Le coup de pied de Macron dans la fourmilière politique française : roboratif !


L'élection de Macron, même acquise contre Le Pen et grâce à Le Pen, a tout de même un puissant effet roboratif : celui d'un grand coup de pied dans la fourmilière. ça écrase des fourmis, mais ça oblige celles qui restent à reconstruire leur monde, si elles ne veut pas crever. Et il y a du boulot. Parce que la défaite de toutes les forces politiques que Macron décrédibilise, fragmente, émiette et ringardise -c'est à dire à peu près toutes les forces politiques présentes dans les institutions, elles en sont tout de même les premières responsables. Or il ne semble pas évident qu'elles en aient pris conscience : pour nous en tenir à la gauche, c'est, le soir de l'élection de Macron, un Mélenchon lugubre en appelant à la contagion du bonheur en donnant l'impression de vouloir avaler une chope de cigüe, et ce sont les éléphants socialistes, les Cambadélis, les Dray, arrivés au PS dans les années septante maigres et fiévreux et qu'on retrouve quarante ans plus tard gras à lard faisant la tournée des popotes médiatiques pour nier l'évidence de leur propre décrépitude politique... Entrer en politique en Saint-Just et en sortir en Louis XVIII, le parcours est édifiant.

Macron : ni l'aube d'un nouveau temps, ni l'annonce de l'apocalypse


Ce fut (et reste) une erreur de croire Macron inconsistant (il faudrait d'ailleurs choisir entre le décrédibiliser pour être sans programme ou le dénoncer pour être porteur d'un programme dangereux) : sans doute a-t-il choisi de risquer paraître l'être, de cacher son jeu, pour n'effrayer personne. Et apparemment, ça marche. C'est en tout cas la seule explication qui paraît convenir à son succès auprès d'un peuple si anciennement passionné de politique et si friand d'éloquence et de références culturelles que le français. Vertus douteuses du flou, de l'opportunisme, du primat de la forme sur le fond et d'un programme empruntant à la fois à la gauche (sociétalement) et à la droite (économiquement) : Macron, c'est La Samaritaine, on y trouve de tout, et donc ce qu'on a envie d'y trouver, que ce soit pour s'en contenter -ou pour le honnir. Et ce qu'il y a et qu'on ne cherche pas, on s'en fout... On y cherche du libéralisme ? on le trouve. On y cherche du bonapartisme ? on le trouve aussi. Et pour le reste, c'est la version française du social-libéralisme à la Blair, Schröder ou Renzi. Ce que le PS de Hollande et Valls n'a été capable ni d'assumer, ni de combattre . Et c'est un programme, et même un projet -qu'on ne combattra pas efficacement sans le reconnaître comme tel : certainement pas "le plus excitant projet politique (que la France) ait connu depuis des années" en quoi le commentateur du "Temps" veut le voir, mais certainement pas non plus l'abomination de la désolation en quoi Le Pen (et Mélenchon aussi, à sres heures) le dépeignent. Le macronisme, ce n'est après tout que de la social-démocratie allégée. .

Il n'empêche que son succès repose sur un double refus : celui de l'extrême-droite, celui aussi de tous les appareils de partis (de droite et de gauche) transformant le champ politique français en lotissement. Macron et Mélenchon firent tous deux reposer leur candidature sur un "mouvement" voué à "dépasser les partis". Exercice électoralement réussi -mais la politique ne se réduit pas aux élections. Un mouvement est par nature sans garantie de pérennité, et il lui faut bien reposer sur quelque chose comme une organisation durable -et dans le champ politique une organisation durable finit toujours, quelque pudeur qu'elle ait à l'admettre, soit par se transformer en parti politique, soit par assumer le rôle d'un parti politique. Ce que d'ailleurs le mouvement de Macron vient de décider de faire. Même le mouvement anarchiste espagnol, qui fut le plus puissant de tous, et le plus fort exemple du refus de la politique par délégation (à des élus ou à un parti) s'était doté d'une organisation politique, la FAI, aux côtés du syndicat CNT...
Sinon quoi ? le règne de l'image, de la publicité, de la com', du spectacle ? du tout nouveau, tout beau parce que nouveau ? de la personnalisation à outrance ? A ce jeu là, Macron avait l'avantage sur Le Pen... il en a joué, il y a gagné... mais on n'en fera ni l'aube d'un nouveau temps, ni l'annonce de l'apocalypse. Juste un moment de reconstruction politique. A passer pour les uns, trépasser pour les autres -qu'on ne pleurera pas, fussent-ils "socialistes" (ou à plus forte raison s'ils le sont).

Ce n'est d'ailleurs pas l'une des moindres ironies de la victoire de Macron et de ses "marcheurs" que d'apprendre hier que Mélenchon s'autoparachutait à Marseille dans une circonscription (celle du Vieux-port)où le Front National est inexistant, et où son score au premier tour de la présidentielle lui assure d'être au second tour, ça manque un tantinet de panache alors qu'il nous avait habitué à précisément n'en pas manquer. Et pour tout dire, ça fait plutôt IVe République que VIe... mais ça s'explique, par les mots mêmes de Méluche : "je veux remplacer le PS". d'où le choix d'une circonscription de gauche, dont le député sortant est précisément socialiste, plutôt que celui d'une circonscription de droite. Il veut être élu Mélenchon, pas seulement faie un tour de piste inutile. Alors mieux vaut affronter Menucci à Marseille que Valls à Evry ou Le Pen chez les chtis. Mais tout de même : si l'ambition de "remplacer le PS" par les "Insoumis" n'est pas irréaliste, c'est bien qu'elle nous en rappelle d'autres, du même genre, et réalisées : celle de Mitterrand substituant le PS à la SFIO, ou de Tsipras installant Syriza à la place du Pasok. Mélenchon peut pasokiser le PS, certes, mais pour quelle résultat ? Le même que celui de voir Tsipras (qui a applaudi à la victoire de Macron) et son gouvernement mener la politique qu'ils reprochaient, avant de le remplacer, à Papandréou et au Pasok ? Heureusement pour Mélenchon et les Insoumis, le système électoral français (majoritaire à deux tours, avec élimination de la plupart des candidats au premier tour) est si brutal qu'il est pour toute dire invraisemblable qu'ils obtiennent une majorité parlementaire. Ce qui les préservera, en les maintenant dans l'opposition comme Podemos en Espagne, du risque de s'abîmer dans la "gouvernance"...

Résumons : les Républicains s'émiettent, le PS explose, le Front National se trouble, Mélenchon et les communistes s'étripent, les écolos s'évanouissent, Valls est hors sol et Bayrou boude : on ne pourra au moins pas dire de Macron et de son mouvement qu'ils sont sans effet : rarement "bulle médiatique" (puisqu'on les considérait ainsi) n'aura autant ressemblé à une bombe.

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