Commission municipale genevoise des naturalisations : Dénis de réalité et incapacité de choisir



Mercredi dernier, le Conseil municipal de la Ville de Genève a faiili, aurait pu, a été invité à décider du sort d'une la commission parasitaire qu'il se trimballe depuis des années : la commission des naturalisations. Cela fait trois ans que nous débattons de ce sujet, en plénière, en commission du règlement, dans nos groupes. Et trois ans que nous constatons que du côté des partisans les plus obstinés du maintien de cette commission, on passe d'un  déni de réalité à un autre, sans transition, et en les additionnant mêmes les uns aux autres : déni du rôle parfaitement secondaire de la commune dans le processus de naturalisation; déni de l'inutilité de la commission des naturalisations; déni du caractère totalement illégal de la procédure par laquelle la Ville de Genève délivre son préavis sur les dossiers de naturalisations; déni de la compétence de la Cour des Comptes lorsqu'elle a relevé l'illégalité de cette procédure; déni du rôle du Conseil d'Etat, et de sa compétence de convoquer lui-même le Conseil municipal pour traiter des dossiers de naturalisations, et de celle d'imposer un délai de trois mois pour ce traitement; déni, enfin, des conditions légales et réglementaires dans lesquelles devraient, forcément, se tenir les séances du Conseil municipal consacrées à la délivrance du préavis municipal sur les demandes de naturalisations. Cela fait beaucoup de dénis ? Certes. Mais leur liste n'est même pas forcément close.


Un système qui fait de chaque commissaire municipal aux naturalisations un petit François Fillon


Rappelons d'emblée un fait désormais incontestable : cela fait des années qu'une commission municipale des naturalisations rend directement au Conseil administratif des rapports qu'elle n'a légalement le droit de ne rendre qu'au Conseil Municipal. Ces rapports sont donc formellement nuls et non avenus, ce qui n'empêche pas chaque membre de la Commission d'être rémunérés pour chaque rapport qu'il ou elle rend, et pour chaque séance de la commission lors de laquelle il ou elle les rend. Et cette rémunérations n'est pas anodine : chaque rapport rendu, si inutile qu'il soit, rapporte 132 francs au commissaire et à son parti, et chaque séance de la commission (presque toujours avec relevée) 220 ou 330 francs) : en un an, c'est une dizaine de milliers de francs que la Ville verse à chaque commissaire et à son parti. Et c'est au moins 200'000 francs par année, au moins un million sur une législature, que la Ville, bonne princesse, claque pour entretenir cette danseuse boîteuse. Et si le Conseil municipal décide (ou si le Conseil d'Etat lui impose) de maintenir cette commission et de tenir des séances plénières du Conseil municipal pour se prononcer sur des rapports toujours aussi inutiles, on pourra y ajouter le coût de ces séances plénières, notamment en jetons de présence pour les conseillers municipaux. Le coût de la commission pour la Ville, et ce qui atterrit dans les poches des commissaires et les caisses de leurs partis, est d'ailleurs le principal effet concret de son existence.
Il est, ou devrait être évident que l'enjeu du débat n'est pas de choisir entre un droit de la nationalité fondé sur le droit du sang et un droit fondé sur le droit du sol -ce choix est fait par la loi fédérale-, et que la situation actuelle est intenable, parce que formellement illégale, ce qui rend tous les préavis donnés par la commission des naturalisation nuls et non avenus. Le Conseil municipal a dès lors deux enjeux à relever -l'un de rétablissement de la légalité, l'autre d'engagement de la commune dans l'accueil des nouvelles citoyennes et des nouveaux citoyens. Le premier enjeu est formel -il s'agit de réintégrer le cadre légal d'où le Conseil municipal est depuis vingt ans, et de le réintégrer en choisissant l'une des deux seules solutions que la loi laisse pour délivrer le préavis municipal sur les dossiers de naturalisation : soit ce préavis est délivré par le Conseil municipal en plénum, ce qui justifie l'existence d'une commission des naturalisation, soit il est délivré par le Conseil administratif, ce qui rend la commission inutile. La commission du règlement propose cette deuxième solution, mais le Conseil municipal est évidemment libre de choisir la première -il faut juste mesurer ce qu'elle implique : l'examen d'au moins un millier de dossiers par année, en séance plénière, à huis clos, portes, fenêtres et buvette fermées, connexions wi-fi et portables coupées, avec un quorum d'au moins 41 Conseillères municipales et conseillers municipaux présentes et présents dans la salle. Chaque dossier doit faire l'objet d'un vote, et peut faire l'objet d'une présentation détaillée et d'un débat. Autrement dit : chaque dossier est un point à l'ordre du jour du Conseil municipal (qui en contient actuellement plus de 200), et au total c'est donc annuellement un millier de points supplémentaires à cet ordre du jour. Avec les dépenses que les séances supplémentaires ainsi définies impliquent.
Et puis, il y a le deuxième enjeu : assurer le rôle de la commune, non dans le processus formel de naturalisation, mais dans l'accueil et l'intégration de nos nouvelles citoyennes et nouveaux citoyens. Faire faire à la commune ce qu'elle peut mieux faire que le canton, faire faire au Conseil municipal ce qu'il peut mieux faire que le Conseil administratif, laisser au Conseil administratif et à l'administration municipale le soin de faire ce qu'ils peuvent mieux faire que les conseillers municipaux -et ce que la loi ne leur laisse d'ailleurs même pas le droit de faire : des enquêtes et des vérifications.

Nous nous trouvons actuellement dans la situation absurde d'une commission qui travaille objectivement pour rien (quoique ses membres soient rémunérés pour ce travail inutile), sinon pour que ses membres aient l'impression illusoire, mais consolante, d'être utiles à quelque chose. Les rapports de cette commission sont transmis en violation de la loi à un Conseil administratif à qui ils sont parfaitement inutiles, et qui délivre déjà  lui-même au canton le préavis municipal, lequel n'intervient d'ailleurs que pour des dossiers qui ont déjà obtenu, après enquête,un préavis positif du secteur cantonal des naturalisations -et dont on peut donc être sûrs qu'ils aboutiront, quoique dise la commune, à une naturalisation. En bon français, on dira que le passage par la commission municipale équivaut à "pisser dans un violon".
En fait, la commission des naturalisations est une commission purement alimentaire : elle nourrit ses membres et leurs partis de jetons de présence à des séances inutiles, et de rémunérations de rapports tout aussi inutiles, mais permettant à ceux qui en ont besoin de cultiver l'illusion qu'ils sont encore des "faiseurs de Suisses" ou de Genevois, pour le seul effet de satisfaire leur amour-propre -mais en les payant pour cela.
Si demain, ou dans deux semaines, ou dans trois mois, le Conseil municipal décide de maintenir sa commission parasitaire, n'en cherchez donc pas la raison dans les grands discours tenus pour justifier cette décision mais dans les petits avantages qu'elle implique. Ainsi aura-t-on, quelque soit la décision prise, répondu à une seule question : est-il acceptable de maintenir une commission des naturalisations qui n'est qu'un système de rémunération des conseillers municipaux et de financement des partis politiques, un système qui n'ose pas dire son nom et qui fait de chaque élu siègeant dans cette commission parasitaire, un petit Fillon ou un petit Ferrand à la genevoise, aussi auto-satisfaits d'eux-mêmes que leurs modèles...

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