Elections cantonales genevoises 2018 : Préliminaires


Les partis politiques genevois se préparent (on n'a pas dit se mettent "En Marche", quoique certains lorgnent du côté de la France) aux élections cantonales de l'année prochaine. A gauche, les Verts et les socialistes ont bouclé leurs listes pour le Conseil d'Etat (et, s'agissant des socialistes, pour le Grand Conseil) et du côté d'"Ensemble à Gauche", sa principale composante, solidaritéS a écarté, lors d'une assemblée générale rassemblant moins de cinquante personnes, le maire de Genève, Rémy Pagani, de sa liste pour le Conseil d'Etat, liste qui comprendra le secrétaire du parti, Pablo Cruchon, et la députée Jocelyne Haller. SolidaritéS explique que ce refus de présenter Rémy Pagani n'est pas une "sanction", mais un "choix stratégique de renouvellement". Rémy Pagani ne fait "aucun commentaire", mais Souhail Mouhanna, ancien député et ancien président du Cartel intersyndical de la fonction publique, considère que l'éviction de Pagani est une "erreur monumentale", car il était la "meilleure chance" pour sa formation (ou la coalition dont elle fait partie) d'obtenir un maximum de soutien des électeurs. A supposer toutefois que l'élection du Conseil d'Etat importe à solidaritéS, ce qui n'est pas évident : sa présence du Grand Conseil lui importe certainement beaucoup plus : elle y présente 36 candidatures, en respectant, comme les socialistes et les Vsrts, la parité femmes-hommes. Elle se donne pour objectif, fort optimiste, d'obtenir une quinzaine de sièges, alors que l'enjeu pour elle sera plutôt d'obtenir le quorum de 7 % nécessaire pour pouvoir rester au parlement cantonal... Enfin, les Radicaux de Gauche et La Gauche promeuvent une "liste citoyenne de large rassemblement" dont on ne connaît pas les contours, sinon qu'elle devrait porter comme titre "Liste pour Genève", ce qui après tout est assez logique (quoique politiquement peu distinctif) pour des élections genevoises. Tout cela n'étant évidemment que des préliminaires, dont on sait qu'en politique aussi on attend qu'y succède quelque chose de plus... consistant... genre alliance de toute la gauche ?

"On se plaint quelquefois que la gauche soit "déchirée". Il est dans la nature de la gauche d'être déchirée".


Comme le candidat socialiste au Conseil d'Etat Thierry Apothéloz, et comme les Verts, on plaidera ici pour une liste commune de la gauche dès le premier tour de l'élection du Conseil d'Etat. Parce qu'une telle liste est une condition nécessaire, même si elle n'est pas suffisante, pour espérer au second tour faire un peu mieux que lors des piteuses élections de 2013, où chaque formation de gauche était partie seule au premier tour, pour retrouver ses candidates et candidats en queue du classement de ce tour, et se condamner à bricoler un semblant d'unité pour le deuxième tour, et ne se retrouver finalement qu'avec deux élus, pour 1500 suffrages séparant un candidat MCG élu (Mauro Poggia) d'un socialiste battu (Thierry Apothéloz, justement).

La gauche genevoise doit se renforcer. D'abord au sein de l'électorat (il lui arrive d'y être majoritaire, mais sur des référendums et des initiatives), ensuite au sein du parlement (elle n'y a jamais été aussi minoritaire), enfin, et seulement enfin, au sein du gouvernement. Pour ce faire, elle doit se rassembler, sans nier les divergences et les contradictions qui la traversent -mais qui ne sont pas plus forte aujourd'hui qu'elle l'étaient quand ce rassemblement était la règle. Ce n'est pas seulement affaire de tactique et d'arithmétique électorales, mais surtout affaire de choix politique : ce qui nous rassemble (à commencer par une adversité commune) est plus important, et plus durable, que ce qui nous divise. Il faut bien d'ailleurs que les déboires de la gauche française nous soient de quelque enseignement. D'autant qu'être unis pour atteindre un objectif n'empêche nullement de s'engueuler sur tous les autres, la RIE III rebaptisée, par exemple, dont on pressent qu'elle va nous en donner de belles occasions : comme disait Dionys Mascolo, "On se plaint quelquefois que la gauche soit "déchirée". Il est dans la nature de la gauche d'être déchirée". Il faut cependant être capable d'aller (parfois) contre sa nature, et il n'est nulle déchirure qui ne se ravaude.

Cela étant, une alliance, si elle veut être autre chose qu'une tactique électorale, doit reposer sur un accord politique, une plate-forme qui tienne le temps d'une législature, des engagements précis et vérifiables, communs à toutes les formations passant alliance, ce qui exclut, logiquement, qu'une formation puisse exiger des autres qu'elles s'engagent sur des positions qui ne sont pas les leur -à moins de se satisfaire de les voir prendre des engagements qu'on sait par avance qu'elles ne tiendront pas plus que François Hollande a tenu ceux qu'il avait pris lors de sa campagne électorale. Une pratique qui n'a eu pour effet que de gonfler le Front National, dégonfler la gauche et faire élire Emmanuel Macron.

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