Lancement d'une initiative populaire "Le Plaza ne doit pas mourir"



C'est un vrai chef d'oeuvre que nous voulons sauver, en le ressuscitant et en en faisant le coeur d'un lieu culturel nouveau, voué essentiellement (mais non exclusivement) au cinéma : le Plaza, que ses propriétaires veulent démolir pour installer à sa place... un centre commercial de plus. Compte tenu de la limitation formelle des possibilités données aux citoyens et aux citoyennes de faire opposition à une autorisation de démolir et de construire, même s'agissant d'un élément dont la valeur patrimoniale est reconnue, et compte tenu de la passivité, de la résignation et de l'inertie des autorités cantonales et municipales dans ce dossier, il ne reste donc que la voix populaire qui puisse être assez forte pour sauver le Plaza. C'est cette voix que nous sollicitons, par une initiative populaire législative proposant l'expropriation, pour cause d'utilité publique et au bénéfice de la Ville de Genève, de la société propriétaire de la salle.
L'initiative devra obtenir 7524 signatures valables, dans un délai de quatre mois à dater du 1er juin.
Des feuilles de signatures sont téléchargeables sur

www.fichier-pdf.fr/2017/05/24/initiative-populaire-cantonale-lEgislative-formulEe-plaza/www.fichier-pdf.fr/2017/05/24/initiative-populaire-cantonale-lEgislative-formulEe-plaza/

Le déclassement du Plaza : un précédent calamiteux

Le projet des propriétaire du Plaza de le détruire pour y reconstruire à sa place un centre commercial, et sous le centre commercial un parking (et sur le centre commercial, des « logements pour étudiants »  histoire de diluer un peu les objectifs purement financiers de l'exercice) a obtenu l'autorisation de construire -et donc celle de détruire la salle- qui lui était nécessaire. Il l'a obtenue malgré toutes ses tares (à commencer par celle de nécessiter, pour pouvoir être autorisé, une dérogation générale à quasiment toutes les lois qu'un projet de ce genre est supposé respecter), après des années de procédures, puisque le Conseil d'Etat a eu l'étrange idée de « déclasser » une salle classée et intégrée dans un ensemble architectural classé. Un précédent calamiteux pour la défense du patrimoine architectural. C'est un vrai chef d'oeuvre que nous voulons sauver, en le ressuscitant et en en faisant le coeur d'un lieu culturel nouveau, voué essentiellement (mais non exclusivement) au cinéma.

Le bâtiment abritant la salle du Plaza, construit par le même architecte que la salle, Marc-André Saugey, a été classé en 2004, malgré l'opposition du propriétaire. Il a été classé parce qu'il est exemplaire de l'innovation architecturale de l'époque, et qu'il le reste après les rénovations qui y ont été effectuées en 1997. Hélas, le Conseil d'Etat a retiré la salle de cette mesure de protection en s'appuyant sur une "expertise" sur la rentabilité de la salle, expertise rendue par l'ancien exploitant Frank Stell, qui a bien entendu émis un rapport défavorable puisqu'il avait renoncé à l'exploitation de la salle précisément parce qu'elle ne lui rapportait pas assez. La salle n'est donc pas classée alors qu'elle est aussi exemplaire que le bâtiment qui l'abrite et qui, lui, est classé. Cette contradiction inexplicable autrement que par la soumission au seul argument du profit financier, menace aujourd'hui le Plaza de destruction pure et simple.

L'état de la salle est préoccupant, mais rien n'est irrémédiable. Elle a d'ailleurs été rénovée en 1997, sans atteinte à son enveloppe, et en 2004, après le rachat du bâtiment par la SA Mont-Blanc Centre, ses façades, ses toitures, ses colonnes, son chauffage, sa climatisation et ses ascenseurs ont été complètement rénovés.

Un enjeu urbanistique

Le plan d'utilisation des sols pose comme principe le maintien de l'affectation initiale des surfaces faisant l'objet d'une rénovation ou d'un changement de propriétaire, sauf s'il est avéré que ce maintien est impossible pour des raisons financières.

