la Suisse au cinquième) d'un indice composite (basé à partir d'indices économique, social et politique) de mondialisation établi par l'institut d'études conjoncturelles du Poly de Zurich. Le commerce extérieur constitue 30 % du PIB français (60 % du suisse), les multinationales françaises (Total, LVMH, Airbus, BNP Paribas etc...) sont évidemment présentes partout, des dizaines de multinationales étrangères sont installées en France, où 12 % des emplois dépendent des investissements étrangers, 361'000 PME sont exportatrices, dont 3715 ont des filiales à l'étranger. Ben ouais, faut s'y faire, la mondialisation capitaliste, c'est pas un complot étranger, l'économie française n'en est pas la victime expiatoire, elle est complice de ses méfaits.

Pour nous remettre du résultat, quel qu'il soit, de la pré-sidentielle française, et surtout se garder de rien présager de la suite s'agissant de la capacité de l'élu à tenir son programme, on pourra soit se la jouer cynique, façon Pasqua-Chirac (« les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent »), soit se souvenir de quelques engagements solennels de candidats plus ou moins illustres, lors d'élections passées (on restera en France pour ne vexer personne de notre entourage politique) : c'est Gambetta promettant en 1869 la suppression de l'armée permanente, ou Rue-Destrem, en 1848, se donnant pour ambition d'« exterminer Lucifer et proclamer la divine justice ». Alors hein, à côté de ça, les promesses de Macron, franche-ment, y'a pas de quoi fouetter un chat lepéniste. Surtout qu'un chat lepéniste, ça n'existe pas : les chats sont au moins ultralibéraux, sinon carrément anars.  Bon, disons  un chien lepéniste, alors...

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