Reprendre la rue pour le droit à la ville



Réchauffer l'été

Une grande manifestation sur le droit à la ville aura lieu à Genève le 1er juillet 2017 (14 heures 30, Place de la Navigation), à l'appel d'un front très large d’organisations et à l’initiative de la maison collective de Malagnou (en lutte contre son expulsion) :  un comité réunissant plus d’une trentaine de collectifs de lieux autogérés, d’associations de quartier, de défense des migrant.e.s, de la culture, de la paysannerie contractuelle, de syndicats et de partis politiques, qui ont décidé qu’il était temps de "reprendre la rue" pour "défendre des lieux d’habitation et de vie contre les attaques de politiques irresponsables de mise en compétition des précaires. C’est pourquoi nous refusons notamment l’opposition entre étudiant.e.s et personnes en exil". L'été commence, réchauffons-le.


La ville, comme lieu d'un désordre social qui créée de la liberté

La manifestation de  demain est d'abord une réponse à la mise en opposition, par le Conseil d'Etat, de deux précarités (celles des espaces laissés aux cultures alternatives et celle des requérants d'asile) : le collectif Xénope, qui occupe depuis cinq ans, avec l'accord du gouvernement cantonal, une ancienne station zoologique à Chêne-Bougeries, est menacé d'en être chassé pour laisser place à un lieu d'hébergement d'une trentaine de requérants d'asile. C'est d'abord contre cette méthode, celle de l'expulsion de précaires pour en mettre d'autres à leur place, que Xénope a constitué le front qui appelle à la manifestation : Aujourd’hui locataires, personnes en exil, associations socio-culturelles, étudiant.e.s et précaires voient leur accès à l’espace urbain toujours plus limité par des politiques irresponsables et une situation du logement catastrophique. Nous appelons la population genevoise à nous rejoindre pour réclamer des logements dignes et des lieux de rencontre conviviaux pour toutes et tous".

Mais au-delà du cas particulier de Xénope, si exemplaire soit-il, il s'agit bien d'exprimer le "droit à la ville", naguère formulé par Henri Lefèbvre, puis théorisé par les situationnistes. Le droit à la ville non comme agglomérat de zones distinctes de travail, de logement et de consommation, mais comme tissu social, culturel et politique. Comme un lieu d’invention politique (la démocratie y naît et en naît) et de ce ce désordre qui créée de la liberté.
Nous n'avons pas à accepter la mort des villes par leur transformation en agglomérations. Nous avons au contraire à recréer des villes. Nous tenons pour évident qu’on ne recréera un urbanisme à la mesure de l’humain, et une architecture à la mesure de qui l’habite, qu’en substituant le plus radicalement et le plus généralement possible la venelle au boulevard et le terrain vague à l’esplanade. Et les espaces d'autonomie aux espaces de normalisation.

Nous en tenons donc, après d’autres, pour un urbanisme unitaire, pour une ville indivise, non clivée en zones d’habitat, de travail, de consommation. Nous en tenons pour l’entrelacs des logements, des commerces, des ateliers, des salles de concert, des cinémas, des lieux de création. Nous en tenons pour des terrains vagues et des prairies sèches dans les centres historiques, et pour des institutions culturelles dans les quartiers périphériques. Nous en tenons pour la pierre contre le béton, pour la friche contre les parcs, pour la ruelle tortueuse contre l’avenue et pour des espaces d'obscurité contre l'éclairage a giorno des vacuités nocturnes. Et pour qu'on en finisse avec l'attribution du label de « ghettos » aux cités périphériques et aux quartiers de relégation sociale produits par l'urbanisme capitaliste. Le ghetto est pour reprendre l'expression de Loïs Wacquant, une « machine à produire des identités » -et qu'elle les produise par l'enfermement et la ségrégation n'y change rien. Les banlieues de relégation, elles,  ne produisent plus rien qui ressemble à une identité ou une solidarité. Elles ne produisent plus qu'une concentration des maux sociaux. Les ouvriers s'appropriaient les quartiers ouvriers, les juifs s'appropriaient les ghettos, les noirs s'appropriaient Harlem, et tous s'y organisaient -les relégués ne s'approprient pas leurs quartiers. Ils y végètent, et la classe sociale dont ils sont issus s'y décompose en sous-prolétariat, sans partis politiques pour les représenter, sans syndicats pour les défendre. Les « éclats de la société salariale » (Loïs Wacquant) forment terrils sociaux, mais pas paysage politique.

"Le moment d'apparition de l'urbanisme authentique, ce sera de créer, dans certaines zones, le vide de leur occupation par l'ennemi"
(Internationale Situationniste, 1961).

Commentaires

Articles les plus consultés