Les lieux d'animation, dont les cinémas, doivent donc conserver "en règle générale leur catégorie d'activité en cours d'exploitation". Autrement dit : ce qui est un cinéma doit rester un cinéma, ou à tout le moins une salle de spectacle, à moins de prouver qu'il est impossible de la rentabiliser. D'où les efforts considérables déployés par les propriétaires actuels pour le prouver, avec l'aide de l'ancien exploitant - certains considérant d'ailleurs que la première cause du défaut de rentabilité de la salle était une programmation médiocre, dont quelques uns se demandaient malignement (les gens sont méchants) si elle ne l'était pas volontairement...

Un enjeu culturel

Les salles de cinéma genevoises accueillent chaque année 1,5 million de spectateurs (en chiffres cumulés). On n'est donc pas dans le cadre d'une demande culturelle marginale. Pourtant, nombre de salles de cinéma ont fermé à Genève ces quinze dernières années. Pour en maintenir plusieurs au centre-ville, et les maintenir en tant que cinémas indépendants, la Ville a accordé pour quatre d'entre elles, sur décision du Conseil Municipal, une subvention d'un peu moins de 4 millions de francs, en sus de son engagement dans les deux salles du Grütli et de son soutien au Spoutnik. Cet effort doit se poursuivre: il est pour nous inacceptable de transformer un espace culturel en centre commercial, même si on le fait surplomber de logements étudiants (qu'on peut d'ailleurs parfaitement installer au-dessus d'une salle de cinéma maintenue). Il serait en outre totalement absurde que la collectivité publique accorde chaque année une aide de plusieurs millions de francs (2,5 millions rien que pour CinéForum) à la production de films sans se préoccuper du maintien de lieux où voir les films ainsi produits -surtout si ces lieux ont, outre leur rôle culturel, une valeur patrimoniale majeure, comme le Plaza.

Inauguré en 1952, le Plaza était le plus grand cinéma genevois, avec ses 1250 places initiales. Il est fermé depuis onze ans, "faute de public" selon ses actuels propriétaires. Après onze ans d'inexploitation, la salle a besoin d'être réadaptée (en respectant sa conception) aux attentes actuelles du public. Il est en effet difficilement concevable que le Plaza soit  converti en théâtre ou en salle de concert. En revanche. il est parfaitement concevable qu'il ne soit pas seulement une salle de cinéma, à l'exemple de l'ex-"Manhattan", devenu Auditorium Arditi...Il est surtout parfaitement concevable de faire du Plaza le lieu central d'un véritable "quartier du cinéma", au centre-ville, et à deux pas de la gare principale.

