Transports publics genevois : sortir de la logique punitive


Extravagances

Poursuivant dans la logique rogneuse et punitive qui est la sienne depuis le premier vote contre les augmentations de tarifs des transports publics, et pour confier au parlement -et en dernier recours au peuple- le droit de se prononcer sur ces tarifs, le gouvernement genevois a donc décidé d'une nouvelle baisse des prestations des TPG, déjà réduites de 6 %. Alors que toutes les villes d'Europe renforcent leurs réseaux et leur offre pour favoriser à la fois leur désengorgement et une transition énergétique (que les Genevois soutenaient à trois contre un le même jour où il refusaient l'augmentation des tarifs TPG), la capitale mondiale du monde mondial réduit l'offre de ses transports publics, parce qu'il leur manque quelques millions pour équilibrer leur budget. Le président du gouvernement genevois a jugé "extravagant" le message, réitéré, du peuple. Le plus "extra(di)vagant" n'est-ce pas de refuser de l'entendre et d'en punir l'auteur ?


Le comique de répétition façon "si vous votez mal, on vous punit", à force, ça lasse...

La majorité populaire refusant l'augmentation des tarifs des transports publics est, d'un vote, sur l'autre, constante : 53,8 % il y a trois ans, 53,5 % il y a dix jours. Et la répartition sociale et géographique des votes, elle aussi, est constante : les locaux de droite votent l'augmentation, les locaux de gauche la refusent. Les villes refusent l'augmentation, les communes rurbaines l'acceptent. Mais si la majorité populaire est constante, la surdité gouvernementale l'est tout autant : après le nouveau refus de la hausse, nouvelle sanction : une baisse de 2 % des prestations, la réduction de la desserte de la ligne 12 (Carouge ne sera plus desservie que par un tram sur deux hors des heures de pointe -il est vrai que comme les autres villes, en particulier Genève, elle a mal voté, et qu'elle mérite donc d'en être punie, comme Genève... et même le PLR carougeois s'en émeut). "Ce n'est pas une punition", a cependant juré (croix de Harley, croix de Davidson) l'ineffable Conseiller d'Etat Barthassat. C'est quoi, alors ? en tout cas, "une politique allant à rebours du bon sens", a reconnu son collègue François Longchamp, qui assure qu'elle est menée "à contrecoeur". Mais qui y oblige le Conseil d'Etat, sinon lui-même ? Parce que non seulement le peuple a refusé trois fois la hausse des tarifs, mais il a aussi l'an dernier accepté à près de 70 % une loi donnant aux transports publics (et à la mobilité douce) un rôle prédominant en zone urbaine. Orles transports publics genevois sont les plus lents de ceux des principales villes du pays, et seules quatre des lignes importantes avaient atteint l'année dernière l'objectif, fixé par la loi,d'une vitesse commerciale de 18 km/h. La faute à quoi ? A l'absence de voies réservées continues, de priorité dans le flux de circulation : a contrario, lorsque de telles voies et une telle priorité sont ouvertes, comme sur le pont du Mont-Blanc en 2012 pour les bus, les véhicules des transports publics assurent un service efficace, et ne sont pas pris dans les embouteillages automobiles. Du moins quand on ne parasite pas ces voies réservées en les laissant utiliser par les deux-roues motorisés.

Il faudra compenser le manque à gagner espéré de la hausse des tarifs (7,7 millions), et trouver une quarantaine de millions pour accompagner la mise en service du RER "Léman Express". Il faudra aussi assurer au personnel des TPG de meilleures conditions de travail -et renforcer ce personnel, en sous-effectif chronique, pour pouvoir assurer une offre rétablie. Ce qu'on demandera aux communes et qu'on en obtiendra, les économies supplémentaires imposées aux TPG, l'augmentation de la billetterie -sans augmentation de tarifs, mais grâce à une nouvelle clientèle attirée par une augmentation de la vitesse commerciale, ne suffiront pas à combler ce besoin, et il faudra donc forcément accroître les subsides du canton aux TPG. Du coup, nouvelle menace gouvernementale : "ce qu'on met d'un côté, il faudra le prendre de l'autre", faute de pouvoir le faire payer aux usagers -et en particulier, cible privilégiée, aux plus modestes d'entre eux et aux usagers captifs, n'ayant d'autre moyen de se déplacer que les transports publics. Le "prendre de l'autre", où cela ? Dans la santé ? l'école ? la sécurité ? les prestations sociales ? La gauche a une autre réponse : rejoints (sur cette proposition) par le MCG, les socialistes et "Ensemble à Gauche" ont déposé un projet de loi permettant de sortir du chantage obstiné aux prestations, de maintenir celles-ci (en commençant par les rétablir au niveau qu'elles atteignaient avant que le Conseil d'Etat décide de les réduire) sans augmentation des tarifs, mais par une augmentation du subside de l'Etat -qui en a les moyens, quoi qu'il en prétende. Les Verts, qui soutenaient la hausse, mais dénoncent les "propos irresponsables" d'un Barthassat "sourd au verdict des urnes", proposent quant à eux un crédit extraordinaire de 7,7 millions, correspondant grosso modo au déficit budgétaire des TPG l'année dernière, et à ce que l'augmentation des tarifs devait rapporter -la gauche et le MCG se félicitent de ce que les Verts, qui soutenaient la hausse aient enfin "entendu la voix des citoyens". Le président du PDC (le parti de Barthassat), qui considère qu'il ne faut pas "punir les votants") se dit lui aussi (sans préjuger la position de son parti) prêt à soutenir une augmentation de la subvention aux TPG... qui obtiendrait alors une majorité au parlement (la gauche, le MCG, le PDC...) Le message réitéré du peuple commencerait-il à passer ? Si des oreilles gouvernementales consentaient à s'ouvrir, on pourrait alors, si la majorité parlementaire qui se dessine se confirme, éviter une quatrième votation, un quatrième refus d'une hausse de tarif, un quatrième train de mesures punitives.
Parce que le comique de répétition, c'est très bien au théâtre, au cinéma, au cirque et dans la vie privée -mais en politique, façon "si vous votez mal, on vous punit", ça passe mal.

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