Un projet culturel

Que faire du Plaza ? On peut en en élargir la fonction, le rôle, la place, sans attenter ni à son histoire, ni à sa configuration architecturale. Le sauvetage de l'ex-Manhattan, oeuvre lui aussi de Marc-Joseph Saugey, devenu l'Auditorium Arditi-Wilsdorf, prouve qu'il est possible de réaffecter au cinéma une salle de cinéma  patrimoniale, en respectant son architecture tout en la rénovant et en la rééquipant -et en élargissant sa fonction. Il est possible de le faire, comme il est possible d'installer dans cette salle, sans l'altérer, l'appareillage technique et les éléments de conforts attendus par le public le plus exigeant.
Le Plaza a toutes les qualités nécessaires à un projet culturel : il est au centre ville, accessible facilement par transports publics, à deux pas de la gare et des quais, et entouré d'un espace qui peut être requalifié, et dans lequel des activités en lien avec la sienne -le cinéma- peuvent être proposées, de telle manière qu'il redevienne un lieu de socialisation, de sorties, de visites. La ville de Genève n'abrite plus aucune grande salle de cinéma prestigieuse  : soit elles ont disparu, comme le Rialto, soit elles sont été réaffectées, comme le Paris-Manhattan ou l'Alhambra. Une salle comme le Plaza pourrait accueillir des manifestations publiques importantes, comme le prix du cinéma suisse.
Un cinéma n'est pas seulement un lieu de projection : c'est un espace social -et c'est peut-être de l'avoir oublié que des salles ont périclité. La programmation joue ici un rôle déterminant : plus l'offre est large, plus le public est large, et plus facilement une partie de ce public se rendra dans une salle non seulement pour y voir un film, mais aussi pour tout ce que la salle peut, autour du film, à son propos ou son prétexte ou non, proposer. Car autour d'un film, on peut proposer des événement, des spectacles, des expositions, des prolongements au film et des accompagnement du film -et des spectateurs... Et il faut donner à un nouveau public l'envie de se déplacer vers la salle de cinéma, et à un ancien public l'envie d'y revenir. L'aménagement matériel du lieu joue ici un rôle important : plus il sera chaleureux, convivial et confortable, (et plus l'accueil, la réception du public y sera de qualité), plus il sera qualitativement supérieur aux multiplexes, plus le public aura envie de s'y rendre -de se rendre en un lieu qui ne sera pas seulement une salle de projection, mais aussi un café-restaurant, une librairie, un espace d'exposition -pas seulement un lieu de spectacle, mais aussi un lieu de rencontres, dans ce qui est une oeuvre d'art.

Etat des choses


L'initiative populaire que nous lançons est aussi une réponse à la passivité, pour ne pas dire la complicité, des autorités cantonales et municipales face à la volonté des propriétaires du Plaza de transformer cette salle de cinéma en centre commercial -comme si Genève en manquait.
Les propriétaires du bâtiment (la SA Mont-Blanc Centre), n'ont jamais eu l'intention d'y maintenir la salle de cinéma, même rénovée : ils veulent la démolir pour en faire un centre commercial, avec des logements pour étudiants dans les étages supérieurs. Ils ont déposé une demande d'autorisation de démolir la salle, autorisation qu'ils ont obtenue, ainsi que celle de construire leur projet.

La Ville de Genève avait délivré un préavis négatif à l'autorisation de démolir. Le canton n'en a pas tenu compte, la Ville a renoncé à combattre la démolition et ne s'est donc pas opposée au projet de construction.

Par ailleurs, sans attendre d'obtenir l'autorisation de démolition, et à plus forte raison sans attendre que cette autorisation puisse prendre effet puisqu'aucune autorisation de construire n'avait encore été délivrée, il semble que les propriétaires aient tenté, voire commencé, de vider la salle de son mobilier (notamment de ses sièges, de ses équipements intérieurs et de son matériel de projection).

Une pétition signée par 1756 personnes s'opposant à la démolition du Plaza et demandant le maintien du cinéma a été déposée à l'intention du Conseil Administratif et du Conseil Municipal. La Commission des pétitions a reçu les pétitionnaires, mais aucun rapport n'a été rendu au Conseil municipal, qui ne s'est donc pas prononcé sur cet objet.

Une motion reprenant les termes de la pétition a également été déposée au Conseil municipal. Renvoyée pour étude à la Commission des Arts & de la Culture, elle a été soutenue par celle-ci, mais là encore, aucun rapport n'a été rendu au Conseil municipal, ni, par voie de conséquence, été inscrit à son ordre du jour.

L'initiative populaire législative « Le Plaza ne doit pas mourir » peut sembler être le combat du pot de terre contre le pot de fer, tant les moyens des opposants à la démolition paraissent dérisoires face à ceux des démolisseurs.
Mais c'est le combat de la toile contre le fric, du cinéma contre le souk, de la culture contre la marchandise.

Pourquoi sauver le Plaza ?
D'abord, parce que c'est nécessaire;
Ensuite, parce que c'est légitime;
Enfin, parce que c'est possible...

... pour que ne disparaisse pas une salle de cinéma de plus, et que l'une des plus belles salles de cinéma de Suisse ne soit pas transformée en un souk de plus pour de pures raisons de rentabilité financière.

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